L’UE supprime les visas pour des Sud-Américains: Une provocation pour les pays du Maghreb

L’UE supprime les visas pour des Sud-Américains: Une provocation pour les pays du Maghreb

C’est une ségrégation officiellement assumée à laquelle se livre l’Union européenne contre les ressortissants maghrébins, de quoi alimenter davantage les accusations de racisme et d’islamophobie.

L’Union européenne a décidé de retirer l’obligation de demander un visa d’entrée sur son territoire pour des ressortissants de l’Amérique du Sud, le Pérou et la Colombie pour commencer, avec possibilité à court terme d’extension de cette surprenante mesure aux ressortissants de l’Equateur.

Surprenante, car comme exposé des motifs, l’Union européenne avait justifié ces mesures en indiquant qu’elle ne pouvait signer des accords de libre-échange avec ces pays de l’Amérique du Sud, sans que ce cela ne soit accompagné par l’application du principe de la libre circulation des personnes.

La semaine dernière, en effet, le sommet Europe – Amérique du Sud à Bruxelles qui avait pour ordre du jour l’évaluation des relations entre les deux parties, ainsi que les questions liées au climat et au commerce. L’UE en a profité pour annoncer sa décision d’annuler l’obligation de visa aux ressortissants du Pérou et de la Colombie. Parmi les plus ardents défenseurs de cette mesure, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, qui voit ainsi se frayer un boulevard inespéré pour l’économie de son pays en crise vers les anciennes colonies, aujourd’hui encore hispanophones et fortement liées culturellement à Madrid. Toujours du côté de Bruxelles, on estime que le Pérou et la Colombie vivent un boom économique dans les années à venir.

On considère aussi que la hausse du revenu par habitant fait que les citoyens de ces deux pays ne pensent pas à l’immigration en Europe et disposent d’assez de stabilité et d’opportunités d’emploi dans leur pays. En revanche, il a été rappelé qu’avec la crise économique qui frappe de plein fouet la zone euro, c’est un nombre grandissant de ressortissants européens qui ont émigré vers les pays d’Amérique du Sud comme le Chili, l’Argentine, le Brésil, l’Équateur pour y chercher des opportunités d’emploi. Après le Pérou et la Colombie, l’Union européenne examinera les modalités de mise en oeuvre d’une même résolution en faveur de l’Équateur.

Dès lors, ce sera une majorité des citoyens des pays d’Amérique du Sud latine qui ne seront pas tenus de demander un visa pour entrer sur le territoire européen. Une générosité dont, hélas ! les ressortissants maghrébins ne sont pas en droit de bénéficier, malgré le fait que l’Algérie, la Tunisie et le Maroc sont liés par des accords de libre-échange qui datent des années 1990 et que ces voisins du Sud de la Méditerranée sont considérés par le discours officiel de Bruxelles comme des «partenaires stratégiques ».

Pour les trois pays du Maghreb précités, l’Union européenne représente le premier partenaire commercial depuis toujours, sans compter les relations historiques, culturelles et humaines qui lient les pays du Maghreb aux pays de l’Europe occidentale, notamment et plus particulièrement à la France. Cependant, les pays d’Amérique du Sud sont étroitement liés aux Etats-Unis, leur premier partenaire commercial, et cela depuis les années 1950.

Et cela, malgré la vague gauchiste qui a pris le pouvoir dans plusieurs pays dans le sillage de la montée au pouvoir du défunt Hugo Chavez au Venezuela. Le plus étrange dans cette politique de deux poids, deux mesures, pratiquée par l’UE, c’est que les pays de l’Amérique du Sud n’ont rien exigé, ni négocié et beaucoup d’observateurs croient y déceler une tentative de l’UE de barrer la route aux convoitises chinoises grandissantes dans la région.

Mais force est de constater que les pays du Maghreb, eux, croyant pouvoir tirer bénéfice des accords d’association au plan économique et du développement local, se sont précipités à oublier les questions relatives aux aspirations des leurs citoyens qui, comme tous les autres habitants de la planète, veulent vivre en citoyens du monde.

Résultats : un libre-échange sans libre circulation des personnes, des marchandises et des services qui viennent d’Europe sans barrières, mais des populations maghrébines obligées de montrer patte blanche, même lorsque la croissance est annuellement positive chez elles, que le niveau de vie s’améliore et qu’il fasse mieux bon vivre en Algérie ou au Maroc qu’au Portugal ou en Roumanie ou que la classe moyenne au Maghreb se fasse de plus en plus épaisse. Aujourd’hui, avec cette politique sans masque de l’UE, les arrièrepensées ne le sont plus.

Tout est clair. Les pays d’Amérique du Sud, de par leur proximité culturelle qui compense l’éloignement géographique, sont et seront des partenaires. Les Etats du Maghreb, eux, ne sont bons qu’à acheter la production européenne et servir de gendarme contre la vague historique d’immigrants africains. Voilà donc pour le constat. Une question, à présent : l’UE aurait-elle osé traiter les Maghrébins de la sorte s’il y avait une UMA en vie et capable de parler d’une seule voix ?

N. B.