La lutte contre le blanchiment d’argent doit impliquer toutes les institutions concernées.
Les marchés publics sont “notoirement sensibles à la corruption”. Ils représentent un “terreau” pour la corruption a fortiori en l’état actuel de la réglementation les régissant. Dans le cadre de cette législation, les “parties contractantes (la partie représentant l’État) doivent accepter l’offre la moins-disante, ce n’est pas forcément une bonne chose”. C’est là une des critiques formulées par Sabri Mouloud, avocat, au sujet de la lutte contre le blanchiment de l’argent sale et de la corruption. Celui-ci s’exprimait lors d’une journée d’étude sur le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, organisée, hier, par l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption, à Alger. Faut-il, pour autant, incriminer les parties contractantes ?
Ces dernières, a-t-il expliqué, ne disposent pas de prix référentiel, et la législation n’est pas claire sur ce point. Sabri Mouloud ajoute qu’il existe des cas où le soumissionnaire fait “une offre moins-disante, tout en sachant qu’il n’atteindra pas une marge bénéficiaire raisonnable”. “Mais, s’il fait cela, relève-t-il, c’est parce qu’il a de l’argent amassé à faire blanchir”. Des experts présents à cette rencontre ont souligné que, dans le cadre des marchés publics, la corruption “augmente” dans des proportions “très importantes”. Et que si la corruption dans la passation de marchés publics n’est pas contenue, elle “va continuer à se développer”. “Il n’existe toutefois pas, ont-ils ajouté, d’indices judiciaires sur les dossiers de corruption”.
Ainsi, un “manque d’efficacité” a été mis en évidence en ce qui concerne la lutte contre la corruption. Maurice Jeunet, expert de l’Union européenne, a, dans une longue intervention, noté que les lois sous-tendant le dispositif de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent sont “conformes” aux traités et conventions internationaux, mais leur “efficacité demeure limitée”. Et de poursuivre que ces “lacunes” du système ont été relevées par le “groupe d’actions financières contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme et de prolifération (Gafi)”.
Une série de recommandations a été retenue à l’issue de ce séminaire. Il a été ainsi formulé qu’il y a nécessité d’élaborer une “stratégie nationale” de lutte contre le blanchiment d’argent impliquant “toutes les institutions concernées”, de mettre en place un “comité national de coordination”, de privilégier les approches basées sur les risques en établissant des “cartographies de risques” dans l’objectif de déterminer les transactions soupçonnées, les pays à risque, le profil de clients et des opérations à surveiller.
Il a été également proposé “d’améliorer les mesures de vigilance” prises par les établissements financiers et “d’intégrer” les recommandations du Gafi dans la gestion des transactions financières, “d’étendre” l’obligation de déclaration de soupçons à d’autres acteurs à l’instar de “promoteurs immobiliers”, des “services fiscaux” chargés de l’enregistrement et des “services des domaines” chargés de la publication des actes. Il a été enfin demandé “d’œuvrer à lutter contre l’économie informelle et l’utilisation abusive du cash dans les transactions commerciales au-delà d’un certain seuil”.
Youcef Salami