Les pédiatres algériens préconisent de prêter attention aux carences en Fer et aux anémies

Les pédiatres algériens préconisent de prêter attention aux carences en Fer et aux anémies

L’Unicef a rendu public, au mois d’octobre dernier, son rapport 2019 ayant trait à la situation des enfants dans le monde ; il est, en grande partie, consacré à la nutrition chez cette frange si vulnérable de la société.

Dans les messages clés de ce document, l’UNICEF dresse un bilan inquiétant : Dans le monde, au moins un enfant, âgé de moins de 5 ans, sur trois est dénutri ou en surpoids, et un enfant sur deux souffre de faim insoupçonnée. Ce sont « autant de pathologies qui sapent la capacité de millions d’enfants à bien grandir et à réaliser leur plein potentiel », est-il déploré dans ce rapport. Selon l’agence onusienne, le triple fardeau de la malnutrition est à mettre sur le compte d’une mauvaise alimentation infantile : deux enfants sur trois ne bénéficient ainsi pas de la diversité alimentaire minimale recommandée pour une croissance et un développement optimaux. Ce triple fardeau– à savoir la dénutrition, la faim insoupçonnée et le surpoids – menace la survie, la croissance et le développement des enfants.

En Algérie, la situation semble être au diapason des constats dressés par l’agence Onusienne. En attendant des données locales, avec la publication du prochain rapport conjoint UNICEF Algérie/ ministère de santé, de la population et de la réforme hospitalière, et qui rendra compte de la situation sanitaire et nutritionnelle des enfants algériens, diverses données peuvent, d’ores et déjà, nous en donner un aperçu. Ainsi, il est estimé qu’à l’échelle nationale, les risques liés à une alimentation inadéquate sont multiples ; concernant les enfants, les deux « fardeaux » auxquels ils sont exposés sont l’anémie et le surpoids (Rapport Global Nutrition 2018). Ces deux signes de malnutrition sont désignés par l’Unicef comme résultant d’une « faim insoupçonnée » (voir entretien du Dr. Elaoufi), qui, chez l’enfant, se manifeste par « des carences en fer, qui diminuent les capacités à apprendre ».

Connait-on l’ampleur et la prévalence de ces carences en Fer sur la population d’enfants algériens ? Selon les données recoupées par l’OMS, 30% des enfants âgés de moins de 5 ans souffraient, en 2016, d’anémie. De même, « si l’on s’en réfère aux estimations de l’Unicef, un enfant sur deux souffre d’une anémie, dont la majorité, de l’ordre de 70% des cas, sont dues à une carence en Fer », explique ainsi le Docteur Mourad Laoufi, pédiatre libéral à Ain Temouchent. « Durant mes 25 ans d’exercice, et en prenant en considération les échos de mes collègues, je peux confirmer ces estimations, et même ajouter que lorsqu’une anémie ferriprive (i.e : induite par une carence en Fer, ndlr) est diagnostiquée chez un bébé, elle trouve son origine dans des erreurs diététiques », ajoute-t-il.

Une alimentation adaptée comme rempart contre les carences

Car une alimentation qui couvre les besoins nutritionnels des enfants en bas âge est le meilleur rempart contre cette faim insoupçonnée ; D’autant plus que des carences en Fer durant les premiers mois de la vie d’un enfant peuvent être plus que dommageables, voire même irréversibles, tant sur un plan de croissance physique que de développement cérébrale. D’où l’importance d’une alimentation équilibrée de la naissance à l’adolescence, en passant par ces années charnières qu’est la petite enfance.

Pour ce faire, l’allaitement maternel est et demeure la panacée ; Le lait maternel prodigue l’ensemble des nutriments et couvre les besoins spécifiques des bébés. Toutefois, dès lors que la diversification alimentaire est introduite ou que le bébé est en sevrage, il est indispensable d’apporter une attention particulière aux apports en certains nutriments. Les stocks en fer chez un nourrisson, qu’il hérité de sa maman, vont ainsi être épuisés à un certain âge, lorsqu’il a 6 mois.

C’est à ce moment-là que le lait maternel ne peut plus, à lui seul, suffire.

L’alimentation diversifiée peut être préconisée « à partir de 6 mois ; le premier mois l’on introduira, progressivement, les légumes : carottes, courgettes, pomme de terre, bouillon de légumes. Un mois après, en plus de ces légumes, on y ajoutera des fruits naturels. Puis, le mois suivant, cela sera au tour des viandes : volailles, viandes rouges, poissons, jaunes d’œufs, blancs d’œufs. Entre ses 6 mois et la fin du 7ème mois, l’enfant aura gouté à tous ces aliments», énumère le Dr. Elaoufi. Ainsi, l’on peut s’assurer que l’enfant reçoive les nutriments nécessaires à son développement.

