Melbou: Une statue et des interrogations

Melbou:  Une statue et des interrogations

Pour une ville martyrisée durant la guerre de libération, il est tout de même incohérent de la doter d’une statue du soldat inconnu.

Erigée juste avant la saison estivale à l’entrée ouest de la ville côtière de Melbou, la statue dite du «soldat inconnu n’en finit pas d’intriguer les visiteurs de la région, qui se laissent légitimement aller à des interrogations qui n’ont de valeur que d’illustrer «l’approximation» de la décision des autorités. Cette imposante statue du «soldat inconnu» fait même de l’ombre à celle du grand journaliste Mohamed Abderahmani érigée, elle, à une dizaine de mètres du carrefour presque invisible en sortant de la ville vers le chef-lieu de la wilaya. Contacté par nos soins, le vice-président de l’APC de Melbou, Karim Kakou, a indiqué que «la statue fait partie du projet du dédoublement de la Route nationale 43 au niveau de la ville. Elle a été décidée et prise en charge totalement par la direction des travaux publics de la wilaya». Interrogé sur la dénomination «de soldat inconnu», l’édile communal nous a orientés vers les concepteurs et le maître de l’ouvrage, tout comme le fait que le soldat porte le fusil sur l’épaule droite. Pour une ville martyrisée durant la guerre de libération, il est tout de même incohérent de la doter d’une statue du soldat inconnu. N’y a-t-il pas de valeureux martyrs dans la région pour aller en chercher un inconnu pour illustrer le passé révolutionnaire de la ville de Yemma Melbou. «C’est tout de même aberrant», jugent les visiteurs de Melbou. Quant à la famille révolutionnaire de la région, elle parle de 80 martyrs. Autant de fils sacrifiés pour le recouvrement de l’indépendance et voilà la récompense, juge-t-on sur un air désabusé.

Dans la rue de Melbou, les gens ont encore en mémoire les faits de la guerre de Libération nationale et vous parleront longtemps des exploits de leurs fils. 80 martyrs dont les ossements de certains ne sont pas encore retrouvés. Mahmoud Boukendoul, un sous-officier a péri avec ses compagnons à Djebel El Hit, dans la commune voisine, Tichy, lors d’un accrochage appuyé d’un long et furieux bombardement de l’aviation française. Markhmoukh, Merabti Amar, un sergent-chef, sont d’autres noms qui reviennent sur toutes les lèvres. «Melbou était à l’époque de la guerre de libération une zone tampon entre la Wilaya III et la Wilaya II historiques. C’est là que tous les conflits internes se réglaient entre les moudjahidine eux-mêmes et les forces d’occupation», raconte ce moudjahid comme pour expliquer toute la souffrance vécue par la population à l’époque.

L’autre remarque soulevée souvent reste le fait de ce soldat qui porte son fusil sur l’épaule droite. Une anomalie qui n’échappe particulièrement pas aux puritains de la chasse. Même un jeune sortant récemment du Service national n’a pas manqué de relever cette anomalie. «Non seulement un soldat inconnu, mais un gaucher», ironise ce jeune faisant également remarquer l’orientation de la statue vers la montagne alors qu’elle devrait l’être vers la mer là où l’ennemi avait débarqué, à l’image de celle de la ville de Béjaïa. S’achemine-t-on vers une nouvelle polémique? Pour l’instant, on en est au stade du constat. Mais le risque n’est pas à écarter sachant qu’au mois de janvier dernier, le remplacement des trois statues que compte la ville de Béjaïa s’est fait sur fond d’une large polémique, relayée par les réseaux sociaux, sur la nécessité de ce remplacement, allant même jusqu’à évoquer la qualité de la matière utilisée pour la réalisation de ces nouvelles statues. Wait and See.