Interrogé au sujet du projet de loi incriminant les violences faites aux femmes, l’avocate Fatma-Zohra Benbraham estime qu’il est urgent d’engager une sérieuse réflexion sur le harcèlement sexiste en Algérie. «Il faut faire une étude sociologique et établir un texte de loi spécifique à ce type de délit», a-t-elle prôné. Elle qualifie le nouveau projet de loi incriminant les violences faites aux femmes de catastrophe, car «son application est complexe».
Le texte en question a pour objectif de durcir les sanctions contre les violences conjugales sous toutes leurs formes (agression physique, abandon du domicile conjugal…), et, de façon plus générale, le harcèlement sexuel ainsi que tout acte qui porte atteinte à la dignité de la femme aussi bien dans les lieux publics qu’au travail, et qui sont pointés du doigt par le législateur.«Les agissements que subissent les femmes dans les lieux publics, le plus souvent sous forme de violences verbales ou d’actes portant atteinte à la pudeur, ne seront plus sans conséquences pour leurs auteurs», avertit l’avocate, mais «cette loi peut être une arme à double tranchant. Car il est difficile de prouver un harcèlement sexuel, et la victime risque d’être arrêtée pour diffamation». Aussi elle estime que les hommes risquent d’être sous les barreaux pour avoir formulé des phrases banales de drague.A cet effet, l’experte en questions juridiques met l’accent sur l’urgence de revoir ce document avant qu’il ne soit adopté. Elle préconise d’interdire les droits civiques et une amende de 10 000 DA, au lieu de la prison, pour ceux qui agressent verbalement les femmes dans les rues.
Abordant la violence conjugale, Me Benbraham considère que ce projet de loi encourage le divorce.
«Nous irons directement vers un éclatement social si ce texte est appliqué tel qu’il est», a-t-elle mis en garde. Pour étayer ses propos, Me Benbraham indique que la femme peut déposer une plainte contre son mari pour n’importe quelle violence, même la plus insignifiante. Après quoi, poursuit-elle, le mari tient rancune et risque de se venger de sa femme en demandant le divorce et en la jetant dehors. «Est-ce que les associations actives en Algérie peuvent prendre en charge toutes les femmes divorcées et leurs enfants ?», s’est-elle interrogée avant d’ajouter que «cela est impossible. Et là, on risquera de voir beaucoup de femmes et d’enfants dans la rue».
F. A