Le meurtre du jeune Djamel Bensmail à Larbaâ Nath Irathen ne semble pas livrer tous ses dessous. Plusieurs personnalités politiques ne sont pas convaincues par les précisions fournies hier par le Directeur de la police judiciaire. A priori, les interrogations demeurent d’actualité.
Dans une contribution publiée sur sa page Facebook, l’ancien ministre et homme politique Noureddine Boukrouh a soulevé moult interrogations quant aux dessous de cette affaire, qui restent encore suspendues. D’emblée, il a entamé sa contribution par les multiples « crimes d’État dans l’histoire contemporaine de l’Algérie », dont celui de Mohammed Boudiaf.
Un clin d’œil pour, sans doute, faire le lien avec ce qu’a enduré feu Djamel Bensmail. Pour lui, « l’inexplicable et l’inadmissible dans l’affaire, c’est que les faits se sont déroulés à quelques mètres de l’entrée du commissariat de police, sous les yeux indifférents de plusieurs policiers ».
La version officielle a « laissé sur sa faim l’opinion publique »
Une indifférence et inertie justifiée ensuite par des ordres « des plus hauts responsables nationaux de la DGSN qui auraient ordonné ce retrait soi-disant pour ne pas causer de plus importantes pertes, ce qui veut dire que celle de Djamel était concédée avant d’être actée », a-t-il encore analysé.
Or, l’homme politique estime que les éclaircissements apportés hier dimanche par le directeur de la police judiciaire sur les circonstances dans lesquelles a été assassiné le jeune artiste « ont laissé sur sa faim l’opinion publique qui a vu sa curiosité légitime se transformer en certitude qu’il y a du louche, que c’est une ‘’bavure’’, une mauvaise évaluation des choses, ou même un crime d’État ».
D’ailleurs, il trouve que la version dudit responsable « contredisait le communiqué délivré par le Parquet quelques jours plus tôt et valait reconnaissance de la responsabilité de la police dans ce meurtre du commissariat de la daïra au « commandement supérieur » évoqué par le directeur ». Plus loin, les justificatifs « fournis pour justifier l’inaction de la police qui a assisté du début à la fin au lynchage sans esquisser le moindre geste dans ce ‘’flagrant délit’’, sont irrecevables », a-t-il encore ajouté.
« La police a livré Djamel Bensmail à la foule »
À ce propos, Boukrouh ajoute que les éléments de la sureté présents sur place auraient pu intervenir et sauver la vie de Djamel qui était pourtant sous leur responsabilité. « Deux ou trois rafales tirées en l’air auraient suffi pour mettre fin à l’expédition meurtrière et disperser la foule » qu’il a estimé constituée « d’adultes à l’aspect ordinaire, sérieux et responsable ».
De surcroit, l’attitude du regretté Djamel Bensmail au moment même de sa mise à mort confirme, selon Boukrouh, qu’il était innocent. « Il n’était pas en proie à la peur ou à la panique comme l’aurait été n’importe qui d’autre à sa place », a-t-il constaté. En revanche, « s’il avait été coupable, son attitude aurait été autre, il se serait effondré en larmes et sollicité le pardon ».
Tout cela pour arriver à la conclusion que « la police a livré Djamel Bensmail à une foule persuadée qu’elle était autorisée à assouvir ses envies meurtrières ». Surtout si l’on prend en considération « le droit, la loi et le sens moral » qui obligent « aux forces de l’ordre présentes sur les lieux d’empêcher ce crime par tous les moyens, au péril de leur vie ».
Les policiers avaient tous les moyens pour protéger la victime, selon Boukrouh
L’intervenant estime, toujours dans le même contexte, que les policiers ont tous les moyens d’intervention en leurs mains pour la protection de la victime, à titre d’exemple, « en tirant à balles réelles sur quiconque se serait opposé à elles dans l’exercice de leurs fonctions, et même si l’opération devait se solder par des victimes ».
Ou encore ne serait-ce qu’en se tenant debout avec des armes à la main et en « affichant leur résolution à faire usage de leurs armes au besoin (…) en attendant l’arrivée de renforts de police ou de gendarmerie à supposer que cela fut nécessaire ».
Autrement dit, accuse encore l’ancien ministre algérien, « la police a, du sommet à la base, laissé commettre sous ses yeux et ceux du monde un lynchage barbare ». La police a donc « choisis de sacrifier un jeune homme de 34 ans venu faire du bien, de trahir son serment de défendre en toutes circonstances la loi, l’ordre et la sécurité des biens et des personnes ».
Par son attitude, ce corps de sécurité a carrément choisi « de rendre l’État complice d’un crime d’État sans raison d’État, sauf à croire à la théorie défendue par certains selon laquelle il s’agirait d’une opération destinée à faire d’une pierre deux coups : se débarrasser d’un « hirakiste », et imputer le crime au MAK », a encore analysé Boukrouh.