Messaoud Belambri, président du Snapo : « Nous demandons au ministre du Commerce de nous dévoiler le contenu du projet sur les marges »

Messaoud Belambri, président du Snapo : « Nous demandons au ministre du Commerce de nous dévoiler le contenu du projet sur les marges »

Dans cet entretien, le président du Syndicat national algérien des pharmaciens d’officine (Snapo), M. Belambri, nous évoque les préoccupations des pharmaciens, surtout celle relative aux marges bénéficiaires.

Le Snapo demande donc au ministre du Commerce de leur dévoiler le contenu du nouveau projet, qui a été promis lors des dernières réunions avec le syndicat, suite à la menace de grève brandie par les pharmaciens. M. Belambri affirme que les pharmaciens souhaitent connaître les mesures retenues et savoir s’il a été tenu compte de leurs propositions et de leurs difficultés.

Reporters : Sur instruction du ministère du Commerce, la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci) vient de prendre attache avec les producteurs locaux, tous secteurs d’activité confondus, pour qu’ils lui fournissent la liste des produits à interdire à l’importation si la production locale satisfait la demande nationale. On parle de 40 médicaments qui sont produits localement et qui sont importés. Peut-on connaître à votre niveau le nombre de médicaments qui sont produits localement mais qui sont toujours importés ?

Messaoud Belambri : Je tiens d’abord à rappeler que le secteur du médicament était le seul à appliquer la disposition d’interdiction d’importation de produits fabriqués localement et ce déjà depuis 2005. Elle a été certes difficile à appliquer et il y a eu d’énormes pressions de la part des multinationales et de l’OMC. La décision avait même été levée pendant plusieurs mois, mais le ministère de la Santé, avec l’appui du gouvernement, l’a rétablie.

Ce qui a énormément encouragé l’investissement dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, non seulement par des investisseurs locaux, mais aussi par des firmes étrangères qui sont désormais, grâce à cette courageuse décision politique, solidement implantées en Algérie. De nombreux grands laboratoires étrangers ont leurs usines maintenant en Algérie Nous rappelons également que la production locale est composée à 80% de génériques et de 20% de princeps.

Et actuellement, il y a 358 DCI interdites à l’importation, ça correspond environ à plus de 1 600 médicaments

Aujourd’hui, et vu les difficultés économiques vécues par notre pays, le gouvernement a décidé d’élargir l’interdiction d’importation à de nombreux autres produits fabriqués localement. C’est une mesure qui joue en faveur de l’économie nationale. Ceci va contribuer à rationnaliser les importations et à encourager les investissements locaux. Maintenant, les producteurs doivent s’investir dans la qualité, comme l’ont fait les producteurs en pharmacie.

Nous devons aussi préciser que l’interdiction d’importation est appliquée de manière partielle lorsque les capacités de production n’arrivent pas à satisfaire les besoins nationaux. C’est pour cette raison que vous pouvez retrouver des médicaments importés alors qu’ils sont aussi fabriqués localement, l’interdiction dans ce cas est partielle et non pas totale.

Le sujet de la pénurie de médicaments revient en actualité. On dit qu’il y a une grande pénurie sur le marché des médicaments, que ce soit des médicaments fabriqués localement ou importés. Quel commentaire faites-vous dans ce sens et que compte faire le Snapo face à cette situation ?

Effectivement, c’est une pénurie que nous ne pouvons ni nier ni cacher.

Le Snapo vient d’adresser encore une fois un courrier à ce sujet au ministre de la Santé et au nouveau Premier ministre avec une liste de produits en rupture. Nous ne comprenons pas, par exemple, pourquoi avec trois usines de fabrication d’antibiotiques injectables (Sophal Biocare et Saidal) on ne retrouve aucun de ces antibiotiques en officine, ni Amoxicilline, ni Peni G ni Gentamycine, et ce depuis maintenant plusieurs mois. Si on est livré, on reçoit 20 à 30 boîtes tous les deux à trois mois.

C’est vraiment inacceptable pour un pays comme l’Algérie. On ne retrouve pas non plus les corticoïdes injectables qui sont des produits d’urgence, pas de collyres pour la dilatation de la pupille (Skiacol Mydriaticum atropine), même pas de pommades de base comme Mycocide et tous ses génériques. Et je précise également que ces derniers sont produits localement. On attendait une entrée massive de médicaments après l’annonce du ministère concernant la signature de tous les programmes d’importation, au plus tard en février et mars passés, et là, cinq mois après, on attend toujours d’être servis.

Parfois nous avons honte d’être pharmaciens, car on ne peut honorer les ordonnances de nos malades.

On a beau essayer de trouver des explications et justificatifs à cette situation, mais rien n’y fait on ne comprend plus rien et on ne sait pas où sont passés ces médicaments tant recherchés.

