Massacres du 8 mai 1945, marche à Sétif : le sang dans la rue

Massacres du 8 mai 1945, marche à Sétif : le sang dans la rue

D’une marche pacifique à un massacre collectif

La présence des jeunes Scouts musulmans algériens (SMA) portant une gerbe de fleurs en tête de la marche des assoiffés de liberté qui a battu le pavé de la ville de Sétif un certain mardi 8 mai 1945 n’a pas empêché la France coloniale barbare de commettre l’horrible massacre. Mohamed El-Hadi Ben Mahmoud, né en août 1931, qui avait alors à peine 17 ans, faisait partie de ces jeunes scouts composant le peloton de la marche. Les organisateurs ont tenu à placer le carré des jeunes scouts en tête des manifestants et à les faire porter une gerbe de fleurs pour exprimer de manière manifeste le caractère pacifique de l’initiative, assure cet octogénaire. Les chefs de groupes scouts dont Hassane Belkheir, Abdelkader Yahla et son aîné Mahmoud, Lakhdar Doumi et El Kheir Dhib ont, au cours de la réunion tenue quelques jours avant le 8 mai, au siège des SMA qui était proche de la caserne militaire du centre-ville, rappelé avec une fermeté excessive la consigne de ne porter aucune chose susceptible d’être confondue à une arme, affirme encore ce témoin. Le jour J et au point de départ de la marche à la mosquée « Aboudar El Ghifari » de l’avenue de la Gare au centre-ville, les organisateurs se sont attachés, se rappelle El Hadi, à retirer aux participants tout objet que les forces de l’occupant seraient tentées d’assimiler à une arme. Les jeunes scouts en tête de la marche portaient les drapeaux des pays Alliés vainqueurs du nazisme et se trouvaient juste derrière leurs chefs scouts qui, eux, portaient une gerbe de fleurs, assure sans ambages Mohamed El-Hadi Ben Mahmoud. Le message ainsi voulu était clair. Les manifestants se dirigeaient vers la stèle du soldat inconnu devant l’actuelle mosquée Ibn Badis. L’objectif était de partager avec les pays vainqueurs du nazisme leur joie.

D’une marche pacifique à un massacre collectif

Narrant ses souvenirs avec autant d’émotion que de fierté, El-Hadi relève que le calme et la sérénité de la marche n’auront duré que le temps d’atteindre l’hôtel de France où le premier martyr, Saâl Bouzid, est tombé sous les balles assassines des éléments de la police française qui étaient alignés devant le café de France. Les policiers n’avaient visiblement pas supporté les slogans patriotiques scandés par les militants nationalistes, ni les banderoles sorties soudainement et encore moins le drapeau national.

Les agents de la police ont tenté, tout en tirant, de s’emparer du drapeau et des banderoles mais les organisateurs s’étaient réfugiés dans le siège des SMA et ont fermé les portes. C’est là que le massacre a commencé, ajoute El-Hadi qui se souvient du retentissement infernal des balles et du bruit horrible des engins et véhicules de l’armée descendus dans les rues.

Les forces de l’occupant français ne s’étaient pas contentées de tuer les manifestants. Ils s’en sont pris aux habitants des dechras (hameaux) et villages entourant Sétif n’épargnant ni enfant, ni femme, ni vieux, se souvient El-Hadi qui assure que les massacres s’étaient poursuivis avec cette même sauvagerie « longtemps ». A l’évidence, la France pensait ainsi faire oublier à tout jamais aux Algériens la revendication indépendantiste, note ce même témoin.

Les massacres du 8 mai 1945 est un message que la France rejetait le langage pacifique. La sauvagerie de la France durant ces évènements du 8 mai 1945 a renvoyé au peuple algérien un message très clair qui disait que « la France rejetait catégoriquement le langage pacifique », affirme El-Hadi qui enchaîne qu’en conséquence, tous ont compris que « ce qui a été pris par la force ne pourra être recouvré que par la force ».

Aujourd’hui, les chercheurs en histoire affirment que les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata ont « balayé » la voie pour la Révolution libératrice du 1er novembre 1954.

Approchés, plusieurs des témoins de cet épisode sanglant de la longue marche de l’Algérie vers l’indépendance n’ont pu témoigner en raison de leur état de santé.