Dans sa gestion du secteur du médicament, le gouvernement se retrouve devant un dilemme. L’Exécutif est tenu à la fois de rationaliser les dépenses en réduisant les importations et d’assurer une offre suffisante et en permanence. Le ministère de tutelle, faut-il le reconnaître, n’a pu concilier ces deux objectifs aux dimensions économique et sociale.
Ce qui a provoqué d’ailleurs de sérieuses perturbations sur le marché national. Les observateurs parlent d’une pénurie qui a touché quelque 250 produits pharmaceutiques. Face à cette épineuse problématique, la direction de la pharmacie au département de la Santé a pris récemment des mesures urgentes, parmi lesquelles on peut citer l’avancement des délais pour l’octroi des programmes d’importation ainsi que les avenants.
Car l’une des raisons à l’origine de cette tension sur le médicament a trait au retard qu’accusent les opérateurs dans le dépôt de leurs programmes d’importation auprès de la direction de la pharmacie. Et la signature de ces programmes par le ministère de Santé a été indubitablement retardée, avec tout ce que cela a provoqué comme conséquences sur le marché. Une chose est certaine, pour plus de 158 produits dont les stocks sont insuffisants, les programmes d’importation ont été déjà accordés aux mois de juin et de juillet.
Et si un importateur a réalisé son programme à environ 65%, il peut bénéficier d’un avenant. À fin juin, 105 demandes d’avenants ont été effectuées. L’autre facteur qui a causé ces tensions concerne la défaillance de certains producteurs locaux qui ont décidé de ne pas fabriquer leurs produits, étant donné le large différentiel entre le coût de revient et les prix réglementés par l’État. Certains fabricants produisent à perte.
Cela reste insoutenable pour un investisseur. Toutefois, le directeur général de la pharmacie au ministère de la Santé, Djawad Bourkaïb, évoque une possible révision et l’actualisation des prix, jugés “très bas”, de certains produits locaux afin d’encourager les fabricants à ne pas abandonner leur production. Cependant, une augmentation des tarifs risque de rendre difficile l’accès aux médicaments aux malades et, par là même, de vider dans le même temps les caisses de la sécurité sociale en termes de remboursement.
Vers une révision des tarifs
Cela n’est pas de l’avis de M. Bourkaïb qui rassure que la hausse des tarifs de ces produits ne touchera pas le pouvoir d’achat. Pour lui, c’est la Caisse nationale des assurances sociales (Cnas) qui prendra en charge cette question. L’industrie pharmaceutique naissante englobe quelque 90 producteurs locaux et plus de 100 projets en cours d’élaboration. Ils couvrent environ 55% des besoins nationaux. L’État veut porter ce taux à 70%. Une ambition difficilement réalisable pour le moment, même si un tel défi peut être relevé par les opérateurs locaux pour peu qu’on leur offre toutes les conditions nécessaires.
Le cas des industriels qui souffrent d’un manque flagrant d’intrants, interdits à l’importation actuellement, reste édifiant. L’autre mesure prise concerne le recours à l’importation complémentaire de ces médicaments, qualifiés de vitaux, en cas de non-respect des engagements par les producteurs. Un délai de trois mois est accordé aux producteurs pour assurer la disponibilité de ces médicaments essentiels.
Et s’ils ne tiennent pas leurs promesses, le ministère aura recours à un programme d’importation complémentaire et prendra des mesures coercitives à l’encontre des défaillants. Le ministère prévoit également une révision du programme d’importation à partir de 2020, afin de garantir tous types de médicaments. Cela dit, la baisse de plus de 24% de la valeur des importations durant les cinq premiers mois de l’exercice en cours vient corroborer les récurrentes pénuries qui affectent le secteur du médicament en Algérie depuis l’année 2016.
La réduction de la facture de 547 millions de dollars à la même période de l’année 2018 à 415 millions de dollars en 2019 prouve clairement la décision de rationaliser les approvisionnements du marché prise par les pouvoirs publics. La facture du marché national des médicaments entre locaux et importés s’est élevée, faut-il le rappeler, à 3,8 milliards de dollars en 2018, dont 55% issus de la production locale.
B. K.