Au mois de juillet 1996, lorsque le douar des « Chouardias » regroupant 45 familles, et subissant un génocide, a été rayé de la commune de Sidi-Naâmane, les bonnes consciences occidentales débattaient sur le « Qui tue qui? ».
Une énième tuerie collective signée par la secte « Ghadhibouna ala Allah » dirigée par l’émir Bouteldja, alias Traoré. Une nuit d’épouvante rapportée à l’époque par l’auteur de ces lignes, un miraculé qui se souvient des scènes irréelles.
Ces terroristes vivaient sans loi, avaient le doigt de la chahada coupé en signe de rupture avec Dieu. Ils avaient le crane et les sourcils rasés.
Lors du massacre des Chouardias, ils mangeaient des dattes trempées dans le sang de leurs victimes. Ils frappaient d’une immense terreur les populations.
Le paysage concentre tout ce que l’on peut attendre d’un paradis insulaire. C’est là où les cavaliers de l’apocalypse ont appliqué d’une manière impitoyable
la stratégie de la terreur. La presse ne s’aventurait pas dans ces enclaves reculées. Et puis, c’était tellement répétitif que le journaliste avait l’impression de réécrire un papier de la veille. Hadj Ali, 73 ans, est surtout connu en sa qualité d’ancien moudjahid et de patriote de la première heure, qui a concentré toute son énergie à la lutte antiterroriste en créant le premier noyau de résistance. Il a l’expérience du terrain, et le courage d’affronter la mort.
C’est lui qui a stoppé l’équipée sauvage de « Traoré » au cours d’un accrochage particulièrement meurtrier sur les hauteurs du village. Il nous reçoit dans un café, à Sidi-Naâmane, avant d’arpenter la piste qui monte en escalier vers les Ouled Benssaâd. Ils étaient des dizaines de ruraux à avoir dévalé cet éperon montagneux où les bombes artisanales tapissaient les 3 km de route. « Ghaba Kahla » ou forêt noire.
Un point de chute, un lieu de passage privilégié des terroristes venus de l’Est, une base-arrière qui n’en finira pas d’exploser sur toute la région. Tout à leurs saccages, les criminels accélèrent en 1994, les massacres. L’exemple de la région de Bouchrahil, un écrin agricole de 7 800 hectares est parlant. « Quand quelqu’un tombe à tes côtés, tu ne regardes pas, tu continues à courir, en espérant que les terroristes ne te rattrapent pas », raconte un miraculé de Ouled Brahim, déplacé de Beni-Slimane, après le massacre de 22 personnes dont une dizaine de bébés en 1997, avant que les barbares ne récidivent au douar Souhan, à Tablat, pour égorger 60 personnes en une seule nuit.
Parmi eux, « un homme, sa femme et leurs deux enfants qui n’ont pas mangé depuis quatre jours, vivaient dans une pauvreté indescriptible, et nous étions en train de faire une collecte pour leur offrir des denrées alimentaires avant que la tragédie ne les rattrape », raconte un villageois.
Le travail colossal engagé par les forces combinées appuyées par les patriotes a été salutaire et les zones rurales de Sidi-Naâmane ont repris progressivement le flambeau de la production agricole. A la faveur des deux derniers programmes quinquennaux, les populations ont su profiter des différents projets pour constituer, aujourd’hui, un véritable pôle de croissance et de renaissance.
La réussite exemplaire de ces capitaines de l’agriculture d’envergure nationale, est illustrée par Djamila Alaoui, qui a réussi l’exploit de faire son entrée au « Club 50 » mis en place par le ministère de l’Agriculture, et regroupant les fellahs ayant obtenu un rendement céréalier dépassant les 50 quintaux/ha. L’arboriculture fruitière, le maraichage, l’aviculture et l’apiculture s’imposent de plus en plus, et les plus audacieux se sont lancés dans des investissements comme l’industrie de transformation.
A quoi s’ajoutent un nouveau pôle urbain, les infrastructures socio-économiques sur fond de quiétude, de prospérité, et d’échanges commerciaux.
Abderrahmane Missoumi