Marché de l’emploi : La conjoncture politico-financière défavorable

Marché de l’emploi : La conjoncture politico-financière défavorable

L’économie algérienne est-elle encore en mesure de créer de l’emploi à l’heure où la croissance est en berne, les tensions financières plus que jamais vives et les incertitudes politiques font reculer l’embauche et l’acte d’investir ? Dans ses dernières prévisions de croissance pour l’Algérie, le Fonds monétaire international (FMI) a dit s’attendre à une croissance de 2,3% en 2019, nettement moins que ses précédentes prévisions qui la situaient à 2,7%. La conséquence directe est que le chômage devrait repartir à la hausse dès cette année ; il devrait progresser à 12,6% cette année et à 13,7% en 2020, contre 11,7% en 2018. Son institution jumelle, la Banque mondiale, s’est, quant à elle, montrée plus pessimiste dans son dernier rapport sur l’Algérie. 

Cette institution a indiqué en janvier dernier que la croissance algérienne s’essoufflera pour tomber à 2,3% cette année et à 1,8% en 2020 et en 2021. Les retombées directes sur l’emploi seront catastrophiques et devraient affecter essentiellement les catégories jeunes et femmes. Ces groupes de population affichent les plus forts taux de chômage avec, au tableau, 19,4% chez les femmes et 29,1% chez les 16-24 ans. Chez les jeunes (16-24 ans), le chômage a progressé de 2,7 points de pourcentage depuis avril 2018. Cependant, entre avril 2017 et septembre 2018, l’économie a détruit plus d’emplois qu’elle en a créés. En témoignent les données officielles de l’Office national des statistiques (ONS) qui, faut-il le rappeler, avait situé le taux de chômage en Algérie à 12,3% en avril 2017 contre 10,5% en septembre 2016. 

Cette hausse de 1,8% correspond à une population de 160 000 personnes en quête d’emploi, puisqu’en avril 2017, le nombre de la population active a atteint 12,277 millions de personnes contre 12,117 millions en septembre 2016. Le taux de chômage a, en revanche, baissé à 11,1% en avril 2018 contre 11,7% en septembre 2017, soit une baisse de 0,6 point entre les deux périodes, correspondant à 128 000 postes d’emploi créés. Le taux de chômage a, néanmoins, rebondi à 11,7% à septembre 2018, effaçant ainsi les 128 000 emplois créés entre avril et septembre de la même année. Cette arithmétique fait ressortir un nombre de 160 000 emplois détruits entre avril 2017 et septembre 2018. 

Sombres perspectives 
Les perspectives pour 2019 et les années à venir sont plutôt sombres. Outre cette croissance léthargique qui peine à offrir des débouchés aux milliers de personnes en quête d’emploi, la Fonction publique ne parvient plus, autant que par le passé, à offrir des emplois stables, alors que les recrutements dans l’éducation et la santé ne compensent pas les départs, plus nombreux. Après deux années marquées par des coupes drastiques dans le budget d’équipement (2016-2017), le revirement budgétaire en 2018 en faveur de la croissance et de l’emploi a provoqué l’effet inverse.

Il est peu probable que cette même politique, reconduite pour 2019, ne puisse déboucher sur un rebond de croissance et des créations d’emplois, à l’heure où les incertitudes politiques font reculer le plus zélé parmi les investisseurs. Pis encore, la révision à mi-chemin de la trajectoire budgétaire, en révisant à la baisse les dépenses d’investissement (-28%) durant le premier trimestre 2019, entraînera un nouveau repli de la croissance, lequel trou d’air entraînera à son tour un rebond net du taux de chômage ; l’État étant le principal employeur et la commande publique faisant l’essentiel de la croissance économique de ces dernières années.

L’employeur privé se voit, quant à lui, entraîné dans un long tunnel où les perspectives ne sont point claires et ne plaident plus en faveur de l’entrepreneuriat, alors que les risques sur l’investissement n’ont jamais été aussi pesants. Le moral des patrons privés s’effrite. La confiance dans l’économie algérienne a encore reculé avec l’impasse politique et les procès faits à quelques patrons et à certaines activités. La méthode répressive choisie par les tenants du pouvoir ne fait que ternir davantage l’image d’un pays dont le climat des affaires est des plus repoussants.                         
 

Ali Titouche