Après Boston et Hambourg, Rome est sur le point de retirer sa candidature pour l’organisation des JO de 2024. Les JO sont-ils devenus une charge trop lourde à porter pour les municipalités ? Le point avec Armand de Rendinger, spécialiste des JO.
La nouvelle maire de Rome, Virginia Raggi, a déclaré mercredi 21 septembre qu’il serait « irresponsable » de soutenir la candidature de sa ville pour les Jeux olympiques de 2024. « Nous n’hypothèquerons pas l’avenir de cette ville », a martelé l’élue, assurant que les Jeux étaient toujours « une sorte de rêve qui se transforme en cauchemar » pour les habitants. Une défection qui vient après celles de Hambourg et de Boston, qui, comme Rome, ont redouté le coût de l’événement. Seules restent en lice Paris, Los Angeles et Budapest, à charge du Comité international olympique (CIO) de départager ces villes en septembre 2017… si toutefois elles maintiennent leur candidature d’ici là.
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Les JO sont-ils devenus une charge trop lourde à porter pour les municipalités dans un contexte de crise économique ? Armand de Rendinger, consultant international dans le domaine du sport, observateur chevronné du mouvement olympique et auteur de » Jeux perdus : Paris 2012, pari gâché » (Fayard) estime que c’est une question d’arbitrage politique.
France 24 : Comment expliquer l’annonce de la maire de Rome ?
Armand de Rendinger : Tout d’abord, l’annonce de Virginia Raggi n’a rien de surprenant. Elle n’avait jamais soutenu la candidature de Rome aux JO et elle ne fait que mettre en œuvre ce qu’elle avait annoncé pendant sa campagne. Virginia Raggi n’a jamais considéré les Jeux Olympiques comme une priorité. Pour elle, l’organisation des jeux est une dépense, non un investissement. C’est-à-dire qu’elle considère que la charge financière des JO pèse trop sur le budget de la ville et détourne les capacités d’investissement de Rome pour d’autres postes qu’elle considère comme plus importants, comme des projets sociaux, culturels, etc…
Entre » coût » et » investissement « , comment se fait l’arbitrage ?
Considérer les JO comme un coût ou comme un investissement est un arbitrage politique. D’ailleurs la première chose qu’a faite Anne Hidalgo [la maire de Paris] en apprenant la décision de son homologue italienne a été d’appeler tous les candidats aux primaires de la présidentielle pour leur demander de ne pas lâcher Paris dans sa candidature pour 2024.
Si on considère l’organisation des JO comme une dépense, c’est fou d’y aller car on n’organise pas des jeux pour moins de 9 à 10 milliards d’euros, quoi qu’en disent les villes candidates qui sous-estiment toujours leur budget. Elles ne comptent par exemple jamais les coûts de la sécurité, pourtant colossaux. Seule Los Angeles a tenu son budget et s’est retrouvée bénéficiaire en 1984. On dit également que Sydney [en 2000] est resté à l’équilibre.
L’autre vision est de considérer l’organisation des jeux comme un investissement qui va améliorer l’image d’un pays, favoriser son attractivité internationale, accélérer des investissements type transports, infrastructures, créer de l’emploi…
Rome, Boston, Hambourg… Quelle est la conséquence de ces défections pour le CIO ?
Il y avait au départ 8 villes en lice, elles sont maintenant trois : Paris, Los Angeles et Budapest. Rome n’est en effet pas la première à renoncer : Hambourg et Boston ont également retiré leur candidature. Le maire de Boston, Marty Walsh, avait dit refuser de « signer une garantie qui utilise l’argent des contribuables pour payer pour les jeux ». Quand à Hambourg, elle a renoncé à la suite d’une consultation populaire.
En 2015, il y avait déjà eu plusieurs défections pour l’organisation des JO d’hiver de 2022. Sur 9 candidatures au départ, seules deux sont restées jusqu’en finale : Almaty [au Kazakhstan] et Pékin qui a remporté les jeux et sera donc la seule ville à avoir organisé des jeux d’été et d’hiver. Les villes s’intéressent à l’olympisme mais y réfléchissent à deux fois avant de présenter leur candidature. Et on ne peut que les comprendre vu les dépenses qui ont été engagées à Sotchi [Jo d’hiver en 2014], et les gouffres financiers qu’ont représenté les JO pour Athènes [2004] et Rio [2016].
Le CIO est désormais dans un paradoxe : d’un côté il est obligé de dire aux villes candidates de réduire la voilure ; mais de l’autre, il ne veut pas organiser des jeux au rabais. D’un côté, il va insister pour réduire les coûts et se montrer rassurant vis-à-vis des villes candidates. Car que ferait-il s’il n’y avait plus de candidats, et on n’est pas à l’abri de cette possibilité. Mais de l’autre, il cherchera toujours à magnifier l’image de l’olympisme. Sa tâche consiste donc à savoir quelle ville aura les moyens d’investir mais surtout laquelle saura tenir son budget.
Paris a-t-elle justement les moyens de sa candidature aux JO de 2024 ?
La question qui se pose pour le CIO est de savoir si Paris est un atout majeur pour lui. Autrement dit : est-ce que le mouvement olympique sortira grandi et amélioré en lui attribuant les jeux alors que sa candidature a déjà été rejetée cinq fois.
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Ceci dit, Paris a des qualités intrinsèques indéniables : elle sait organiser un événement et sait attribuer des budgets avec intelligence. Mais son problème est justement de ne pas faire l’arbitrage entre » coût » et » investissement « . Si la maire n’explique pas clairement à ses citoyens pourquoi on investit 6 à 10 milliards d’euros dans l’olympisme plutôt que dans la santé, l’Education, le développement des banlieues ou autre, elle n’aura ni le soutien populaire ni le soutien politique nécessaires. Et pour que le message passe, il faudrait qu’une nouvelle politique d’éducation sportive, allant du jardin d’enfants à la maison de retraite, soit mise en place. Il faudrait transformer notre pays de sportifs en une nation sportive.