Maroc: la chasse aux migrants continue sur fond d’inquiétude des ONG

Maroc: la chasse aux migrants continue sur fond d’inquiétude des ONG

TANGER – Les autorités marocaines poursuivent les opérations de déplacement forcés de migrants vers le sud du pays, alors que des ONG dénoncent la brutalité employée notamment contre des femmes et des mineurs, arrêtés et refoulées bien que la loi l’interdise.

Ces derniers jours, des centaines de policiers appuyés par des forces spéciales et trois hélicoptères ont effectué plusieurs interventions musclées à Tanger dans les quartiers populaires de Boukhalef et de Mesnanatan, faisant plusieurs blessés, selon les témoignages de migrants et de riverains, rapportés par des médias locaux.

Les migrants originaires d’Afrique subsaharienne ont été chassés violemment de leur logement en vue de les embarquer dans des bus pour les déporter vers le sud du pays, ont ajouté les mêmes sources.

« C’était très violent, ils ont pris des pierres, des bâtons (…). Ils sont entrés dans les maisons, nous ont pris notre argent et nos bijoux, nous ont embarqué mais moi ils n’ont pas pu me prendre », a raconté Wilfried, réfugié dans un campement à Tanger.

Ce jeune Camerounais marche difficilement à l’aide d’une béquille depuis qu’il a fui en sautant par dessus un mur. Il assure avoir déjà été refoulé l’an dernier avant de revenir dans l’espoir de rallier les côtes espagnoles.

Le Conseil national des droits de l’Homme a assuré que « les opérations de déplacements sont menées dans un cadre légal », a soutenu son président Driss El Yazami, précisant que « le CNDH veillait à la protection des personnes vulnérables ».

Quelques dizaines de migrants ont tenté de manifester dimanche devant la préfecture de Tanger pour dénoncer la situation, mais ils ont été bloqués par la police.

« Les migrants sont à bout de souffle, trop, c’est trop », s’est indignée Aissatou Barry, une ressortissante ivoirienne qui milite au sein de l’association « Les Ponts Solidaires » évoquant les cas de ceux qui disparaissent en mer en tentant la traversée de la Méditerranée.

La section de Nador (nord-est) de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), qui suit de près les déplacements forcés, a dénoncé, pour sa part, « la brutalité employée contre les femmes, certaines enceintes, et les mineurs arrêtés et refoulés bien que la loi marocaine l’interdise ».

L’AMDH avait adressé en août dernier une lettre aux autorités pour les interpeller sur « l’usage excessif de la force et de la violence lors des campagnes systématiques menées en totale contradiction avec les obligations internationales du Maroc ».

« La situation devient inquiétante, il y a eu des morts et des blessés avec des traumatismes, certains sont devenus fous à cause de ce que nous vivons, nous voulons que tout cela s’arrête », a tenu à signaler une ressortissante Camerounaise se disant choquée par la brutalité de la police marocaine à l’égard des migrants africains.

« On nous chasse comme des bêtes sauvages », a affirmé également Bamandou Kalli, un Guinéen de 18 ans, qui selon la presse marocaine, avait choisi de se terrer dans une forêt près de Tanger, à l’instar des dizaines de migrants fuyant les déplacements forcés menés par les autorités marocaines dans le nord du pays.

Deux Maliens, dont un adolescent de 16 ans, ont trouvé la mort début août lors de l’un de ces transferts.

Les deux Maliens avaient été interpellés à Tanger, où ils se trouvaient avec des centaines de migrants, a déclaré Saïd Tbel, un responsable de l’Association marocaine de droits de l’Homme.

Les deux Maliens ont trouvé la mort lors d’un de ces déplacements forcés en bus à l’entrée de la ville de Kenitra, à 200 kilomètres au sud de Tanger, a-t-il mentionné.

Mimoune Traoré, âgé de16 ans, a été enterré le 31 août en présence de son frère et de membres de l’ADMH au cimetière de Kenitra.

Le corps de la deuxième victime, dont l’identité n’a pas été précisée, se trouve encore à la morgue de Kenitra, selon la même source.

Les autorités locales ont évoqué un « accident », indiquant sans autre détail qu’une enquête avait été ouverte pour en déterminer les causes.