S’il assure d’emblée comprendre parfaitement les voix qui s’élèvent au sein de l’opinion publique nationale réclamant l’application de la peine de mort, notamment pour les assassins d’enfants, Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l’Homme (CNCPPDH), est de ceux qui appellent à légiférer dans des conditions de sérénité et de calme et non dans la précipitation.
“Je comprends parfaitement la réaction de l’opinion publique. Elle est tout à fait naturelle. Mais le législateur ne doit pas légiférer ou prendre des dispositions à chaud sur le fondement d’un événement particulier quelle que soit sa gravité”, a-t-il estimé, hier, dans un entretien téléphonique avec Liberté. Le président de la CNCPPDH recommande donc que le débat sur cette question très sensible ait lieu une fois l’émotion du drame survenu à Ouacifs, dans la wilaya de Tizi Ouzou, dissipée. “La loi ne peut être réformée qu’à froid, une fois que l’émotion sera passée. Il faut légiférer dans d’autres circonstances et dans d’autres proportions. Il faut se méfier de la législation précipitée. Le législateur doit prendre des dispositions qui n’ont rien d’épidermique ou de colérique”, a-t-il encore insisté, concédant, cependant, le fait qu’“on ne peut contrer une opinion publique chauffée à blanc à juste titre d’ailleurs”.
Ainsi, tout en appelant à la sérénité dans le débat sur la peine de mort, Me Ksentini tient à préciser qu’il fait partie des gens qui estiment qu’il faut prendre en considération l’émotion exprimée par l’opinion publique. “Je comprends parfaitement son émotion. Si des médias se mettent à dire qu’il faut maintenir l’abolition, ça peut être interprété comme une provocation par l’opinion publique. Celle-ci doit être respectée”, recommande-t-il, à ce sujet, tout en appelant à “calmer le jeu de façon à ce qu’au moment opportun on puisse ensemble réfléchir à de nouvelles dispositions”. Me Ksentini n’écarte, toutefois, pas l’éventualité d’un retour à l’application de la peine de mort dans le cas où l’opinion publique le réclamerait de manière insistante. “Et si cela doit se faire, ça ne doit pas se faire sur les fondements d’un cas isolé, dramatique certes mais isolé. Ce serait une erreur et ce serait dramatique”, ajoute-t-il. Pour Me Ksentini, l’État algérien peut, en effet, suspendre son adhésion à la Convention des Nations unies sur la suspension des exécutions. “L’adhésion peut être suspendue ne serait-ce que momentanément et cette suspension elle-même peut être dictée par un référendum. Je n’ai pas recommandé personnellement cette solution. J’ai juste dit qu’il y a des pays qui ont fait comme ça”, explique-t-il.