Dans cet entretien, le directeur général de l’Habitat et de la Construction, Mohamed Tahar Boukhari, retrace les grands axes du nouveau programme de construction inscrit pour le quinquennat 2010-2014.
Il a tenu à rassurer que le foncier ne constitue pas une contrainte et que la tension sur le logement baissera avec le temps. Il a même fait savoir qu’une nouvelle loi sur la promotion immobilière est en phase de maturation au niveau du ministère de l’Habitat.
Un ambitieux programme de construction est inscrit pour le quinquennat 2010-2014. Peut-on savoir en quoi il consiste ?
C’est vrai que ce programme est très ambitieux. Il prend en charge bien évidement ce qui est en cours de lancement en plus du programme additionnel. Une grande partie va être réalisée sur la période 2010-2014. Dans ce programme, il est inscrit la réalisation de plus de deux millions de logements. Il englobe les 800 000 qui sont en cours de réalisation et un programme neuf 1,2 million de logements.
C’est très important de dire que des efforts considérables ont été consentis. Il ne faut pas oublier que ce programme viendra s’ajouter à celui d’un million
45 000 unités livrées durant le précédent quinquennat. Il est nécessaire de préciser que le programme inscrit ne sera pas livré dans sa totalité à la fin du quinquennat. Nous avons prévu pour les cinq années prochaines, la livraison de 1 200 000 logements. Le reste est inscrit pour l’après 2014. C’est simple. Il faut juste comprendre que l’acte de bâtir est dynamique. Ce qui est inscrit aujourd’hui ne peut être livré forcément dans la même période. Il y a des soudures à laisser pour le prochain quinquennat.
Le problème du foncier se pose avec acuité, notamment dans les grandes villes. Comment comptez-vous procéder pour le régler et peut-on savoir si Alger est concernée par ce nouveau programme?
Bien évidemment, Alger est concernée au même titre que l’ensemble des wilayas du pays. Il n’y a pas d’exception. Pour ce qui est de la disponibilité du foncier, il faut comprendre que le développent des programmes se fait en fonction des instructions d’urbanisme. Nous avons le Plan directeur d’aménagement urbain (PDAU) et le plan d’occupation du sol (POS). Pour Alger, à titre d’exemple, la révision du PDAU est en cours de finalisation. Une fois adopté, cet instrument permettra de donner un nouvel aménagement et surtout de dégager une nouvelle assiette foncière.
Ce qui est important également de souligner, c’est que la révision du PDAU n’implique pas seulement une extension sur le plan du terrain mais aussi faire de la structuration à l’intérieur des agglomérations et la récupération du foncier et sa densification.
Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, il y a des instructions très fermes et des étapes à respecter avant l’entame d’un programme de construction. Il est à noter, en outre, que nous ne pouvons pas affecter des programmes à une wilaya si nous n’avons pas des propositions de foncier qui est mobilisé et qui est apte à être urbanisé dans l’immédiat. Les wilayas doivent assurer que les fonciers proposés sont sans contraintes et viabilisés. Il est impératif que le foncier ne doit pas être soumis aux aléas tels que les inondations. Nous ne pouvons en tout cas passer à l’étape de l’étude et à la détermination du coût préalable de la réalisation si le foncier n’est pas dégagé.
Ce qui est rassurant, c’est que beaucoup d’assiettes foncières ont été dégagées à travers la révision des PDAU. Et je pourrais même dire que nous sommes sereins quant à cette question du foncier et nous assurons même qu’elle ne constituera pas une contrainte pour la réalisation du plan 2010-2014.
Une opération de relogement des habitants a été effectuée ces derniers temps. Les terres sur lesquelles étaient érigés les bidonvilles seront-elles récupérées ?
Cela dépendra du plan d’urbanisme. Celui-ci est établi par des spécialistes en la matière en concertation avec les élus. C’est ce plan qui détermine l’affectation du site.
L’opération des affectations du programme par wilaya a-t-elle commencé ?
Toutes les wilayas ont été saisies pour nous faire part de leurs propositions du foncier mobilisable dont les études de viabilité sont faites ou en cours de réalisation. La totalité des wilayas nous ont répondu et ont même présenté des fiches techniques ainsi que des sites susceptibles d’accueillir les programmes qui seront lancés au courant de 2010.
Pour cette année, il est prévu le lancement d’un chantier de 100 000 logements publics locatifs et 50 000 unités dans le segment LPA (Logement promotionnel aidé). Il faut savoir aussi que la qualité des réalisations a complètement changé. Il y a des améliorations considérables apportées dans les constructions. Nous ne livrons plus de cités dépourvues de viabilité en plus des améliorations architecturales.
