Pour la première fois, le soldat a fait acte de contrition devant la cour martiale qui le juge pour avoir révélé 700.000 documents militaires.
Bradley Manning, le soldat reconnu coupable de la plus importante fuite de documents secrets américains, a fait acte de contrition mercredi 14 août, aux dernières heures de son procès, et regretté « que ses actes aient blessé les Etats-Unis ».
Dans une ultime supplique, à quelques jours de connaître sa peine, le jeune homme, frêle et menu, s’est tourné, contrit et nerveux, vers la juge Denise Lind qui a son sort entre les mains. « Votre honneur, je veux d’abord commencer par demander pardon », a déclaré le soldat au visage d’adolescent, qui encourt 90 ans de prison après avoir été reconnu coupable de faits d’espionnage.
« Je regrette que mes actions aient blessé des gens, qu’elles aient blessé les Etats-Unis », a-t-il déclaré devant la cour martiale sur la base de Fort Meade, près de Washington.
L’accusé de 25 ans a toujours reconnu avoir transmis 700.000 documents militaires et diplomatiques au site internet WikiLeaks qui les a publiés, mais il nie catégoriquement avoir voulu nuire aux Etats-Unis et dit avoir espéré provoquer un débat mondial. La juge l’a d’ailleurs acquitté de la plus lourde accusation de « collusion avec l’ennemi », en l’occurrence Al-Qaïda.
« Je pensais aider les gens »
« Je comprenais ce que je faisais et les décisions que j’ai prises, mais je n’ai pas complètement saisi l’étendue des conséquences de mes actes », a-t-il expliqué, en promettant avoir maintenant bien compris, au cours de son incarcération puis du procès. « Quand je regarde mes décisions, je me demande comment j’ai bien pu penser que je pouvais changer le monde alors que je n’étais qu’un simple analyste ».
« Je suis désolé des conséquences involontaires de mes actions », a-t-il répété, dans une ultime tentative de convaincre la juge militaire, qui doit annoncer sa peine au plus tôt la semaine prochaine. « Je pensais aider les gens, et non les blesser », a ajouté le jeune soldat, vêtu de son uniforme bleu marine, le cheveu coupé ras et des lunettes aux montures fines.
C’est la première fois que Bradley Manning présente ses excuses sur ses agissements depuis que son procès s’est ouvert le 3 juin dernier. Il n’avait pris la parole que deux fois précédemment, l’une pour évoquer la sévérité de son régime carcéral, l’autre pour exposer ses motivations.
« Je dois payer le prix »
Le fondateur de WikiLeaks Julian Assange a avancé que le témoignage de Manning avait été fait sous la contrainte, après le stress d’un procès fleuve et plus de trois ans passés en prison.
« La cour martiale ne se satisfera que de l’humiliation de Bradley Manning », juge Assange. « A la lumière de ceci, la décision prise sous la contrainte de s’excuser auprès du gouvernement américain dans l’espoir de voir sa peine réduite de 10 ans ou plus doit être considérée avec compassion et compréhension. »
Faisant allusion sans doute à ses troubles d’identité sexuelle, largement discutés à l’audience mercredi, mais aussi à son enfance difficile avec des parents alcooliques, Bradley Manning a reconnu qu’il avait des « failles et des problèmes » à résoudre. Mais il a refusé de les invoquer comme « excuses ».
« J’aurais dû me battre davantage à l’intérieur du système. Malheureusement, je ne peux pas revenir en arrière et changer les choses », a déclaré l’ex-analyste du renseignement en Irak. « Je comprends que je dois payer le prix de mes décisions […] J’avais d’autres possibilités, j’aurais dû les utiliser », a-t-il reconnu. « Malheureusement, je ne peux pas revenir en arrière et changer les choses. Je ne peux qu’aller de l’avant. Et je veux aller de l’avant. »
Enfance meurtrie
« Je sais que je peux et que je serai une personne meilleure, j’espère que vous pourrez me donner la possibilité de le prouver, non par des mots mais par des actions », a conclu le jeune homme, s’adressant une nouvelle fois à la colonel Lind.
Dans un témoignage poignant, sa soeur Casey Major et sa tante Debra van Alstyne ont tour à tour parlé de son enfance meurtrie.
A la sortie du tribunal, son avocat David Coombs a déclaré, dans une exceptionnelle prise de parole, que « Bradley était sans aucun doute une personne de coeur et qui pensait à vous, les Américains ». « Son but ultime était de faire de ce monde un monde meilleur », a-t-il ajouté, devant les partisans de l’accusé.
Selon un porte-parole de l’armée, le tribunal ne devrait pas prononcer sa sentence avant la semaine prochaine au plus tôt.