Toutefois, et si l’alimentation reste le premier rempart contre ce type de carences alimentairement induites, n’en demeure pas moins que l’Unicef, dans son rapport, estime que des alternatives peuvent renforcer les apports journaliers en nutriments, notamment le fer. Il s’agit, par exemple, de l’enrichissement des aliments de base et complémentaires en micronutriments, qui sont des « interventions efficaces pour lutter contre la faim insoupçonnée chez les enfants, les jeunes et les femmes, et qui affichent un bon rapport coût-efficacité ».

Lait de vache : déconseillé !

Ce que confirme le corps médical, dont le Dr. Elaoufi, qui abonde dans ce sens. « Il faut, par exemple, être prudent en ce qui concerne les apports laitiers, et tout particulièrement en ce qui concerne l’introduction du lait de vache. Cela est nuisible à la santé d’un bébé. En dehors d’un allaitement maternel, il faut absolument prendre l’autre option acceptable, à savoir les laits infantilisés. Et cela, toujours selon l’âge et les besoins de bébé ; Il y a le lait deuxième âge, qui répond aux besoins des nourrissons de 6 mois à 12 mois. Pour les enfants de 1 à 3 ans, il y a le lait de croissance.

Le lait de vache (ou en sachet) contient beaucoup trop de protéines, ce qui n’est pas adapté aux enfants de 1 à 3 ans.

Ces protéines vont créer beaucoup de déchets azotés, ce qui va sur-solliciter les reins de l’enfant », s’alarme le pédiatre. Il estime qu’il y a réellement péril en la demeure, car ce type de lait non adapté contient aussi beaucoup de sodium, de sel donc, ce qui pourrait, avec le temps, exposer l’enfant à des problèmes d’hypertensions et d’hyperpression vasculaire.

De même, le calcium qui s’y trouve n’est pas idoine : il ne sera pas bien fixé dans l’os et le squelette de cet enfant. Ce qui vaut aussi pour les Oméga-3, qui ne sont pas présents dans le lait de vache, contrairement au lait maternel et au lait de croissance. Et un petit enfant en a besoin pour que son cerveau ait une bonne croissance et qu’il se développe bien, tout comme son système nerveux central et son acuité visuel ont besoin de l’essentialité de ces Oméga- 3. Il est aussi et surtout très faible en fer.

Et si l’impasse est faite sur cette supplémentation en fer qui se trouve dans le lait de croissance, il y aura carences martiales. Et tout cela pourra hypothéquer, à court et à long terme, la santé et la croissance de l’enfant…

Interview avec le Docteur Mourad Laoufi, pédiatre libéral à Ain Temouchent depuis 25 ans.

« Les carences en Fer ont des répercussions sévères sur le développement d’un enfant »

Quels sont les besoins alimentaires et nutritionnels d’un enfant ? Sont-ils comparables à ceux d’un adulte ?

Les besoins nutritionnels d’un enfant ne sont absolument pas comparables à ceux d’un adulte ; L’enfant n’est pas un adulte en miniature, c’est un être humain en croissance, et cela fait, justement, toute la différence. Pour mieux cerner cette question, le concept des 1000 jours a été introduit. Cela commence donc au tout début de la grossesse, lorsque l’embryon est en formation. A ce moment-là, déjà, il faut indiquer à la future maman qu’il est indispensable qu’elle ait une alimentation très équilibrée.

Ainsi, son enfant, à la naissance, ne souffrira pas d’hypotrophie ni d’un petit poids, il jouira des stocks nécessaires en matière de Fer, de protéines, de lipides, etc., qui feront de lui un nouveau-né avec des stocks normaux et équilibrés.

Car il y a lieu de souligner un fait très important : la moyenne du poids à la naissance est de 3,5 kilogrammes. Et, à l’âge de 4 ans, un enfant aura multiplié ce poids par 5, et il pèsera donc quelque 15-16 kilogrammes. Il en est de même pour ce qui est de sa taille : de 50 centimètres en moyenne à la naissance, à 4 ans il mesurera plus ou moins 1 mètre.

