Me Abdelhak Mellah, un ancien magistrat actuellement avocat agréé près la Cour suprême et le Conseil d’État, est catégorique : “Le mandat de dépôt ordonné contre le défunt Kamal-Eddine Fekhar ne répondait à aucune condition exigée dans le code de procédures pénales.”
L’avocat explique que l’homme a été poursuivi, au début du mois d’avril dernier, pour un post sur sa page Facebook, dans lequel il a commenté le traitement juridique d’une affaire pénale. Le parquet général a considéré le commentaire offensant pour la justice. Il a ordonné des poursuites pénales et le mandat de dépôt contre Fekhar. “Les faits qui lui sont reprochés relèvent pourtant de la liberté d’expression. Et même s’il y avait réellement dépassement dans les propos, il ne l’aurait pas exposé à la détention préventive. D’autant qu’une demande de liberté provisoire a été rejetée aussi bien par le juge que par la Chambre d’accusation”, précise-t-il.
Kamal-Eddine Fekhar est décédé hier matin dans une cellule carcérale à l’hôpital de Blida, éprouvé par les effets de sa longue grève de la faim. Au regard du juriste, il est indubitablement une victime d’un acharnement judiciaire contre sa personne. “Le procureur général près la Cour de Ghardaïa a rendu public un communiqué dans lequel ressortait clairement un parti pris manifeste contre Fekhar et ses compagnons”, rappelle-t-il, avant de rapporter une information qu’il a obtenue auprès de proches du défunt et du syndicaliste Hadj Brahim Aouf, actuellement en grève de la faim contre sa détention. “Les deux hommes auraient reçu des menaces à l’intérieur de la prison. On leur a exigé de publier un pardon sur les réseaux sociaux contre une promesse de relaxe.” Bien imprégné de la situation, l’ancien magistrat assure que “le minimum des droits de la défense et de l’homme n’est pas observé à Ghardaïa à cause de deux hommes puissants : le PG et le wali”.
Il raconte l’affaire de l’un de ses clients, maintenu en emprisonnement préventif pendant 26 mois, pour une qualification criminelle sans fondement. “La condamnation couvre, généralement, la période de la détention”, souligne-t-il. Mesure exceptionnelle dans le code de procédures pénales, le mandat de dépôt est devenu une règle. Les juges en charge des dossiers en abusent largement. “La justice (algérienne, ndlr) est orientée dans le sens de la répression au détriment des droits de l’Homme et de la présomption d’innocence”, conclut l’avocat.
Souhila H.