L’armée irakienne et des milices chiites tentaient hier de préparer une contre-attaque après la prise de Ramadi par le groupe Etat islamique (EI), un revers d’envergure pour le pouvoir irakien soutenu par la coalition menée par les Etats-Unis.
Des véhicules de miliciens chiites convergeaient vers la ville stratégique, qui a fini par tomber aux mains des terroristes djihadistes après des mois de combat. Ces miliciens doivent apporter leur soutien aux forces gouvernementales, qui ont déserté avant-hier leurs dernières positions, notamment le QG militaire de la province d’Al-Anbar, la plus grande du pays.
Pour Bagdad, la perte de Ramadi est le revers le plus important depuis le début de l’offensive lancée à la fin de 2014 pour reconquérir les larges pans de territoires conquis par l’EI.
L’issue de ces combats démontre a contrario la capacité du mouvement terroriste à mener bataille sur plusieurs fronts, que ce soit en Irak ou en Syrie, où il a lancé ces derniers jours une offensive sur Palmyre (centre).
Le Premier ministre irakien Haider Al-Abadi, les Etats-Unis et les chefs locaux d’Al-Anbar s’étaient montrés jusqu’à présent réticents à déployer des milices chiites – certaines d’entre elles sont soutenues par l’Iran – dans cette province, et ce par crainte de s’aliéner sa population, majoritairement sunnite.
Les chefs des milices chiites ont déclaré hier que la perte de Ramadi démontrait que le gouvernement ne pouvait se passer des Unités de mobilisation populaires (Hachd al-chaabi), qui regroupent les milices et les groupes de combattants volontaires.
Hadi Al-Ameri, chef du groupe paramilitaire Badr, a ainsi regretté que le pouvoir n’ait pas saisi, avant, son offre de service. Il « tient pour responsables les représentants d’Al-Anbar de la chute de Ramadi parce qu’ils ont contesté la participation du Hachd al-chaabi à la défense de leur propre peuple », a indiqué la chaîne de télévision de Badr, Al-Ghadeer.
Plusieurs milices ont annoncé avoir des unités déjà présentes dans cette province, notamment dans les villes de Falouja et Habbaniyah, et prêtes à se rapprocher de Ramadi pour y combattre l’EI.
Un porte-parole de l’une d’elles, Ketaeb Hezbollah, a ainsi affirmé que des combattants pouvaient faire route depuis trois directions. « Demain, si Dieu veut, ces renforts vont rejoindre Ramadi et le début des opérations pour nettoyer la zone récemment conquise par Daech (acronyme arabe de l’EI) sera annoncé », a déclaré Jaafar Al-Husseini.
Les terroristes djihadistes ont lancé leur offensive jeudi et vendredi en provoquant la panique avec une série d’attentats suicide dans les quartiers contrôlés par le pouvoir.
Après trois jours de combat, qui ont fait au moins 500 morts parmi les civils et les membres des forces gouvernementales selon des responsables provinciaux, ils ont hissé, dimanche, le drapeau noir de l’EI sur les principaux bâtiments publics.
Environ 24 000 personnes ont fui la ville, d’après l’Organisation internationale des migrations (OIM). Le Pentagone a souligné dimanche soir que la situation restait « mouvante et disputée » à Ramadi et a prévenu qu’une chute de la ville ne modifierait « pas le cours des évènements » même si elle pouvait servir la propagande de l’EI.
« Si Ramadi est perdue, cela signifie seulement que la coalition devra soutenir les forces irakiennes lors de leur reconquête, plus tard », a déclaré Elissa Smith, une porte-parole du Pentagone.
Les Etats-Unis mènent depuis août 2014, à la tête d’une coalition internationale, une campagne de frappes aériennes quotidiennes contre les positions de l’EI en Irak, mais refusent de déployer des troupes au sol.
Haider Al-Abadi a affirmé dimanche que la coalition fournissait « un appui aérien continu » afin d’aider « les troupes au sol à tenir leurs positions, en attendant l’arrivée d’autres forces en renfort et de combattants des Unités de mobilisation populaire ».
Pour cela, le Premier ministre a rencontré dimanche le chef du Centre de commandement américain, le général Lloyd Austin, tandis que le ministre iranien de la Défense, Hossein Dehghan, est arrivé hier à Bagdad pour y rencontrer son homologue.