Le procureur général du tribunal criminel de Blida, Zerg El Ras Mohamed, a requis avant-hier tard dans la soirée de lourdes peines contre tous les inculpés dans le cadre du procès de Khalifa Bank, poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation notamment association de malfaiteurs, vols qualifiés, faux et usage de faux dans des documents comptables et bancaires ,abus de confiance et escroquerie .
Ainsi, le premier procureur général adjoint de la cour de Blida, qui représente le ministère public, a requis la réclusion à vie contre le principal inculpé Abdelmoumene Rafik Khalifa, assortie de la saisie de tous ses biens mobiliers et immobiliers.
Le procureur a estimé que Khalifa est entièrement responsable des pertes de sommes considérables estimés à des milliards de dinars et des millions d’euros et de dollars. Selon toujours le représentant du ministère public, Khalifa a réussi en un court laps de temps à se créer une vie de luxe en recourant au détournement et au transfert illégal de capitaux de et vers l’étranger au détriment de l’économie nationale.
Il a enfin estimé que l’ex-boss de Khalifa Bank ne mérite ni clémence ni indulgence du tribunal qualitativement compétent.
Djamel Guellimi, qui a occupé deux postes de responsabilité en même temps, à savoir ex-inspecteur général à Khalifa Airways en France et ancien premier responsable de Khalifa TV, a vu acquérir une peine de 21 ans de réclusion criminelle par le procureur.
Ce dernier a estimé que les preuves relatives aux chefs d’inculpation retenus à l’encontre de l’ex-bras de droit de Khalifa sont formelles, notamment en ce qui concerne la falsification des deux contrats relatifs à la création du groupe Khalifa, et par-delà la banque et l’hypothèque de la villa de Hydra.
Le procureur a estimé que celui-ci est également responsable des transferts illégaux de capitaux en euros et en dollars vers l’étranger. Le procureur général a requis la saisie de tous les biens de Guellimi.
Les frères Chachoua
Le procureur général a par ailleurs requis deux peines de vingt ans de réclusion criminelle à l’encontre des deux frères Chachoua Badr Eddine et Chachoua Abdelhafid, pour s’être rendus coupables de tous les faits qui leur ont été reprochés au cours de l’instruction judiciaire notamment à la complicité dans le détournement de sommes énormes des agences bancaires qui appartenaient à Khalifa Bank et les transportaient dans des sacs scellés.
Le procureur a affirmé que les deux mis en cause, qui ont occupé les postes clés respectivement d’ex-directeur général adjoint chargé des équipements à la Khalifa Bank et directeur général adjoint chargé de la sécurité. Il a clamé en direction du président que « les frères Chachoua ont accaparé plusieurs fois des sommes colossales pour l’acquisition de pas moins de quatre villas de manière illégale dans des quartiers résidentiels de la capitale et quartiers chics notamment à Chéraga.
L’ancien directeur de l’agence de Khalifa Bank de Blida, Kechad Belaid, risque une peine de quinze ans de prison ferme. Cette dernière a été requise par le procureur général, qui a estimé que le mis en cause est à l’origine de toutes les sorties des fonds des déposants par A. Khalifa et son entourage.
Le représentant du parquet général a affirmé, lors de son réquisitoire, que le mis en cause a trahi la confiance placée en lui par les déposants qui ont perdu de très grosses sommes de leur argent sans être dédommagés.
La même peine a été requise contre Issir Idir, ancien directeur de la BDL de Staoueli qui a occupé le poste de cadre dirigeant au réseau d’exploitation de Khalifa Bank. Selon le parquetier, le mis en cause est entièrement responsable de l’abus de confiance et de la négligence manifeste ayant conduit à la dilapidation de deniers publics et privés.
La peine requise contre Meziane Ighil
Le procureur général a aussi requis quinze ans de prison ferme contre l’ex-sélectionneur national Ighil Meziane Ali, ex-conseiller en sport d’Abdelmoumene Khalifa. Il lui est reproché d’avoir proposé aux différents clubs des D1 et D2 de déposer leurs fonds dans les différentes agences bancaires implantées à travers le territoire national. Le procureur également requis, la saisie de tous les biens d’Ighil, notamment la villa située dans un quartier résidentiel de la capitale.
Mir Ahmed alors inspecteur général au niveau de Khalifa Bank encourt de son côté la même peine requise contre lui par le représentant du ministère public qui a estimé que les faits reprochés à son encontre sont formels notamment en ce qui concerne son implication directe dans les opérations d’escroqueries perpétrées à l’encontre des entreprises étatiques et contre les petits déposants.
D’après les anomalies et carences relevées lors des inspections routinières par les représentants de la banque centrale d’Algérie, il a refusé de prendre des sanctions contre ceux qui sont à l’origine de toutes ces infractions.
