Migration: L’Espagne et le risque de la leçon italienne

Migration: L’Espagne et le risque de la leçon italienne

Par Bruxelles: M’hammedi Bouzina Med

Migration: L’Espagne et le risque de la leçon italienne
L’Espagne est devenue le premier pays d’arrivée des migrants du Sud. L’UE réagit avec un chèque de 35 millions d’euros pour l’aider. Est-ce suffisant, efficace, sérieux? L’Italie est passée par là et a fini avec un gouvernement d’extrême droite.

Après la Grèce et l’Italie, c’est donc l’Espagne qui est devenue la principale porte d’entrée des migrants (irréguliers) en Europe. Plus de 23.500 arrivées depuis le début de cette année contre quelques 16.000 pour l’Italie et 13.000 pour la Grèce disent les statistiques européennes. Et comme pour la Grèce et l’Italie auparavant, la Commission européenne ouvre sa bourse et attribue quelques 35 millions d’euros à l’Espagne de subvention et puis c’est tout. Pour le reste, que l’Espagne se débrouille avec le problème.

Comme ça a été le cas pour l’Italie et la Grèce et bien sûr l’Allemagne, les pays d’Europe centrale et orientale etc. Nonobstant le constat du désarroi de l’Europe face au problème de la migration, il est clair qu’elle n’a, à ce jour, ne serait-ce qu’un «projet« sérieux de traiter collectivement la question migratoire. L’Europe réagit à chaque pic ou crise migratoire de manière atavique et basique: l’argent pour les pays en premières lignes d’accueil. L’expérience des années précédentes où le recours à la seule solidarité financière ( limitée par ailleurs) avec le ou les pays de premières lignes d’accueil a démontré ses limites et son inefficacité et surtout éprouvé les fragiles équilibres politiques avec la montée des populismes et de l’extrême droite.

Du coup, l’Espagne dont le système politique est menacée par la question catalane et dont le gouvernement vit une cohabitation avec un nouveau premier ministre socialiste sans majorité parlementaire risque de basculer très vite au mieux dans les bras d’un coalition de droite et de nationalistes durs , au pire dans une alliance populiste et anti-immigrés. L’Espagne vit encore avec un taux de chômage élevé par rapport au reste de l’Europe (14% contre 8,9 %), affronte une crise institutionnelle et politique par rapport à la question catalane et va supporter le plus d’arrivée de migrants du sud méditerranée et de l’Afrique subsaharienne en particulier.

Les ingrédients pour un déstabilisation du fragile équilibre politique espagnol. Ainsi, les crises ou la crise des «flux migratoires« se répète en se déplaçant d’un point cible à un autre des pays sud européens et l’Union européenne répète elle aussi les mêmes colmatages et erreurs.

Le constat est implacable: malgré les discours des responsables européens et des différents chefs d’Etats et de gouvernements, l’Europe n’a ni politique commune migratoire, ni même un projet dans ce sens. Chacun pour soi. Les pays de l’Europe de l’Est l’ont compris dès le départ et ont instaurer des régimes draconiens jusqu’à élever des barrières en murs et barbelés à leurs frontières, défiant les appels et ordres de Bruxelles. Les menaces de la Commission européennes et même du Conseil européen sont restés lettre-morte et sans conséquences aucune tant au plan politique (européenne) qu’économiques sur leurs pays respectifs. Face à la mollesse de «l’autorité» de Bruxelles, d’autres pays cette fois-ci de l’Europe de l’Ouest, y compris membres fondateurs de l’UE, ont pris le pas sur ceux des pays de l’Est. Ainsi l’Autriche et l’Italie à titre d’exemple se sont offert des gouvernements d’obédience nationaliste, populiste et extrémistes et édifient à leur manière des barrières à leurs frontières contre l’arrivée de migrants.

L’Allemagne a revu à la baisse sa «générosité« pour les migrants sous la pression des nationalistes dont l’extrême droite a fait son entrée «historique» au Bundestag ( parlement) pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Ces leçons qui explosent sous la pression migratoire les consensus politiques dans les différents pays européens ne semblent pas être retenues par l’Union européenne puisque aujourd’hui elle ne trouve pas d’autre alternative pour l’Espagne que quelques dizaines de millions d’euros.

Toutes les propositions de partage, de quotas, de solidarité face aux flux incessant de migrants sont ignorées, abandonnées par les Etats membres de l’UE. Et que dire des politiques de coopération sur cette question avec les pays tiers de transit ou d’origine des migrants? A ce jour la seule proposition est encore une fois quelques millions d’euros contre leur engagement comme portiers, gardes frontières de l’Europe.

Les pays tiers notamment ceux du sud-méditerranée l’ont compris et aussi compris l’obsolescence et le ridicule d’une telle proposition et refusent dans leurs majorité cette proposition infamante et inutile. Seule la Turquie d’Erdogan fait exception en s’érigeant en barrage conte les flux de migrants syrien, irakien, afghan etc. conte un chèque de 06 milliards d’euros. Mais la Turquie ne tire pas qu’un chèque conséquent de l’UE, elle use de cette question comme argument politique et stratégique pour ses propres intérêts dans la région et de négociations diverses avec l’UE.

Partant, l’aide financière à l’Espagne insignifiante face à la gravité du problème migratoire n’est ni appropriée, ni tenable sur le moyen et long termes et risque au contraire de bouleverser la donne politique dans ce pays au profit de courants nationalistes , voire extrémistes. Le risque est réel et si par malheur l’UE continue dans sa logique du chacun pour soi, ce n’est pas l’Espagne seule qui payera la note politique, mais toute l’Europe, pays après pays. Effrayantes perspectives pour la paix et la stabilité des peuples d’Europe. Quant aux africains et autres pays pourvoyeurs de migrants, ils n’ont plus rien à perdre ou à espérer…de l’Europe.