Le changement opéré depuis hier à la tête du ministère de la Justice, au-delà des interrogations qui l’accompagnent, n’en marque pas moins une nouvelle séquence dans un secteur qui vit déjà un emballement inédit, dans le sillage du mouvement populaire pour le changement et la chute du régime d’Abdelaziz Bouteflika. Avec cette promotion, Belkacem Zeghmati aura certainement à donner un coup d’accélérateur à l’instruction de toutes les affaires de corruption par la justice.
Une évolution qui a mis l’appareil judiciaire à l’épreuve, comme le témoigne le nombre important d’affaires ouvertes, les condamnations prononcées et celles attendues pour les semaines et mois à venir dans un contexte politico-judiciaire agité.
C’est ainsi que de nombreux anciens dirigeants, des ex-membres de gouvernement et des personnalités ayant dirigé des institutions de l’Etat et autres entreprises publiques ont été présentés devant la justice pour des affaires de corruption.
Dans le registre des personnalités qui ont écopé de condamnation à la détention provisoire, ce sont incontestablement les deux anciens Premiers ministres Ouyahia et Sellal qui émergent. D’autres ministres ont eu le même sort. Il s’agit d’Amara Benyounès, ancien ministre du Commerce, Djamel Ould Abbès et Saïd Barkat, anciens ministres de la Solidarité nationale et de la Famille, Yousef Yousfi, ex-ministre de l’Industrie et des Mines, Mahdjoub Bedda, ancien ministre de l’Industrie, et Amar Ghoul qui dirigeait le ministère des Travaux publics et des Transports.
Dans la même catégorie de condamnés à la détention provisoire figurent également d’autres hauts responsables, à l’image Abdelghani Hamel, ancien directeur général de la Sûreté nationale, Abdelhafidh Feghouli, ancien vice-président de Sonatrach, Hamid Melzi, ex-directeur général de l’Etablissement public « Sahel » et ex-P-DG de la Société d’investissements hôteliers (SIH). Il s’agit aussi des hommes d’affaires Mourad Oulmi, Hacène Arbaoui, Ahmed Mazouz et Mahieddine Tahkout, qui activaient dans le secteur de l’automobile. D’autres opérateurs comme les frères Kouninef, Issad Rebrab et Ali Haddad croupissent, eux aussi, en prison.
Par ailleurs, d’autres personnalités convoquées par la justice ont été mis sous contrôle judiciaire. Il s’agit de Abdelghani Zaâlane, ancien ministre des Transports et des Travaux publics, Karim Djoudi, ancien ministre des Finances et Amar Tou, ancien ministre des Transports. Pour leur part, Abdelkader Zoukh et Fouzi Benhocine, respectivement walis d’Alger et de Skikda, ont eu la même sentence, tout comme Meziane Mohamed, qui a eu à diriger le groupe Sonatrach.
Les juges ont prononcé, en outre, des mises en liberté pour des responsables en exercice et d’autres qui ont été entendus pour leurs missions antérieures. C’est le cas d’Abdelkader Benmessaoud, ministre du Tourisme et de l’Artisanat en exercice et ancien wali de Tissemssilt, Mohamed Djamel Khenfar, wali d’El Bayadh en exercice, Benmansour Abdellah, ex-wali d’El Bayadh, Djeloul Boukerbila, ex-wali de Saïda, Seif El Islam Louh, wali de Saïda.
L’appareil judiciaire a également prononcé une interdiction de sortie du territoire national (ISTN) à l’encontre d’autres personnalités, qui touche notamment Tayeb Louh, ancien ministre de la Justice, garde des Sceaux.
L’ISTN touche aussi trois anciens walis de Tipasa, Abdelkader Kadi, Mustapha Layadhi et Moussa Ghellai, poursuivis pour « modification du caractère agricole d’un terrain », « dilapidation de l’argent public », « mauvaise utilisation de la fonction » et « trafic d’influence ». Au vu de cet emballement et, vraisemblablement, des rebondissements à venir, l’arrivée de Zeghmati et son nouveau mandat à la tête de la justice seront nettement plus scrutés que la période éphémère de son prédécesseur Brahmi.
NAZIM BRAHIMI