Le procureur général a par ailleurs requis dix ans de prison ferme contre le père des deux Chachoua en l’occurrence Ahmed âgé de 81 ans et qui a été à l’origine de plusieurs délits, notamment trafic d’influence et faux et usage de faux, tout cela dans un seul but : bénéficier d’avantages à titre de complaisance de la part de l’ex-golden boy dont le défunt père était un fidèle ami.
Amghar Mohand Arezki, l’ex-patron de la société de location de voitures qui appartenait à Abdelmoumene Rafik Khalifa, encourt une peine de quinze ans de prison ferme. Le mis en cause est poursuivi pour escroquerie et abus de confiance.
Le procureur général a en outre requis dix ans de prison ferme contre Toudjane Mouloud, l’ancien directeur de la comptabilité et des finances à la banque Khalifa. Selon le procureur, le mis en cause est entièrement responsable des opérations de transferts, notamment de devises vers l’étranger. Il n’a pas jugé utile d’informer la Banque d’Algérie des transferts illégaux qui s’effectuaient dans toutes les agences, notamment celles des Abattoirs d’Hussein Dey et d’El Harrach.
L’ancien président-directeur général de Saidal, Ali Aoun, risque cinq ans de prison ferme.
Cette peine a été requise contre lui par le procureur général qui a estimé que le mis en cause a usé de son poste pour bénéficier d’un véhicule ! Une peine de trois ans de prison ferme a été requise contre Lynda Benouis, la fille de l’ex-patron d’Air Algérie, qui a bénéficié de 900 millions de centimes.
Cette somme a été utilisée par l’accusée dans l’achat d’un appartement situé en plein cœur de la capitale. Le procureur a requis sept ans de prison ferme contre l’ancien directeur de l’école de police d’Ain Bénian car il a estimé que tous les faits reprochés au mis en cause sont formels, notamment en ce qui concerne l’utilisation de la profession à des fins personnelles.
Intervenant en faveur de son client, Rahal Réda, ancien PDG de l’entreprise de géophysique, Me Miloud Brahimi a affirmé que « toutes les institutions de l’Etat ont bénéficié d’avantages auprès de Khalifa Abdelmoumene, y compris le syndicat national des magistrats et les barreaux des avocats du centre du pays. Il y a même de hautes personnalités qui occupent actuellement des postes de responsabilité au sein de l’Etat et leurs enfants qui ont bénéficié de privilèges que leur accordait l’ex-golden boy ».
Il a indiqué au cours de sa plaidoirie que « la peine requise par le procureur général contre l’ex-golden boy de Khalifa Banque est très lourde et les peines demandées à l’encontre des autres accusés ».
Il a par ailleurs indiqué qu’« Il y a plusieurs responsables qui nous gouvernent aujourd’hui qui ont bénéficié de complaisance de la part de Khalifa Abdelmoumene mais dont les noms n’ont jamais été cité dans ce scandale ».
De son côté, Me Khaled Bourayou qui a plaidé au profit de plusieurs accusés dont Issir Idir, conseiller de Khalifa Abdelmoumene, fait une révélation de taille. Selon lui, l’acte d’hypothèque de la maison et du fonds de commerce de la famille Khalifa est sorti du bureau du juge d’instruction sans cachet rond et il est revenu avec un cachet rond bleu non officiel : « Une expertise faite par une française, Catherine Mango, reconnue mondialement, a révélé le complot. Alors qui a falsifié le document ? S’est interrogé l’avocat qui a attiré l’attention des magistrats et des journalistes.
« Le cachet officiel de l’Etat est de couleur rouge et non pas bleu, monsieur le président », fait remarquer Me Bourayou qui a sollicité la relaxe pour son client. Intervenant pour Sahbi Daoud, ancien PDG de l’Enafor, filiale, de la Sonatrach, Me Laceb Ouali a affirmé que « les éléments constitutifs du délit ne sont pas réunis, il n’y a aucune preuve concrète impliquant Sahbi Daoud dans cette affaire de trafic d’influence ». Et d’enchaîner : « Le fardeau de la preuve pèse sur le ministère public, mon client a agi conformément au statut de l’entreprise ».
Il a tenu à rappeler que « dans le réquisitoire, le procureur lui a reproché d’avoir déposé en 2002 des fonds à Khalifa Bank. Il invite le représentant du ministère public à se replacer dans le contexte de 2002 ». Il a tenu à préciser que « déposer des fonds à Khalifa Bank est un acte de bonne gestion, notamment avec le taux d’intérêts proposé, un taux très alléchant, frôlant les 14% ». Les plaidoiries se poursuivront aujourd’hui.