La crise complexe et multi-facettes que traverse le secteur de l’automobile a contre toute attente dopé les ventes des marques françaises qui ont réussi étonnamment à tirer leur épingle du jeu en profitant des déboires de leurs concurrents asiatiques et allemands.
Les deux marques françaises Renault et Peugeot se sont lancées début 2015 dans une reconquête d’un marché pris d’un accès de panique suite à l’effondrement des ventes de la majorité des concessionnaires après le blocage des importations. Les marques françaises reviennent au galop dans un marché automobile qui était durant plusieurs décennies une chasse gardée des Français avant l’arrivée des voitures asiatiques et allemandes. Les deux marques françaises Renault et Peugeot se partagent désormais la moitié des parts du marché algérien (33,6% pour Renault et sa filiale à bas prix Dacia et 15% pour Peugeot), alors que les autres concessionnaires, une quarantaine, se contentent du reste. La dernière édition du Salon de l’automobile de l’Ouest Autowest 2015 a confirmé la prédominance des marques françaises sur le marché automobile. Les stands des voitures françaises (Renault, Dacia, Peugeot et Citroën) ont été quasiment pris d’assaut par les acheteurs. C’est le stand de Dacia qui a fait carton plein dès la première heure de l’ouverture du salon au public. Les immatriculations 2015 de Dacia ont été raflées en quatre heures ! «Toutes les immatriculations 2015 de nos voitures ont été vendues mercredi, jour de l’inauguration du salon, entre 14h00 et 18h30.
Il ne reste désormais que les immatriculations 2016 mais il faut payer plus cher», confie cette jeune commerciale à ce client. La Logan de Dacia fait recette non seulement pour une question de budget mais en raison de sa fiabilité prouvée et son volume de chargement. Cette voiture low cost a réussi à séduire les automobilistes algériens. Elle est désormais la voiture la plus vendue en Algérie. Dans un marché en plein crise, la Logan de Dacia a réalisé une performance exceptionnelle durant le premier semestre 2015 avec une hausse de 20,64% de ses ventes. La filiale low cost de la marque au losange a ainsi vendu près de 14.000 Logan durant les six premiers mois de cette année, devançant ainsi ses deux concurrentes, Hyundai Accent (9.352 unités) et Renault Symbol (8.582 unités). La Symbol «made in Bladi», assemblée dans l’usine de Renault à Oued Tlélat, n’a pas pu détrôner la berline roumaine qui est proposée à des prix défiant toute concurrence dans une conjoncture exceptionnelle pour le marché automobile où les prix de la plupart des voitures ont explosé. La Dacia a habilement maitrisé la hausse des prix de son véhicule vedette.
La Logan, animée par un moteur essence 1.2 avec 75 chevaux est proposée à partir de 112 millions de centimes, soit le plus bas prix sur le marché, mieux que sa concurrente Hyundai Accent dont le prix, avec une remise spéciale salon de 30.000 dinars, est à 126 millions de centimes. Il s’agit toutefois d’un modèle de base c’est-à-dire dépourvu de presque toutes les options de confort. Les clients mieux informés et plus exigeants choisiront la version Lauréate animée par un moteur 1.6 essence GPL avec 85 chevaux et presque toutes les options (climatisation, direction assistée, ABS, airbags, accoudoirs, siège rabattables, boule d’attelage, tapis). Il faut toutefois débourser 128 millions de centimes pour cette version soignée de la Logan.
LA NOUVELLE LOGAN
Concernant la nouvelle Logan MCV, cette voiture familiale ou break est proposée entre 152 millions de centimes pour la version Lauréate 1.6 esse 80 chevaux et 169 millions de cts pour la version Lauréate 1.5 DCI 85 chevaux. Les stands des deux marques françaises et de leurs filiales ont attiré la quasi-totalité des acheteurs et des visiteurs dans cette 15ème édition du Salon Autowest. Le stand de Renault a été pour de nombreux acheteurs le «coin des bonnes affaires» en dépit de la hausse des prix sur presque tous les modèles et même la Symbol assemblée à Oued Tlélat n’a pas échappé à la frénésie des prix. Ici les acheteurs ne se font pas prier par les jeunes commerciaux pour passer commande. Bien au contraire, il faut patienter durant une ou deux heures dans une longue file et parfois jouer des coudes pour se frayer un chemin à travers une foule impatiente massée devant les bureaux du concessionnaire.
L’impatience de la foule dégénère souvent en prises de bec entre acheteurs et parfois entre les clients et agents de sécurité. Et pourtant les prix pratiqués dans le stand Renault n’expliquent pas forcément l’engouement vif des acheteurs : entre 113 et 126, 5 millions de centimes pour une Symbol «made in bladi», animée par un moteur peu performant de 1.2 essence, 249 millions de centimes pour une Renault Kango, 285,6 pour la Mégane Luxe, 237 millions cts pour la GT Line et 183,6 millions cts pour la Clio Ivory. L’engouement des Algériens pour les voitures françaises s’explique en fait par des motivations propres au marché algérien.
Acheter une voiture à 160 ou 220 millions de cts est aujourd’hui un lourd investissement pour les ménages et, de ce fait, il n’est plus question de risquer son argent dans une voiture chinoise. La majorité des clients achètent tout en pensant à la revente du véhicule dans trois ou cinq ans. Les voitures françaises qui restent prisées sur le marché des véhicules d’occasion et en particulier Renault et Peugeot sont ainsi considérées comme un investissement sûr. La Logan, la Symbol, la Clio de Renault et la 208 de Peugeot se vendent bien et au prix fort dans le marché des véhicules d’occasion. Ainsi, une Peugeot 208 Allure Facelift 1.6 HDI 92ch, année 2015, se négocie entre 195 et 203 millions de cts, alors que sa cousine la Clio 4 Limited 1.2 essence 16 V 75 chevaux, année 2015, est proposée entre 150 et 153 millions de cts. Autre facteur qui justifie la réussite commerciale des voitures françaises est que le blocage des importations des véhicules décidé par le gouvernement fin 2014 a étrangement ciblé les concessionnaires allemands et asiatiques alors que les Français ont continué leurs bonnes affaires comme si de rien n’était. Les concessionnaires multimarques avaient même accusé le ministère des l’Industrie et des Mines de confectionner un cahier des charges sur mesure pour protéger les intérêts des constructeurs français.
L’autre raison qui explique la mainmise des constructeurs français sur le marché algérien est l’implantation de l’usine Renault pour l’assemblage des Symbol. Cette usine devra fabriquer un nouveau modèle dès janvier 2016. L’autre constructeur français, Peugeot, est également en course. Il devra ouvrir prochainement sa première usine de montage qui devra assembler quatre modèles, dont un véhicule utilitaire pick-up. La lune de miel entre les constructeurs français et le gouvernement algérien devrait se poursuivre dans les prochaines années avec le lancement dès janvier prochain du crédit à la consommation, Renault et Peugeot devront s’en mettre plein les poches.