Feriel Nourine
Le Russie semble avoir fini par se décider à participer à la reconduction de l’accord Opep+, en vigueur depuis le mois de janvier dernier. C’est en tout cas l’option qui se dégage à travers les dernières déclarations faites par le ministre russe de l’Energie Alexandre Novak lors de sa rencontre avec son homologue saoudien.
M. Novak constate, reconnaît même, qu’«il existe actuellement de grands risques de surproduction» et que «nous devons tout analyser pour prendre une décision équilibrée en juillet», en prévision de la réunion de l’Opep+, prévue début juillet, pour décider de renouveler ou non l’accord pour le second semestre de l’année en cours. Le risque de surproduction se traduirait inévitablement par une chute des prix de l’or noir, a souligné le premier responsable du secteur énergétique russe.
Abondant dans le même sens, hier, Anton Silouanov, ministre russe des Finances, a été un peu plus explicite sur la nécessité de reconduire l’accord, sans quoi «les prix peuvent chuter sous les 40 dollars et jusqu’à 30 dollars», a-t-il averti, ajoutant que le scénario de la reconduction n’était pas exclu et que pareille option «va dépendre en grande partie de la situation du marché au second semestre et au troisième trimestre, de l’équilibre entre l’offre et la demande, de comment va évoluer l’incertitude liée aux guerres commerciales et à la pression par les sanctions contre certains pays». Or, la situation du marché évoquée par M. Silouanov, dont devrait dépendre la décision qui viendrait sanctionner la réunion de l’Opep+, est d’ores et déjà en train de peser sur le marché en faisant jouer la carte de la surproduction contre les prix. La position russe évolue donc en faveur d’un prolongement de la réduction, mais l’indécision est toujours assez dominante dans les propos des responsables de ce pays considéré comme un acteur clé dans l’accord depuis son avènement début 2017. Ceci d’autant que des désaccords existent en Russie sur cette question. Le président russe, Vladimir Poutine, a d’ailleurs admis, jeudi dernier, des divergences entre son pays et l’Opep sur le juste prix du pétrole, tout en assurant que les deux parties trouveront un terrain d’entente lors de leur prochaine rencontre sur le sujet.
De son côté, le P-dg du groupe pétrolier russe Rosneft, Igor Setchine, a mis en garde contre la prolongation d’un pacte dans lequel il voit une menace stratégique pour la Russie, car il pourrait permettre, selon lui, aux Etats-Unis de s’octroyer une part du marché russe. Côté saoudien, la démarche est en faveur du maintien de la réduction pour la seconde moitié de l’année, avec l’objectif d’éviter le scénario du plongeon des prix, qui s’était produit au dernier trimestre de 2018, suite à l’assouplissement par les pays exportateurs de l’accord, alors en cours, pour satisfaire les pays consommateurs et éviter la flambée des prix. «Nous travaillons à prendre des mesures préventives pour ne pas laisser se dérouler ce scénario», a indiqué, à ce propos, Khaled al-Faleh.
Il y a lieu de rappeler que l’accord Opep+ a permis une croissance des recettes budgétaires et des bénéfices pour l’industrie pétrolière russe de plus de 25%, à 7 000 milliards de roubles (environ 108 milliards de dollars). En décembre 2018, un nouveau seuil de réduction avait été décidé à Vienne, portant sur 800 000 barils par jour pour l’Opep, contre 400 000 b/j pour ses partenaires, soit un total de 1,2 mb/j.
Alors que les négociations se trouvaient quasiment dans une impasse à cette période, c’est la Russie, pays non-membre de l’Opep, qui a été à l’origine de la solution après que son président ait décidé de réduire la production pétrolière locale selon les souhaits de l’Organisation.