Il y a donc une croissance conséquente et rapide. Un enfant en bas âge a besoin de beaucoup plus d’énergie pour pouvoir faire face à cette croissance phénoménale. D’autant plus que c’est un être qui est aussi et surtout en apprentissage de la vie, et cela est primordial : il y a un cerveau qui se développe, et il est indispensable de lui offrir tous les atouts pour que cela soit fait le plus sainement possible.

Comment définir ce que l’UNICEF, dans son rapport, appelle « la faim insoupçonnée» ?

La malnutrition est évidente et visible : lorsque l’on examine un enfant, tous les signes que reconnait le pédiatre sont là : il est chétif, amyotrophe – lorsque vous palpez les muscles, ils sont tout flasques, il a un petit poids et une petite taille, etc. La faim insoupçonnée est quant à elle sournoise ; c’est lorsque l’on a donné à des enfants des aliments non-adaptés, comme le lait de vache avant 3 ans, et qui contient trop de protéines. Donc l’enfant sera assez gros, et sera même considéré comme bien portant. Mais si l’on fait un bilan sanguin, il révèlera de nombreuses défaillances, principalement des anémies carentielles. Cet enfant n’a pas pris ses rations de vitamines, de bonnes protéines, de fer, de bon calcium, mais cette faim est insoupçonnée car physiquement on ne voit pas ces défaillances. C’est là que le pédiatre doit faire attention, bien écouter les parents et poser les bonnes questions : comment est-ce que cet enfant est nourri ?

Ce rapport estime que cette faim insoupçonnée porte préjudice aux enfants et à leur développement ; les carences en fer diminuent ainsi leurs capacités à apprendre. Comment reconnait-on ces carences en fer chez l’enfant en bas-âge ? Quel est l’impact d’une telle déficience, à court et long terme, sur la santé des enfants ?

Le fer, est un élément capital dans notre nutrition. Le fer a la capacité de bien capter l’oxygène, une fois absorbé par nos intestins, il y a une quantité de fer qui va passer dans les globules rouges, et s’unir avec une protéine, donnant ainsi une hémoglobine, qui va transporter l’oxygène des poumons vers toutes les cellules. Ceci va, via le métabolisme, créer de l’énergie. Raison pour laquelle l’on donne beaucoup d’importance à cet élément-là, et majoritairement, lorsqu’un enfant est carencé, c’est le fer qui est concerné.

Les signes de ces carences martiales sont, entre autres, la pâleur, l’apathie et l’irritabilité, ou encore les ongles fragiles, striés et cassants. Puis, quand l’anémie est installée, l’enfant ne grandira pas, il gardera un petit poids et une petite taille. Dans la mesure où le fer a aussi un effet sur le développement du système nerveux, il aura des problèmes d’apprentissage, car fatigué et ne pouvant se concentrer. En cas d’anémie ferriprive, même son appétit diminue, un cercle vicieux s’installant par la suite. En absence d’oxygénation des tissus, permise par le Fer, l’immunité est atteinte : L’enfant développera des infections à répétition. D’autant plus qu’il n’y a pas d’âge pour développer une anémie ferriprive importante.

Les enfants carencés ne vont pas grandir et se développer, l’anémie ferriprive altérant leur croissance. Cela va aussi et surtout freiner leurs apprentissages, vu l’impact du fer sur le développement de leur cerveau, et au vu de la fatigue provoquée par ces déficiences. Ces enfants seront apathiques, très faibles et irritables, ne pouvant s’exprimer et bien communiquer avec leur entourage.

Comment peut-on prévenir et pallier à ces carences en fer ?

En termes d’alimentation, il est indispensable de miser sur des apports nutritionnels adaptés, et donc sur le Fer.

Schématiquement, il y a le fer héminique et le fer non-héminique ; Le premier se trouve dans les viandes rouges et blanches et dans les poissons, et il est très bien assimilé et absorbé par le corps humain. Tandis que le second fer se trouve dans les autres types d’aliments : œufs, lentilles, légumineuses, haricots, et légumes verts : brocolis, haricots verts, etc. Le fer non-héminique est moins bien absorbé par le corps humain. Il faut donc y associer des aliments qui vont aider ce fer à bien pénétrer l’organisme. Par exemple, la vitamine C ; Il suffit ainsi de donner, après, par exemple, une assiette de lentilles, une mandarine ou une orange.
En plus de cela, il y a le lait que l’on donne à l’enfant. Le lait maternel demeure la panacée. Mais si cet idéal nutritif ne peut pas être prodigué à l’enfant, il est essentiel de bien choisir le lait infantile que l’on va donner à son enfant. Ainsi, il faut opter pour un lait de croissance, qui doit absolument être très riche en Fer.

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