Poignante commémoration de cette date hier à la BN du Hamma (Alger).
Un groupe de femmes fièrement voilées du fameux «haïk m’remma» coupèrent par des «youyous» stridents le respectueux silence qui suivit l’hymne national exécuté hier à la Bibliothèque nationale, avant l’entame d’une cérémonie commémorant la mémoire des manifestants «chouhada» tombés sous les balles des colonialistes français, policiers, soldats et «pieds-noirs» compris, un certain 11 Décembre 1960 à travers tout le pays meurtri par 130 années d’occupation abjecte.
Plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis ce glorieux événement du 11 Décembre 1960, journée qui a vu tout un peuple, hommes, femmes et enfants, manifester pacifiquement pour clamer son attachement à l’indépendance de l’Algérie en criant «Vive le FLN», «Vive le Gpra» et «Libérez Ben Bella»…
«Les clameurs de «Belcourt» (actuellement Belouizdad) et de la Casbah, tout comme celles ayant fait vibrer tous les quartiers arabes d’Alger et de l’ensemble du pays, ont retenti derrière les immenses baies vitrées de Manhattan, où siège l’ONU,» dixit alors feu M’hamed Yazid, ministre de l’Information du Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra) qui commentait cet événement à l’adresse de la presse internationale.
Cette commémoration, organisée avec la participation de l’Association à la prévention de la mémoire nationale sur les résistances populaires durant la guerre de libération (1954-1962), bien que régulière dans l’agenda des dates historiques du pays, n’eut lieu cette année que devant une salle clairsemée n’était la présence de stagiaires de la douane et de la police.
Les différents intervenants, dont Abdelkader Nour, ancien présentateur de la Radio algérienne «Saout El Arab» qui émettait à partir du Caire de 1956 à 1962, et qui devint le premier rédacteur en chef de la Radio télévision algérienne (RTA) jusqu’en 1986 et qui fût directeur des Chaînes de
Radio 1 et 2, ont tour à tour tracé la genèse des évènements de lutte qui précédèrent ce rendez-vous avec l’Histoire.
Ce soulèvement populaire spontané, «habilement orienté par le FLN» selon, s’est déclenché après la «nuit des casseroles» organisée par les pieds-noirs ultras qui scandaient des slogans pour une «Algérie française», a provoqué à l’époque une session à l’ONU où le président des Etats-Unis, feu John F. Kennedy avait déjà, le 2 juillet 1957, prononcé en qualité de sénateur un discours courageux favorable à la lutte du peuple algérien pour son indépendance.
Les femmes, ce jour-là, sortirent «toutes voiles dehors» en se débarrassant de leurs haïks et de leurs voilettes malgré la «horma» de l’époque pour crier plus fort leur volonté de vivre libres. Aucune statistique dénombrant les morts et blessés n’existe. En effet, les victimes de la «chasse à l’arabe», n’étaient pas dirigées vers des hôpitaux publics, mais plutôt acheminées vers des «hôpitaux de campagne». situés pour l’un, par exemple, à l’école Sainte-Chantal, près des actuelles rues Nécira Nounou et Larbi Tebessi, dirigés par les docteurs Aroua et Chorfa. Les autres centres d’accueil des blessés à la Casbah ont élu domicile dans les hammams qui disposaient de matelas, d’eau et de chaleur réconfortante en cette période d’hiver.
Une maison de l’ex-rue de la Lyre, actuellement rue Ahmed Bouzrina, servait également d’hospice pour les soins urgents, se rappelle-t-on. Ne comprenant pas que le glas de la colonisation des peuples d’Afrique avait sonné, De Gaulle avait, à l’époque, après plusieurs opérations de tueries, de disparitions, de tortures…effectuées par la soldatesque coloniale, lancé l’opération dite de «pacification» en appui avec l’idée «d’assimilation» prônée par un pouvoir à bout de souffle. Il faut dire que tous les dispensaires situés dans des quartiers algériens avaient été été vidés de leurs médicaments pour être répartis à travers ces centres de soins improvisés.