Les résultats du scrutin législatif de jeudi dernier ont montré le fossé que les partis politiques, surtout ceux de la mouvance démocratique, ont creusé entre eux et le peuple. Fragilisés par les luttes intestines de leaderships et minés par les dissensions organiques, ils se sont coupés de la société à l’écoute de laquelle ils doivent être et sur laquelle ils sont censés étendre leur ancrage.
Le FLN, bien qu’il ait raflé la majorité relative, soit 164 sièges, a enregistré un échec cuisant avec la perte de plus de 50 sièges par rapport à 2012. Ce recul s’explique par les nombreuses turbulences qu’a traversées le parti durant ces dernières années. De Belkhadem à Ould Abbès en passant par le sulfureux Saâdani et avant lui Belayat, le FLN a connu, en l’espace d’une magistrature, trois secrétaires généraux et un coordinateur du bureau politique. Ce qui renseigne largement sur la mauvaise santé du vieux parti. A cela s’ajoutent les différentes déchirures. Le FLN compte au moins deux ailes contestataires parmi ses rangs, chapeautées justement par d’anciennes figures à la tête du parti. Ces fractures ne pouvaient que s’étendre à l’électorat.
Contrairement à son rival dans la coalition présidentielle, le RND a su garder la cohésion de ses troupes, en dépit de quelques voix discordantes. Le RND s’est vu crédité de 97 sièges, une progression de près de 50% rapport à la dernière législature.
La catastrophe est plus importante au sein de l’opposition dont les scores insignifiants les dépourvoient de toute force d’action. Le Front des forces socialistes (FFS), principal parti d’opposition, s’est vu crédité de 14 sièges, soit la moitié du résultat réalisé lors de la dernière législature, en 2012. Une véritable chute. Le Parti des travailleurs (PT) de Louisa Hanoune, n’a également pu décrocher que 11 sièges, soit 13 sièges de moins par rapport aux législatives de 2012. L’autre parti de ce qu’on appelle la mouvance démocratique, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a, quant à lui, pris une vraie raclée. Absent de la dernière APN, il arrive en bas d’échelle en 2017 avec seulement 9 sièges. Le parti de Mohcine Belabbas, sauf alliance ou décision fatale de démission, siègera cinq années sans pouvoir constituer un groupe parlementaire, qui ne peut être constitué qu’à partir de 10 sièges.
Les perdants évoquent la fraude pour expliquer et justifier leur défaite. Mais on ne peut mettre l’abstention, près de 62%, sans compter les plus de 2 millions de bulletins nuls, sur le compte de la fraude. L’abstention est la preuve de l’échec de tous les partis, sans exclusion et quel que soit le nombre de sièges obtenus ou «volés». En effet, au-delà de l’arithmétique des sièges décrochés par ces partis, des observateurs initiés, notamment en Kabylie où le FFS et le RCD se disent implantés, ont évoqué le risque de voir des candidats dissidents de ces deux partis glaner des sièges dans la future Assemblée populaire nationale. C’est ce qui est arrivé puisque à Béjaïa et Tizi Ouzou, où 4 de ces dissidents ont été élus. Cette donne politique devrait, à la fois, surprendre les militants de leurs anciennes structures et chambouler l’agenda des leurs dirigeants respectifs. Pas seulement. L’élection d’indépendants doit interpeller tous les politiques. Car si, des «sans partis» ont été élus, cela veut dire que les partis ont perdu leur raison d’être aux yeux de nombreux électeurs, et de la majorité des abstentionnistes. Bien que ces formations politiques tentent de justifier l’échec par différents arguments, «participation politique» et non «numérique» et autres, ces résultats, loin des attentes, illustrent le profond fossé qui s’est creusé entre la population et les politiques. L’échec des partis se traduit également par le fait qu’ils ont battu le record des querelles internes, exclusions de cadres et militants et surtout l’absence de débat démocratique au sein des structures légales de ces formations. Peu importe le nombre de sièges quand on sait que leur propre électorat a préféré un déçu du parti au candidat désigné. Le choix de ces militants est certainement dû à leur mécontentement pour des décisions non consensuelles, des désignations de candidats inadéquats, des critères de choix non définis…
La situation est pour le moins grave. Quand les partis perdent en crédibilité, c’est le politique et la politique qui sont mis en cause, et le mode de gouvernance, ce qui ouvre la voie à la dictature de la majorité qui est élue par une minorité parce que les citoyens ont refusé de s’impliquer dans une élection où ils ne trouvent personne digne de les représenter. Et au lieu de faire leur autocritique, voire leur mea culpa, les partis s’égosillent à dénoncer la fraude qui les a privés de sièges moelleux et avantages matériels. Pis, ils endossent la responsabilité de leur échec à ceux-là même dont ils se sont coupés, les abstentionnistes. Plus que jamais, ils doivent revoir leur gestion organique et politique à l’intérieur des structures. Ils doivent dépasser les querelles internes et revoir leur vision de l’action politique, s’ils entendent reconquérir leur place au sein de leur société. Il s’agit de l’avenir de toute la société, d’un pays.