L’Etat n’a pas lésiné sur les moyens. Cette amélioration ne concerne pas seulement Alger, mais l’ensemble du pays. La situation a changé à partir d’une instruction donnée en 2007 pour changer le cahier de charge, d’autant que les améliorations ne sont pas couteuses. Dans ce cadre, je dois dire que le LPA sera meilleur que le logement public locatif.
Quelle sera la part accordée au nouveau dispositif LPA ?
Je dois d’abord souligner que le LPA est le jumelage de deux segments à savoir le Logement social-participatif et le logement locatif AADL. Ces deux segments sont presque identiques sur le plan soutien de l’Etat mais sur le plan de procédure d’accession ils différent. Donc, l’objectif est de les rassembler et proposer un nouveau dispositif qui est le Logement promotionnel aidé (LPA).
C’est un logement qui est encouragé par l’Etat dans la mesure où il est très sollicité d’autant plus que ce segment est adressé à la couche moyenne. C’est celle-là qui compose la grande majorité de la population active de l’Algérie. C’est un segment très privilégié par les demandeurs de logement. C’est la raison pour laquelle le programme lui consacre une part importante. 265 000 logements sont programmés en LPA. Beaucoup d’avantages lui ont été accordés, notamment en matière d’aide de l’Etat. Celle-ci concerne en premier lieu, l’abattement sur le foncier.
Il est de 80% pour les grandes villes (Alger, Oran, Annaba, Constantine). Pour le Sud, l’abattement est de 95% et pour le reste des wilayas il est de 90%. Outre cela, nous avons modulé les aides. Il y a des aides en fonction des revenus. C’est important car l’objectif est d’aider les personnes qui ont moins de possibilité pour accéder à un logement. Nous avons même proposé un prix bonifié.
A la réalisation, un prix bonifié est accordé au promoteur. Si un promoteur contracte un crédit d’investissement auprès de la banque, celle-ci peut lui accorder un taux de 4% alors que le prix du marché est de 6 jusqu’à 7%. Le reste du différentiel est pris en charge par l’Etat. Pour les bénéficiaires des logements, le taux est bonifié à 1% et le reste est à la charge de l’Etat.
Il y a une seule aide financière qui est plafonnée à 700 000 DA pour ceux dont le revenu est inférieur à 4 fois le SNMG. Ceux dont le salaire se situe entre 4 fois et 6 fois le SNMG bénéficient de 400 000 DA. Les autres aides concernent tout le monde tel l’abattement sur le foncier.
Avec l’instauration du taux bonifié, l’apport initial sera-t-il revu à la baisse ?
Sur cette question, je dirai que l’avance concerne la capacité d’endettement du bénéficiaire. L’âge est bien évidement pris en compte. L’apport initial est calculé en fonction de l’aide de l’Etat et la capacité d’endettement. Et l’aide de l’Etat intervient selon l’avancement du projet.
La crise de logement persiste toujours malgré le nombre important de logements construits. Comment expliquez-vous cette inadéquation entre l’offre et la demande ?
La particularité de l’Algérie réside dans le fait que 85% de la population habitent 15% du territoire et que 28% ont moins de 15 ans. C’est une population relativement jeune. Nous avons également le facteur du mariage.
Ce sont là les raisons à l’origine d’une forte tension sur le logement. Mais avec le programme qui s’est réalisé ou celui qui le sera, la tension baissera inéluctablement. Il faut savoir qu’en dix ans (1999-2009), 1,8 million de logements ont été réalisés.
On parle d’une nouvelle loi qui régira le secteur de la promotion immobilière…
Effectivement, cette loi est en préparation et viendra mettre de l’ordre dans le secteur. Parce que n’importe qui se proclame promoteur. Elle régira la profession immobilière en la laissant au véritable professionnel. La loi en question améliorera la relation entre le citoyen et les promoteurs puisque ces derniers vont être des professionnels. Elle apportera, en outre, beaucoup d’ordre en la matière. Cette loi n’est pas encore présentée au gouvernement mais elle est en stade de maturité au niveau du ministère de l’Habitat.
Construire est bien mais il faudrait respecter les délais. A quoi sont dus les retards ?
Il faudrait avoir une bonne étude complètement maturée au niveau du maître d’ouvrage. Le délai de réalisation passe par un meilleur bureau d’étude. Le deuxième critère est de bien choisir nos entreprises.
Les projets qui souffrent de retard de réalisation sont les projets qui ont mal démarré. Cependant, la dernière directive, passée au Conseil des ministres le 24 mai dernier est très claire. Elle stipule de ne pas affecter un programme seulement sur la base de la disponibilité de terrains appropriés et ne pas inscrire au budget l’enveloppe de réalisation si les études ne sont pas complètement achevées.
Propos recueillis par Wassila Ould Hamouda.