Chacun d’entre nous a, au moins une fois dans sa vie, eu recours à l’automédication. Ayant des connaissances dans l’administration d’un médicament, nous adoptons un comportement préventif qui nous évite de voir notre médecin en «nous prescrivant notre propre traitement».
Les pharmaciens acceptent de vendre des médicaments sans exiger aucunement une ordonnance. Seulement, ces remèdes peuvent être fatals, comme en témoignent ici des praticiens. Il est vrai que l’automédication est un phénomène qui n’est pas très récent mais il devient de plus en plus courant en Algérie. Il y a quatre ans de cela, une étude basée sur des données recueillies sur le terrain, menée par M. Ziari, docteur en pharmacologie, a révélé que trois algériens sur quatre s’administrent des médicaments sans avis médical.
La même enquête a dévoilé cette pratique de libre achat qui concerne 65% des médicaments vendus dans la capitale.
De semblables chiffres dénotent le laisser- aller, selon un pharmacien exerçant à Clairval, qui n’a pas voulu être cité, sur les hauteurs d’Alger, qui nous a révélé que les cadres sont les premiers et les plus nombreux à se soigner seuls, précisant que ce sont les adultes de plus de 40 ans, qui se sentent confiants quant à leur «intuition» et font de l’automédication à titre préventif.
Notre interlocuteur confie qu’il y a beaucoup de pharmaciens qui encouragent l’automédication en vendant des médicaments sans ordonnance, sans se soucier des effets secondaires que peuvent engendrer ces remèdes.
«Nous voyons des pharmaciens faire de leur métier un vrai business en vendant des antibiotiques, des anti-inflammatoires, voire des psychotropes, ignorant la gravité de leurs gestes», témoigne la même personne, ajoutant que ce phénomène concerne souvent les nouvelles pharmacies qui ont débuté l’activité dans les années 1990, où l’on a commencé à fermer les yeux sur ce genre de pratique. Il faut dire que dans les années 1980, le contrôle des ventes de médicaments était plus pris au sérieux.
Une autre pharmacienne à Dely Ibrahim, ne voulant pas être citée également, précise, de son côté, que les médicaments appartenant au «tableau A» ne doivent pas être vendus sans prescription du médecin.
Pourtant, ces mêmes médicaments se vendent tout autant que les antalgiques et les anti-istaminiques appartenant au «tableau C» et qui se vendent sans prescription médicale.
«Et encore, même les anti-istaminiques sont administrés sur avis du médecin», explique-t-elle, ajoutant qu’il est préférable que Mopral, à titre d’exemple, soit administré, vu que ce traitement a «des effets secondaires ulcéreux importants».
«En principe, tous les médicaments doivent être prescrits sur ordonnance, l’aspirine compris, étant donné qu’il y a des individus qui ignorent leur allergie à cette molécule. Et ce, pour éviter toute complication et ne prendre de risque avec aucun des effets secondaires, aussi anodin soit-il.
«Car il peut entraîner le pire», estime notre interlocutrice. Des décès ont été causés, en effet, par des pharmaciens, suite à des injections faites à des patients qui ont reçu une injection sans ordonnance, selon un pharmacien tenant une officine à Alger qui nous a précisé que les injections sont strictement interdites dans les officines.
Les médecins ne peuvent rien face à cette pratique dangereuse
Contacté par nos soins, le docteur Hadjar, spécialiste en pédiatrie et en médecine générale, nous fait savoir que les médecins se retrouvent en marge de cette histoire d’automédication.
Il précise que la responsabilité incombe aux pharmaciens, sous entendant par là que l’Ordre des pharmaciens est le premier concerné. Les membres de cette association n’étaient pas joignables, en dépit de notre insistance et de plusieurs appels.
Le docteur Hadjar tient à ajouter qu’«il y a, cependant, des pharmaciens conscients qui nous appellent pour demander notre avis en tant que médecin. Cela arrive le plus souvent quand on prescrit des médicaments de molécule mère et que le patient ne trouve que le générique».
Pour faire face à ce phénomène, le médecin propose des contrôles comme ceux effectués par les équipes du Caque (contrôle qualité).
«J’insiste sur le contrôle fiable car des vies pourraient être en danger si cela continue», affirme-t-il, ajoutant qu’il y a eu déjà des cas, tel que cette jeune femme qui a fait une importante hypoglycémie après qu’on lui ait administré un médicament hypoglycémiant.
Cela ne veut nullement dire que tous les pharmaciens font de même. La plupart d’entre eux évitent de vendre des anti-dépresseurs ou des médicaments neurologiques sans ordonnance, des traitements considérés comme lourds. ils sont conscients du drame qu’ils peuvent causer. Certains d’entre eux refusent, juste parce qu’ils peuvent risquer la prison.
S. B. L.