Le gouvernement est décidé de reprendre de la main ce qu’il avait offert de l’autre main aux concessionnaires automobiles. Il ne cache plus son exaspération.
Depuis le début de l’année en cours, les textes
de loi, décrets et instructions dédiés à réguler le marché de l’automobile font valser les distributeurs automobiles, non de joie, mais de crispation. Rien ne va plus entre l’Exécutif et les concessionnaires. Par la voix de deux de ses ministres, Abdeslem Bouchouareb et Amara Benyounès, respectivement ministre de l’Industrie et des Mines et ministre du Commerce, l’action du gouvernement à même de normaliser le marché de l’automobile ne fait que monter en puissance.
La dernière joute verbale en date : Amara Benyounès a indiqué mardi dernier que les concessionnaires automobiles seront tenus, à partir de 2016, de déclarer l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), et ce, dans le cadre de la mise en place des licences d’importation. Une question au prix d’une voiture : les concessionnaires bénéficient-ils jusqu’ici d’un régime fiscal sur mesure ? Théoriquement, ils sont soumis aux mêmes obligations fiscales que tous les autres contribuables. Le ministre avait, néanmoins, une partie de la réponse : « C’est parmi les plus grands vendeurs de voitures en Algérie qu’il y a le moins de déclarations d’impôts. Cela veut dire que leurs marges (bénéficiaires) sont faites à l’étranger ». Face à cette affaire d’évasion fiscale, l’Etat semble décidé enfin d’agir, même de manière tardive. Ce fut la dernière tentative en date destinée à remettre l’activité de distribution automobile sur le droit chemin. Mais ce n’est qu’une mesure parmi d’autres. Car, à compter de 2016, le gouvernement veut imposer de nouvelles règles du jeu et les importations des véhicules seront soumises aux licences d’importation. Le projet a été présenté, hier, à la chambre basse du Parlement. Le document sur les licences d’importation est soumis aux débats au niveau de l’APN. Les licences d’importation prévues par le projet de loi sur le commerce extérieur seront appliquées exclusivement sur ce que l’Exécutif appelle « les gros chapitres qui touchent d’une manière sérieuse la balance commerciale du pays ». Les véhicules en font partie. Un peu plus tôt, le gouvernement a adopté une série de mesures techniques et bancaires à même d’endiguer la facture salée des importations de véhicules.
Durant les dix dernières années, l’Algérie a importé entre 350 000 et 400 000 véhicules en moyenne annuelle pour une facture estimée à plus de 5 milliards de dollars annuellement. La mesure la plus brutale et imprévue consistait à suspendre toute domiciliation bancaire au profit des concessionnaires, acte semblable à une ouverture d’une ligne de crédit en devises, destinée à financer les importations. Plus aucune domiciliation bancaire n’a été effectuée depuis presque deux mois au profit des concessionnaires automobiles. La nouvelle était tombée comme un coup de massue sur la tête des distributeurs automobiles. Depuis la suspension des ouvertures de lignes de crédit, c’est le branle-bas de combat sur le marché automobile ; arrêt brutal des importations, des bateaux en rade, des marchandises non homologuées, épuisement des stocks… Initialement, les concessionnaires disposaient d’un délai de 18 mois durant lequel ils doivent se conformer à un cahier des charges publié début mai dans le Journal officiel, mais dont le décret l’avait précédé d’un mois. Le gouvernement se veut décidément très regardant sur les normes de sécurité mondialement exigées aux constructeurs automobiles.
Deux lois de ce nouveau règlement sont édifiantes en la matière ; l’article 4 dudit cahier des charges stipule que le souscripteur à l’exercice de l’activité de concessionnaire de véhicules neufs doit disposer d’infrastructures appropriées pour les ateliers de service après-vente, le stockage des pièces de rechange ainsi que des enceintes d’exposition et de vente. Mais en amont d’abord, l’article 22 réclame que les véhicules neufs importés soient en conformité avec les modèles homologués. Ils doivent répondre également aux normes de sécurité mondialement reconnues ; ABS, ESC, dispositif limiteur de vitesse, quatre airbags, dont deux frontaux et deux latéraux et un dispositif de surveillance de la pression des pneus pour les véhicules particuliers.
Le gouvernement impose également aux concessionnaires d’investir dans une activité industrielle et/ou semi-industrielle. En somme, l’Exécutif est décidé de tailler dans les gains des concessionnaires et, par la même, dans la facture des importations. Pour l’Exécutif, la balle est désormais dans le camp des distributeurs automobiles.