En révélant qu’il ambitionne de faire une grande Coupe du monde, le message du capitaine est clair, son discours signifie en tout cas qu’il ne serait pas près de laisser à quelqu’un d’autre sa place malgré que l’effectif vient d’être quantitativement et qualitativement renforcé, plus particulièrement au milieu du terrain.
En sélection nationale, depuis près de dix ans (il a joué la CAN 2002 au Mali), il rappelle en outre que pendant la période difficile qu’a connue le football algérien, il n’a jamais tourné le dos à l’EN, façon de rafraichir la mémoire à ceux qui cherchent à l’enterrer.
Au fond de lui, Yazid espère un renvoi d’ascenseur, mais ce qui est sûr, il n’est pas près à céder sa place à quiconque. Mieux encore, il dit haut et fort qu’il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : «Même malade, je n’arrête pas de m’entraîner, car je désire ardemment faire une énorme Coupe du monde», prévoit-il. Soit des ambitions légitimes pour ce sympathique garçon qui a vécu les bonnes et surtout les mauvaises aventures connues par l’EN.
Le capitaine de l’EN déplore un manque de reconnaissance envers sa personne. Lui, qui est passé par la période noire des Verts, conteste avec force les critiques émises à son égard depuis que l’EN est revenue au premier plan sur la scène internationale.
– Vos soucis de santé se sont-ils estompés ?
– J’ai été victime d’une forte fièvre accompagnée d’une angine. Aujourd’hui (ndlr, hier après-midi), je vais un peu mieux. Malgré que je souffre d’une petite fièvre, j’ai accepté de venir faire cette séance sur le stade de Lens (à ne pas confondre avec la ville du nord de la France).
Hier, j’ai fait une séance en salle à l’hôtel avec un programme adapté afin de ne pas perdre le rythme par rapport aux autres joueurs qui s’entraînaient tous les jours depuis qu’on a entamé le stage.
– La première semaine du stage a été tronquée par des défections et autres blessures de joueurs. Est-ce qu’on peut dire réellement que l’EN n’a pas beaucoup bossé ?
– Dans le programme qui a été établi au préalable par le coach, la première semaine du stage devait servir aux joueurs de s’adapter à l’altitude et également permettre à d’autres joueurs de souffler un peu avec des programmes individualisés. Néanmoins, on va à partir de ce vendredi faire autre chose en élevant la charge de travail.
– Comme par enchantement, il y a le soleil qui est de retour ici à Crans-Montana, ça doit vous ravir, non ?
– Ah oui ! C’est une bonne chose, car on s’ennuyait un peu avec le climat froid qui sévissait depuis notre arrivée à la station de Crans-Montana.
– Désormais, place à la préparation de Dublin !
– Absolument. Selon le programme qui nous a été communiqué, on va essayer de travailler l’aspect tactique avec, en outre, des séances physiques afin de monter progressivement en puissance et être fins prêts, non pas pour cette rencontre amicale contre l’Eire à Dublin, mais surtout pour la Coupe du monde, ce qui constitue le principal objectif de notre préparation.
– Faudrait-il avoir des appréhensions pour ce match contre l’Irlande qui est une équipe réputée pour son jeu physique ?
– C’est vrai que depuis quelque temps, il y a beaucoup de blessés au sein de notre effectif. Cependant, ceux qui vont jouer ne doivent pas y penser, car la blessure arrive là où on ne l’attend pas. Contre l’Eire, nous devons évoluer libérés sans faire de calculs et jouer le match pour le gagner afin de bien préparer le challenge important qui tient en haleine tout le monde (le Mondial).
– Malheureusement, ce ne sont pas tous les joueurs, présents ici au stage, qui vont jouer ce match ?
– Selon le discours du coach, le joueur qui n’est pas à 100% de ses moyens doit rester au repos, car il serait vraiment malheureux de rater la Coupe du monde parce qu’on a pris le risque de précipiter son retour à la compétition pour jouer un match amical. Certes, il s’agit d’une rencontre de prestige (Eire-Algérie), ainsi, tout joueur qui ambitionne de prendre part au Mondial doit faire très attention en prenant le minimum de risques.
– En tant que capitaine de l’EN, vous devez vous impliquer pour aider les nouveaux à bien s’intégrer, l’avez-vous déjà fait ?
– Disons que je cherche un peu à les (nouveaux) embêter pour qu’ils se sentent bien à l’aise. J’essaie de les taquiner un peu. Moi qui vis le groupe de l’intérieur, je peux vous assurer que ça rigole tout le temps et il n’existe pas de distinction entre anciens et nouveaux.
Le message est clair, nous devons tous tirer dans le même sens si nous voulons réussir nos objectifs. L’unité du groupe est primordiale. Ce facteur, nous devons en aucun cas le négliger.
– Quelqu’un comme Ryad Boudebouz, avec son caractère facile, on peut imaginer qu’il apporte une vie au groupe…
– Chacun a son caractère et sa personnalité. C’est bien que tous se sont fondus rapidement dans le moule, vu que l’échéance qui est la Coupe du monde approche à grands pas.