Notre devoir, on le fait en tant que professionnels de santé. Et en tant que syndicat, nous alertons régulièrement l’autorité sanitaire à ce sujet, et lorsque cela nous est demandé on leur fournit la liste des médicaments en rupture.

Nous proposons d’adopter des solutions d’urgence pour palier ce grave problème, car face à la pénurie de certains produits il y a d’énormes risques sur la population, les femmes enceintes, les asthmatiques, les diabétiques et leurs complications. On ne trouve plus de Lovenox ni de Syntocinon, de Psyostatcine, de vitamine D3…

Qu’est-ce que le syndicat a programmé pour la rentrée sociale ?

Le Snapo est sur des dossiers ouverts depuis plusieurs mois, notamment celui des marges. Je rappelle que le gouvernement a répondu favorablement à la révision des marges en mars 2016 et que plusieurs CIM ont eu lieu à ce sujet. Les pharmaciens, qui souffrent maintenant depuis 1998 de la chute de leurs revenus et de la baisse de leur marge moyenne, ont demandé pendant des années à revoir les fourchettes appliquées aux marges. Une lueur d’espoir est venue donc apaiser nos inquiétudes et après la remise de nos propositions et notre participation à certaines réunions du Comité interministériel consacré à ce dossier, nous croyons savoir qu’un projet est finalement en cours d’examen final par les différents ministères concernés.

Nous demandons, aujourd’hui, officiellement à Monsieur le ministre du Commerce de nous dévoiler le contenu de ce projet, car nous souhaitons connaître les mesures retenues et savoir également s’il a été tenu compte de nos propositions et de nos difficultés, car l’impact du tiers payant et du tarif de référencé a été catastrophique sur l’économie de l’officine. Les pharmaciens ont revendiqué la révision des marges pour sortir de leurs difficultés et pour aspirer à une amélioration de la situation. Si le projet en question ne répond pas favorablement à nos inquiétudes et à nos difficultés, il sera impossible aux pharmaciens de continuer à assurer les prestations de la même façon que nous le faisons jusqu’à maintenant.

Il ne faut pas que les pouvoirs publics négligent le rôle des pharmaciens dans la couverture sociale du gouvernement et de l’Etat algérien. Encore une fois, le Snapo rappelle que si les pharmaciens doivent accomplir une prestation sociale pour le compte de la Sécurité sociale, il faudra que l’Etat leur donne les moyens d’assurer cette prestation. Il faut rappeler que les pharmaciens, au détriment de leurs intérêts, se sont fortement engagés dans le tiers payant. Ils ont contribué à l’application du tarif de référence et ont aussi largement aidé à convaincre le citoyen algérien d’aller vers le générique et le produit de fabrication locale. Le taux de 60% de production nationale a été atteint grâce à l’implication très forte des pharmaciens d’officine.

Le Snapo a toujours revendiqué un nouveau décret sur les marges pour sortir avec un texte qui tienne compte de nos difficultés et de toutes les pertes subies.

Les pharmaciens aspirent à une amélioration de leur situation et non pas à une accélération de la dégradation de leur économie, surtout que les défis sont nombreux, notamment avec la nouvelle loi sanitaire qui impose aux pharmaciens de nouvelles obligations, telles les gardes de nuit et le recrutement de pharmaciens assistants, sans oublier l’énorme poids du tiers payant qui repose entièrement sur les ressources propres des officines. Le tiers payant, qui fait l’objet aussi d’un Travail de révision avec le ministère du travail.

Un cycle de réunions avait commencé depuis juillet et va se poursuivre au cours de ce mois de septembre, là aussi, le Snapo et l’Ordre des pharmaciens ont émis un certains nombre de propositions pour améliorer le tiers payant et, par conséquent, faciliter au pharmacien la prise en charge des assurés sociaux dans le cadre du système Chifa. Nous sommes en phase de discussion, mais je vous avoue que nous ne sommes pas du tout optimistes au vu du déroulement de la dernière réunion qui a eu lieu à la fin du mois de juillet. Nous n’avons perçu aucune volonté de la part de la Sécurité sociale nous permettant d’être optimistes.

Leur seul souci reste la suppression des incitations en faveur de la production nationale. Ce qui va, inévitablement, nous faire revenir à la case départ et peut-être même à la reprise de notre mouvement de protestation. Sur un autre plan, un travail est également en cours avec les ministères concernés pour la révision de la loi sur les psychotropes et l’adoption de nouveaux arrêtés ministériels organisant sur le plan juridique et technique la gestion et le contrôle des produits psychotropes.

Il faut reconnaître qu’il y a un énorme trafic qui touche cette catégorie de produits et les pharmaciens veulent s’impliquer de manière très forte contre le détournement d’usage de ces médicaments aux cotés des services judiciaires et de sécurité. Il faut aussi sécuriser les pharmaciens et leurs assurer des conditions d’exercice dans des conditions optimales afin qu’ils puissent accomplir leur mission de manière convenable et dans la sérénité.