Alors que la polémique sur le projet de loi portant sur la déchéance de la nationalité bat son plein, voilà qu’une nouvelle note du ministère de la Justice suscite encore une vive controverse notamment de la part des juristes.
Dans une note datée du 15 mars, adressée à l’ensemble des procureurs généraux, le ministère de la Justice a interdit aux l’ouverture d’enquêtes sur des affaires de gestion et dilapidation de deniers publics impliquant un agent public, sans l’aval de ses services.
Dans sa note, le ministre de la Justice Belkacem Zeghmati a demandé à l’ensemble des procureurs généraux d’instruire les juges de ne plus ouvrir aucune enquête préliminaire ou une demande d’enquête judiciaire à l’encontre d’agents publics dans le cadre d’affaires de corruptions ou de dilapidation de deniers publics sans l’approbation de ses services.
Une note qui a suscité de vives réactions de la part de plusieurs avocats à l’image de Me Mustapha Bouchachi qui a dénoncé « un encouragement de la corruption et un choix de qui vont être poursuivis ».
Dans une déclaration à Algérie360 lors de la manifestation du Hirak d’hier vendredi 19 mars 2021, le juriste a estimé que « le ministre de la Justice n’a aucun droit de donner l’instruction aux procureurs généraux de ne plus ouvrir d’enquêtes sur des actes de dilapidation de deniers publics sans le feu vert du ministère ».
Il souligne également que « ce genre d’instruction débouchera inéluctablement sur l’encouragement de la corruption et la sélectivité des personnes à poursuivre le cas échéant. C’est une instruction illégale ».
Me Mokrane Ait Larbi : « le ministre n’a pas le droit de s’immiscer dans le travail de l’autorité judiciaire »
Pour sa part, l’avocat Mokrane Ait Larbi a d’emblée estimé qu’à travers cette instruction, « le ministre de la Justice a pris la place du parquet général sans aucun droit » en ce qui concerne l’enclenchement des enquêtes judiciaires dans ce sens.
À ce propos, il rappelle les prérogatives du ministre de la Justice stipulée par l’article 30 du code des procédures pénales. L’article en question stipule en effet : « le ministre de la Justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale. Il peut, en outre, lui enjoindre par écrit d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites qu’il juge opportunes ».
Cela pour dire que « l’instruction du ministre consiste à poursuivre les mis en causes et pas de ne pas les poursuivre, sauf pour le cas cité dans l’article 6 du même code qui stipule « le non-enclenchement de l’action publique qu’avec une plainte préalable de la société ».
Le juriste a également cité l’article 6 du code des procédures pénales qui stipule clairement que « le ministère public exerce au nom de la société l’action publique et requiert l’application de la loi ». Dans ce sens Me Ait Larbi estime que « la nouvelle note du ministre menace à nouveau les deniers publics ».
Cela étant donné, notamment selon le même avocat, « que le ministre a insisté sur la nécessité d’appliquer strictement cette note, et qu’après cette note, l’autorité exécutive choisit qui sera poursuivi et qui ne le sera pas ».
Dans son communiqué publié sur sa page Facebook, l’avocat ajoute que le ministre oublie ou fait semblant d’oublier qu’en tant que membre de l’exécutif, il n’a pas le droit de s’immiscer dans le travail de l’autorité judiciaire sauf conformément à la loi, notamment l’article 30 cité en haut ».