Le temps ne joue pas en notre faveur, il faut que toute l’équipe soit prête avant de rallier l’Afrique du Sud.
– En revanche, on a remarqué que Guedioura et Mbolhi tardent à prendre leurs repères dans le groupe, vu leur caractère assez réservé ?
– Peut-être de l’extérieur, on a tendance à le croire, mais au contraire, ils vivent bien dans le groupe. Ils ont été accueillis comme il se doit, et eux-mêmes, les nouveaux, vous le confirmeront. Nous faisons tout notre possible pour qu’ils ne se sentent pas étrangers dans le groupe.
– Avec votre âge (il a fêté ses 32 ans il y a deux mois), vos concurrents n’ont pas eu raison de vous, comment vous expliquez cette inusabilité ?
– Pendant la dernière CAN en Angola, j’ai fait des prestations parfaites que ce soit face au Mali, la Côte d’Ivoire ou contre l’Egypte. J’estime avoir fourni de belles performances pendant cette compétition.
Au fil des matches, je suis monté en puissance. Même contre la Serbie, j’ai fait un match correct en dépit de la défaite. Je pense que j’ai prouvé que ma place je ne la dois qu’à mes qualités et rien d’autre. Honnêtement, je mérite de savourer cette Coupe du monde, c’est mon dessert quoi (il enrage !) Je me suis sacrifié pendant des années, j’ai lutté pour les couleurs nationales.
– Quand des gens décrient votre statut au sein de l’EN, ne vous dites-vous pas que c’est une forme d’ingratitude qui ne dit pas son nom ?
– Oui, j’estime que c’est un manque de reconnaissance. A chaque fois qu’un nouveau joueur arrive, on fait allusion qu’il va prendre ma place, après il y a cette histoire de brassard qu’on sort.
Le capitaine, c’est moi et personne d’autre, je suis le relais du coach national. Souvent, ce dernier, quand il a besoin de faire passer un message, il me sollicite. Quand ça allait mal en équipe nationale, j’étais toujours disponible.
D’ailleurs, depuis dix ans, je n’ai loupé aucune convocation, ce qui me chagrine, c’est cette tentative des gens qui veulent remettre en cause mes qualités parcequ’aujourd’hui l’EN est revenue au premier plan sur la scène internationale. Alors, pourquoi ils ne disaient rien avant ?
– On sent une déception chez vous ?
– Déçu, oui et non, j’essaie de m’adapter. Même malade, je n’ai pas pris de repos, car je ne veux rien lâcher, parce que j’ai envie de briller en Coupe du monde en aidant mon équipe à faire le meilleur parcours possible.
Dans le poste où je joue, c’est-à-dire milieu récupérateur, je pourrais monter et faire des talonnades en attaque, même physiquement, monter et revenir ne me gênerait pas. Hélas, mon rôle est de faire le travail de l’ombre, donc, forcément, les gens ne le voient pas. Pendant un match, pour rendre service à l’équipe, j’assure le rôle qui m’est confié en bloquant l’adversaire.
– Probablement que ceux qui s’acharnent contre vous ne connaissent pas assez le football ?
– Pour faire un jugement précis et honnête, il faut avoir la connaissance du jeu et la culture tactique. Je suis super content d’être arrivé là, et je le répète encore une fois, grâce à mes qualités, on ne m’a jamais fait de cadeau.
– Le fait que vous ayez eu le courage de déclarer que face à l’Egypte en demi-finale de la CAN, l’EN a perdu parce qu’elle a mal joué, est une franchise qui n’a pas été appréciée par tout le monde ?
– Où est le problème ? Face aux Egyptiens, on a mal joué, pareil pour le premier match contre le Malawi. Il faut faire son autocritique et ne pas attendre que d’autres la fassent à votre place. Si nous voulons avancer, nous devons garder notre humilité d’abord, seulement le faire au bon moment.
– On ne va pas anticiper les choix de Rabah Saâdane. Admettons que vous êtes un jour indisponible, quel est le joueur qui pourrait hériter du brassard de capitaine, d’après vous ?
– Il faudrait poser la question au coach qui a établi une hiérarchie. Pour l’heure, je suis le capitaine, il y aura d’autres forcément qui auront un jour cet honneur.
– Au moins décrivez-nous le profil que doit avoir le capitaine de l’EN ?
– Etre capitaine en sélection, c’est tout un ensemble de choses, prendre des initiatives sur le terrain et en dehors quand il le faut et ne pas parler à tout-va, ça ne sert à rien. En outre, le capitaine doit avoir le comportement irréprochable en donnant un meilleur exemple, notamment aux plus jeunes.
– Enfin, pour conclure cet entretien, vous bougerez de Lorient cet été. Votre choix sur la future destination est-il déjà fait ?
– Non, pas encore, j’ai des touches en France et à l’étranger (Angleterre ?), mais tant que je n’aurai pas toutes les cartes en main, je suis navré de ne pas vous donner une indication précise pour ce qui sera ma future destination.
M. S.