Bamako – Le nouveau président malien Ibrahim Boubacar Keïta fêtait en grande pompe jeudi à Bamako le début de son mandat, en présence de François Hollande et d’une vingtaine de chefs d’Etat africains, huit mois après l’intervention qui a chassé les islamistes du nord du pays.
Elu en août dernier au terme d’un scrutin sans incident majeur, M. Keïta a prêté serment le 4 septembre mais doit encore être officiellement investi à la tête du pays au cours d’une cérémonie « populaire » dans le grand stade de la capitale devant près de 50.000 spectateurs.
Arrivé à la mi-journée à Bamako, le président français François Hollande, l’un des invités de marque à ces festivités, a lancé devant la foule: « nous avons gagné cette guerre ».
« Nous sommes à son aboutissement, car c’est une victoire, une grande victoire pour le Mali que nous fêtons aujourd’hui », a estimé celui qui a envoyé en janvier ses troupes soutenir les forces maliennes face aux groupes islamistes armés qui occupaient le nord du Mali.
Aujourd’hui, le Mali a pris son destin en main, il a choisi son président », a ajouté M. Hollande, assurant que Paris restera aux côtés de Bamako et accompagnera les Maliens dans plusieurs domaines, citant le développement, la démocratie, la réconciliation.
Ancienne puissance coloniale, la France a été le fer de lance d’une intervention militaire internationale toujours en cours, déclenchée en janvier, et ayant permis de chasser du Nord malien les groupes jihadistes qui ont occupé cette région pendant plusieurs mois en 2012.
Lors de sa première visite à Bamako en février, alors que les combats étaient encore en cours dans le nord désertique, M. Hollande avait déjà été accueilli en libérateur, et avait qualifié ce déplacement de « jour le plus important de (sa) carrière politique ».
La Centrafrique en invité surprise
Parmi les chefs d’Etat invités ce jeudi figurent notamment le Tchadien Idriss Deby Itno, dont les troupes ont été, avec les Français, le fer de lance de l’opération anti-jihadiste; l’Ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao); et le roi Mohammed VI du Maroc, qui se déplace rarement pour ce genre d’évènement.
En marge des festivités, et profitant de son passage de quelques heures sur le continent, M. Hollande et plusieurs de ses homologues africains se réuniront pour un mini-sommet sur la Centrafrique, pays qui sombre inexorablement dans le chaos depuis la prise du pouvoir par la coalition rebelle du Séléka en mars dernier.
La France veut à cette occasion « encourager » le Tchad, le Gabon et le Cameroun-principaux contributeurs de la force actuellement en cours de déploiement en Centrafrique sous l’égide de l’Union africaine-, selon l’entourage du président français.
François Hollande « veut les encourager dans cette démarche, voir ce dont ils ont besoin et voir comment porter le sujet aux Nations unies », qui tient son assemblée générale la semaine prochaine à New York.
L’idée est de « permettre à cette force de s’appuyer sur une résolution du Conseil de sécurité », a-t-on ajouté de même source.
« Entre les cuisses d’un éléphant »
A Bamako, les festivités d’investiture du nouveau président Keïta (IBK) sont perçues par beaucoup de Maliens comme une manière de rendre hommage « en terre malienne » à François Hollande pour l’engagement militaire français qui, selon l’expression populaire désormais à la mode, les a « extraits d’entre les cuisses d’un éléphant ».
Au plus fort de son opération baptisée Serval, la France a déployé jusqu’à 4.500 militaires au Mali, où le Tchad a, lui, dépêché 2.000 hommes, qui ont été avec les Français en première ligne dans les combats contre les jihadistes.
Plus de huit mois après le début de l’intervention, environ 3.200 militaires français sont toujours déployés au Mali, indique-t-on à Paris, en précisant que l’objectif est de réduire ce nombre à un millier à la fin de l’année.
Ce projet suscitait quelques craintes dans certains milieux au Mali, où la sécurité est un des défis des nouvelles autorités maliennes, avec en toile de fond les velléités autonomistes des Touaregs du Nord malien, un moment alliés aux groupes islamistes, et dont l’offensive victorieuse contre l’armée en janvier 2012 avait débuté la crise.
Un accord signé le 18 juin entre le gouvernement et les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui s’engageaient à respecter l’intégrité territoriale du pays, a permis de désamorcer temporairement les tensions.
Mais la rébellion continue d’exiger l’autonomie des territoires du Nord, alors que le gouvernement est résolument hostile à toute forme de partition, et des incidents armés ont opposé récemment soldats maliens et combattants du MNLA.
Lors de sa prestation de serment le 4 septembre, le nouveau président malien avait fait de la réconciliation nationale sa priorité « la plus pressante ».
Il aura également pour autre priorité de redresser l’économie de son pays, ruinée par 18 mois de crise politico-militaire. En mai dernier, la communauté internationale a promis au Mali une aide massive de 3,2 milliards d’euros.
Après l’élection présidentielle tenue en août dans l’urgence sous la pression internationale –surtout française–, les nouvelles autorités maliennes devront organiser des législatives le 24 novembre, une date déjà contestée par une partie de la classe politique malienne.