À deux semaines de la rentrée scolaire et sociale, les fêtes de mariage font rage à travers tout le pays.
Les jeunes couples, parfois par amour et souvent par “obligation” vis-à-vis de la société, décident de se dire “oui” en convolant en justes noces pour “le meilleur et pour le pire”, dit-on. Ainsi, en cette mi-août, il ne se passe pas une journée sans que des dizaines de cortèges nuptiaux sillonnent les rues de la ville de Bouira, ou d’ailleurs, le tout dans une ambiance des plus folles et un vacarme assourdissant. Mais avant la “fiesta”, où tous les amis et autres convives lancent des “mabrouk” à tout-va, les jeunes couples ou leurs parents ont déjà passé bien des épreuves. Cela va de la conception de la liste des invités jusqu’au cadre de la fête, à savoir organiser la fête de manière traditionnelle (chez soi, en famille) ou bien d’une manière que l’on pourrait qualifier de “moderne”, qui consiste à louer une salle des fêtes.
Le prix du “prêt à consommer”
Pour certains, la location d’une salle des fêtes est une évidence, pour tout ce qu’elle comporte comme facilités. À Bouira ou ailleurs, ces salles poussent comme des champignons. D’ailleurs, c’est un créneau très porteur et florissant, notamment dans les grandes agglomérations. Le concept est relativement simple : si un particulier possède une grande villa, avec plusieurs étages et ne sait pas quoi en faire, il la reconvertit en salle des fêtes. Le coût des travaux, selon certains propriétaires interrogés, avoisine les 200 à 250 millions de centimes (pour un aménagement de haut standing). Cependant, et d’après un propriétaire d’une salle des fêtes à Bouira, l’investissement concédé est amorti en un temps relativement court. Et pour cause, ce commerce, car c’en est bel et bien un, connaît un bond fulgurant. Selon une étude de l’Office national des statistiques (ONS), plus de 62% des mariages en Algérie sont organisés dans des salles des fêtes. Pourquoi un tel engouement ? La réponse est simple : tout y est pris en charge.
Dans une société où le “prêt à consommer” prédomine, les mariages n’échappent pas à cette réalité, quitte à y mettre le prix fort. Il faudrait compter pas moins de 17 millions de centimes uniquement pour la location de la salle, durant une période déterminée (48h). De plus, il faudrait ajouter les frais relatifs aux achats de produits nécessaires à la préparation des plats (salades, chorba, couscous), les boissons et les fruits de saison. En moyenne, pour une fête avec 300 convives, il faudrait débourser 25 millions de centimes pour les fruits et légumes, 15 millions pour les diverses viandes (rouge et blanche) et entre 7 à 8 millions de centimes pour les boissons.
Au total, on se retrouve avec plus de 70 millions de centimes pour 300 invités à servir. Après avoir déboursé ce qui représente pour certains les économies de toute une vie, c’est au tour du propriétaire de la salle de prendre le relais. Les cuisiniers, le service et les petits extras sont entièrement pris en charge. Surtout si le propriétaire est un bon gestionnaire. Et c’est là que le succès de ces salles des fêtes trouve son explication.
Les mariés “délèguent” le côté organisationnel au gérant de ladite salle. Il s’occupe du moindre détail. D’ailleurs, certains propriétaires de salles des fêtes sont titulaires d’un diplôme de management et de marketing, faisant tourner leur business à la manière d’une boîte spécialisée dans l’évènementiel.
Un faible coût et des désagréments
De l’autre côté, on retrouve le mariage traditionnel, à savoir dans la demeure familiale. C’est l’un des types de mariages les plus “savoureux” et des plus inoubliables, de l’avis général. La famille, le voisinage, les amis et même de simples connaissances se retrouvent dans un seul et même endroit, afin d’offrir aide et assistance aux familles des mariés et faire en sorte que l’évènement reste gravé dans les mémoires. D’ailleurs, dans les villages de Kabylie, il est quasi inconcevable de faire un mariage autrement. L’expression “la fête au village” n’est guère galvaudée dans ces contrées de Kabylie où les traditions ancestrales sont toujours enracinées.
Car, outre l’ambiance festive que procure ce style de fête, c’est son faible coût qui la rend des plus attrayantes, notamment en cette période où le pouvoir d’achat des ménages est mis à rude épreuve. Tout est basé sur la solidarité, l’entraide et la générosité de la famille. Tout le monde est bénévole et sa seule “rétribution” consiste en la satisfaction du marié ou de la mariée et de leurs parents. Avec une somme relativement modeste, on peut satisfaire tous les convives en leur offrant des mets de qualité et à en quantités suffisantes. “Pour mon mariage, je n’ai déboursé que 45 millions de centimes. C’est assez confortable !”, dira Ali AD., un jeune marié de Bouira.
Avant d’ajouter : “J’ai invité pas moins de 250 personnes et tout le monde était satisfait. D’ailleurs, j’ai opté pour ce choix (fête traditionnelle), pour des considérations économiques. Un mariage à la salle des fêtes m’aurait mis sur la paille.” Cet argument du prix est partagé par nombre de citoyens interrogés. Cependant, “le revers de la médaille” réside dans le fait que le mariage traditionnel requiert une famille relativement nombreuse, un sens de l’organisation des plus pointus et surtout des nerfs à toute épreuve. Car il faut bien le reconnaître, les convives ne sont pas toujours précautionneux.
Des tâches par-ci, des éclaboussures par-là, des enfants turbulents, et au final, tous les travaux d’embellissement — peintures et autres décorations effectuées au préalable — se retrouvent anéantis en une seule journée. “Après la fête, j’ai dû refaire toute la peinture et même le carrelage. Ce n’était pas des invités que j’ai eus, mais des destructeurs”, confiera Kamel, père deux enfants. À travers tout ce qui a été relaté, on comprend que chaque style de mariage a ses avantages et inconvénients. Le traditionnel est, certes, peu coûteux et très convivial, mais il génère des tracasseries avant, pendant et après la fête. En revanche, les mariages modernes, dans les salles des fêtes, simplifient la vie aux mariés et ils ne laissent pas de place à l’improvisation, tout y est réglé comme du papier à musique, mais ils restent relativement onéreux et souvent ternes. À chacun sa vision des choses.