Tous les ministres du Commerce ainsi que certains de leurs collègues, depuis des décennies ont prêché dans le désert durant cette période du mois sacré. Ce département n’a jamais réussi à endiguer l’inflation des prix et mettre un terme aux profiteurs de tout acabit. Ma femme s’est toujours plainte que notre budget est insuffisant durant ce mois sacré du Ramadhan du fait de la hausse vertigineuse des prix.
Je lui ai toujours dit que selon les ministres du Commerce et ceux de la Solidarité épaulés par certaines associations gravitant au niveau des sphères du pouvoir, qu’ il y aurait une maîtrise des prix. Pour vérifier cela, j’invite Mesdames et Messieurs les Membres du gouvernement à faire le marché ensemble durant ce mois sacré du Ramadhan 2015.
1.- Consacrant le principe de la tolérance, du dialogue entre l’Orient et l’Occident, principe de base de l’Islam et durant le mois sacré du Ramadhan 2015, les personnes aisées doivent sentir eux aussi les souffrances physiques et morales qu’endurent les pauvres à longueur d’année, et qui en principe devrait nous inciter à plus de solidarité- sans calcul.
Je lance un appel fraternel aux responsables algériens, aux organisations subventionnées par l’Etat c’est-à-dire par la rente des hydrocarbures de ne plus exploiter, comme par le passé, la misère humaine à des fins de propagandes politiques. Pour 2014, environ 1,6 million de familles ont été concernées ce qui donnerait selon un ratio de cinq par famille huit millions de personnes soit 20% de la population algérienne estimée à environ 39 millions d’habitants en 2014. Selon le ministère de la Solidarité, en 2015 plus de 1.4 million de familles algériennes bénéficieront des couffins du Ramadan et en prenant 5 personnes par famille soit environ 7 millions d’Algériens soit près de 18% de la population algérienne estimée à 40 millions.
Messieurs de grâce, n’humiliez pas ces pauvres gens, ne les faites plus filmer comme par le passé avec indécence, par la télévision publique ENTV, pour les couffins de ramadhan ou ces images aussi indécentes au sein de restaurants de gens à l’air hagard. Je connais d’anciens fonctionnaires en retraite, certains enseignants du primaire et du secondaire, des cadres moyens, des journalistes qui ont tout donné à l’Algérie après plus de 30 ans de carrière avec moins de 30.000 dinars par mois (je ne parlerai pas de ceux qui perçoivent toujours moins de 20.000 dinars par mois) qui par la force des choses sont contraints.
Respectez au moins leur dignité ; ils n’ont plus que cela, d’autant plus que les hydrocarbures à ma connaissance sont la propriété de tout le peuple algérien. Comme le rappelait justement un des plus célèbres économistes du XXème siècle, conseiller financier du gouvernement britannique, et négociateur des Accords de Breeton Woods de 1945, John Maynard, Keynes, je cite : » certains dirigeants confondent abusivement fonds public avec leurs fonds personnel. S’ils veulent faire œuvre véritablement de bonne charité, qu’ils le fassent sur leur propre compte bancaire « . Que chacun d’entre nous, et sans publicité fasse un don en ce mois sacré de ramadan selon ses propres moyens.
2.- Il s’agit donc d’analyser la situation socioéconomique sans démagogie, évitant les déclarations euphoriques loin de la réalité économique, vision paternaliste-bureaucratique du passé alors qu’avec Internet le monde est devenu une maison de verre, où nous assistons à un dialogue de sourd gouvernants/gouvernés confrontés à la dure réalité quotidienne. Certains responsables oublient les contradictions de leurs propres discours ce qui fait qu’ils ne sont plus crédibles ni aux yeux de la population qui a une mémoire ni au niveau international.
Un ancien ministre déclaratif maladroitement en 2013 qu’en Algérie, il n’y a pas de pauvres mais des nécessiteux, quelle différence ? Comment ne pas se rappeler cette image de la télévision algérienne où, à une question sur le taux de chômage en 2010, un Ministre affirmera que les enquêtes donnent 10/11 %, allant vers 8% et qu’un journaliste lui répliqua.: êtes-vous sûr de vos données ? Oui, répond le Ministre. Ce à quoi le journaliste répliqua sous l’œil amusé de la présentatrice, non convaincue d’ailleurs, qu’il irait faire un tour dans les quartiers d’Algérie et qu’il dirait aux chômeurs que dorénavant leur appellation n’est plus chômeur mais travailleur.
Car, comment avec un taux de croissance avoisinant 3 % entre 2000/2014, peut-on afficher un accroissement de l’emploi utile supérieur à la croissance de la population active, où le taux de croissance hors hydrocarbures est irrigué à plus de 80% par la rente hydrocarbures ? Cela contredit les règles élémentaires de l’abc de l’économie. Mais cela s’applique également aux périodes précédentes.
Comment ne pas rappeler les propos d’un ex-Premier ministre qui entre 1986/1987 clamait haut et fort que la chute du cours des hydrocarbures de 1986 ne touchera jamais l’Algérie où le pays par la suite est parti droit au mur avec la cessation de paiement. .Le ministre du Commerce de l’époque, actuellement haut responsable, après la grande pénurie que connaissait le pays après la crise de 1986, à l’ENTV avançait avec assurance que le marché était saturé selon les données en sa possession ; la présentatrice, actuellement sénatrice, lui rétorquant s’il a fait un jour le marché et que la population algérienne ne mangeait pas les chiffres.
