Une telle thèse a déjà été au menu de certains spécialistes qui avaient prévu un effondrement plus rapide de l’économie du pays.
L’actualité va bon train et les scénarios aussi. L’Algérie en plus de traverser une crise politique depuis la démission de l’ex-président de la République, fait face à des difficultés économiques qui ont sérieusement impacté sa trésorerie au point de recourir au financement non conventionnel pour équilibrer son budget. L’économie nationale qui demeure chevillée à son pétrole, à ses exportations d’hydrocarbures a énormément souffert et continue de souffrir de la dégringolade des prix du pétrole. L’avenir ne s’annonce pas tout rose, mais cela justifie-t-il le fait de pronostiquer un risque de faillite, d’évoquer un chaos prédestiné ? Une telle thèse a déjà été au menu de certains spécialistes qui avaient prévu un effondrement plus rapide de l’économie du pays qui l’aurait propulsé vers les fourches Caudines du Fonds monétaire international.
Le feu n’est certes pas éteint. Les dégâts, le séisme qu’aurait pu provoquer la baisse des revenus pétroliers, sont toutefois circonscrits. Les mauvais jours sont-ils derrière nous pour autant ? La menace n’est pas écartée, mais l’Algérie affiche quoi qu’on en dise une robustesse insoupçonnée. Rassurant. Surtout si l’on voit les ravages que subit le Venezuela en proie à des protestations quasi quotidiennes ou l’Arabie saoudite, chef de file de l’Opep gros producteur mondial, qui avait accusé un déficit budgétaire de près de 100 milliards de dollars en 2015. L’Algérie, malgré la persistance d’une conjoncture toujours défavorable, réussit dans des circonstances difficiles à tenir à distance la récession.
Certes, on a connu une flambée qui a rendu prohibitifs les prix, notamment des fruits et légumes durant le mois de Ramadhan. Une conjoncture qui n’a pas perduré toutefois. La disponibilité de ces produits de consommation ainsi que leur coût qui a désenflé a permis sans doute de participer à contenir le taux d’inflation autour des 3% bien que la planche à billets ait tourné à plein régime. Ce qui ne représente pas une mince performance. Personne ne donnait cher de cet indicateur que les experts attendaient à ce qu’il explose ouvrant ainsi la porte au scénario vénézuélien. La déflagration n’a pas eu lieu. Tous les ingrédients étaient pourtant réunis. La flambée des prix exceptionnelle qui a caractérisé le mois sacré, devait en l’occurrence provoquer l’étincelle qui devait déclencher l’incendie. Associée à une planche à billets qui a tourné à plein régime, cela devenait de la nitroglycérine. Contre toute attente, cette «bombe» à retardement a eu l’effet d’un pétard mouillé. Une situation qui, sans doute, défie toutes les théories économiques.
Un miracle «algérien» ! Et c’est tant mieux pour le pays qui fait déjà face à une crise politique dont les conséquences sur le plan économique pourraient être désastreuses. Pas question donc de faire la fine bouche. Laissons aux chiffres le soin de parler. L’année 2018 n’a finalement pas été désastreuse pour l’Algérie alors que 2019 ne s’annonce pas plus dramatique, même si le taux de croissance sera probablement en deçà de celui de l’année dernière. La croissance économique effective de l’Algérie avait atteint 2,3% en 2018 en volume, contre 1,4% en 2017. Une performance qui n’est pas si mauvaise que cela puisse paraître. La dégringolade des prix du pétrole et la baisse des revenus que tire le pays, de ses exportations, ne l’ont pas empêché d’afficher une résistance insoupçonnée qui indique que son économie n’est pas en si mauvaise santé qu’on veut nous le faire croire.
Les réserves de changes restent malgré leur recul à un niveau appréciable : 72,6 milliards de dollars à la fin avril 2019. Un « pare-feu » dont auraient aimé disposer bien des nations industrialisées qui évitent le retour à l’endettement extérieur. Le déficit pour les cinq premiers mois de l’année, est en baisse : 1,87 milliard de dollars entre le mois de janvier et le mois de mai 2019, contre 2,60 milliards de dollars. au cours de la même période en 2018. Les exportations d’hydrocarbures qui constituent l’essentiel de nos ventes à l’étranger (93,36% du volume global des exportations) sont pratiquement stables. Elles se sont établies à 15,61 milliards de dollars contre 15,80 milliards de dollars pour la même période en 2018. Soit une baisse d’à peine 200 millions de dollars.
Le prix du baril de Brent, référence du pétrole algérien a clôturé la semaine autour des 63 dollars. Soit un peu plus de 13 dollars au-dessus de celui pris comme référence pour l’élaboration de la loi de finances. Une conjoncture qui indique que l’Algérie ne «brûlera» pas.
Mohamed TOUATI