3.-On ne décrète pas la fixation des prix, la création d’entreprises ou la création d’emplois, ce qui a abouti à des effets pervers avec une non proportionnalité entre la dépense publique, et les impacts économiques et sociaux avec un gaspillage des ressources financières. Il s’agit de ne pas confondre le tout Etat des années 1970 (solution de facilité des bureaucrates en panne d’imagination) avec l’importance de l’Etat régulateur stratégique en économie de marché concurrentielle, loin de tout monopole, ce qui suppose un degré de compétences élevés pour réguler face aux enjeux de la mondialisation, en ce monde incertain et en perpétuel mouvement augurant de profonds bouleversements géostratégiques et économiques entre 2015/2020.
Invoquer une évolution positive du revenu global, c’est ignorer cette évidence, la concentration du revenu au profit d’une minorité rentière . Car, un chiffre global a peu de significations, sans analyser la répartition du revenu national et le modèle de consommation par couches sociales.
S’agissant d’un problème aussi complexe que celui du pouvoir d’achat et de l’inflation, il me semble utile de préciser que ces phénomènes doivent tenir compte de la structure et des particularités de l’économie à laquelle ils sont appliqués, les aspects de structures de l’économie internationale, de l’économie interne résultant de l’option de la stratégie de développement économique, aux schémas de consommation générés en son sein pour des raisons historiques, d’influences socioculturelles et aux composantes des différentes forces sociales pour s’approprier une fraction du revenu national.
Car pour les petites bourses, le constat est amer. En l’absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent, comme de coutume, notamment à la veille de chaque mois de ramadhan, des fêtes religieuses ainsi qu’à l’approche des rentrées sociales, des augmentations sans précédent, les organisations censés sensibiliser les commerçants ayant peu d’impacts, prêchant dans le désert. D’ailleurs tous les ministres du Commerce ont prêché dans le désert durant cette période du mois sacré.
J’ai toujours défendu depuis des années que le ministère du Commerce est une structure de peu d’utilité et qu’il s ‘agit de l’intégrer au sein du ministère de l’Economie, les négociations pour la zone de libre échange ou avec l’OMC relevant surtout du ministère des Affaires étrangères en relation avec le Premier ministre et la présidence de la République du fait qu’elles engagent toute la société relevant de la sécurité nationale.
4.- Un taux d’inflation se calcule par rapport à la période antérieure. Ainsi, un taux faible en 2015 par rapport à un taux élevé entre 2013/2014 donne en cumul un taux élevé. Comme un taux de croissance élevé en 2015 par rapport à un taux faible 2013/2014 donne un taux cumulé faible.
En Algérie les subventions généralisées et non ciblées qui ne profitent pas toujours aux plus défavorisés, car mal ciblés, représentant avec les transferts sociaux environ 60 milliards de dollars soit 27/28%, compressent artificiellement le taux d’inflation qui peut être expliqué par quatre raisons interdépendantes. La première raison de l’inflation est la non proportionnalité entre la dépense publique et les impacts économiques et sociaux, traduisant la faiblesse de la productivité du travail. La deuxième raison liée au premier est la faiblesse d’une politique salariale cohérente privilégiant les créateurs de valeur ajoutée le travail et l’intelligence au profit d’emplois rente.
La troisième raison est l’extension de la sphère informelle qui contrôle quatre segments celui des fruits et légumes, de la viande rouge et blanche; du poisson et du textile /cuir, ce dernier à travers les importations de valises avec plus de 40%de la masse monétaire en circulation et contrôlant plus de 65% des segments des produits de première nécessité. L’allongement des circuits de commercialisation à travers leur désorganisation entre le producteur et le consommateur favorise les rentes de monopoles. La quatrième raison est l’inflation importée mais la question qui se pose pourquoi lorsque le taux d’inflation mondial va vers zéro cela ne profite ni aux producteurs ni aux consommateurs algériens.
C’est que le dérapage du dinar, paradoxe à la fois par rapport au dollar et par rapport à l’euro alors que leur cotation varie inversement, gonflant d’ailleurs artificiellement les recettes fiscales (voilant l’importance du déficit budgétaire) et le fonds de régulation des recettes calculés en dinars algériens, les taxes exorbitantes au niveau des douanes qui s’appliquent à un dinar dévalué pour entretenir notamment les couches rentières ont largement contribué à favorisé la hausse des prix.
5.-Comment ne pas rappeler cette réalité amère en ce mois de juin 2015: 98% des recettes en devises sont le fait d’hydrocarbures et que la cotation du dinar et le pouvoir d’achat des Algériens sont corrélés à plus de 70% à la rente des hydrocarbures. Avec les tensions budgétaires qui s’annoncent entre 2016/2020 dues à la chute des recettes d’hydrocarbures, il y a urgence de la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, supposant une gouvernance rénovée, réhabiliter la morale pour un sacrifice partagé , l’entreprise créatrice de richesses publique et privée nationale ou internationale et son soubassement.
A. M.
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