«La gratuité de l’enseignement, l’accès aux soins et le statut de la femme sont des acquis irréversibles» de la société tunisienne, selon le Premier ministre.
Démissions, fuite et départs à la retraite: la rue tunisienne presse les dirigeants du pays à mettre fin à leur carrière politique. Après la déchéance de Zine El Abidine Ben Ali du pouvoir, la démission de ses ministres du gouvernement et de leur parti RCD, c’est au tour du Premier ministre Mohamed Ghannouchi d’annoncer son retrait de la vie politique. Après 11 ans à la tête du cabinet sous le règne de Ben Ali, le Premier ministre tunisien de transition s’est engagé à mettre fin à sa carrière politique dans les prochains mois, soit après cette période de transition
«Après la transition, je me retirerai de la vie politique», a-t-il promis dans une interview accordée à la télévision tunisienne et qui a été diffusée vendredi soir. Après le départ du président déchu, son maintien à la tête de l’Exécutif est «provisoire».
Selon ses dires, il s’engage, durant cette période, à accomplir son devoir envers son pays et faire ses valises une fois que le pays aura retrouvé sa stabilité. «Mes responsabilités sont provisoires», a insisté M.Ghannouchi, soulignant qu’il avait pour seul et unique objectif de remettre le pays sur les rails, sur les plans sécuritaire et économique.
Dans ce message, à travers lequel il tente de calmer la rue, M.Ghannouchi a annoncé qu’il n’a aucune ambition politique et qu’il ne se présentera pas à l’élection présidentielle qui aura lieu dans six mois.
«Et même si on me propose d’être candidat, après la période de transition, je prends ma retraite.» Le Premier ministre juge que la Tunisie dispose d’un réservoir riche de compétences qui pourront diriger le pays. «Nous avons assez d’hommes capables et compétents» pour diriger le pays, a-t-il ajouté.
A propos de l’élection présidentielle, M.Ghannouchi annonce que son pays a intérêt à réussir cette transition. Il s’engage, ainsi, à assurer une élection libre, transparente et démocratique. «Nous n’avons pas le droit de ne pas réussir des élections transparentes, c’est le défi. Nous devons montrer au monde que nous sommes un pays civilisé», a-t-il dit.
A en croire la déclaration du Premier ministre, le gouvernement et l’administration centrale ne favoriseront aucune liste et resteront neutres. Comme première démarche, il annonce la réforme de toutes les lois antidémocratiques et qu’aucun parti politique ne sera exclu. Il a évoqué, tour à tour, l’actuelle loi électorale qui bannit certains partis politiques, la loi antiterroriste qui a servi de prétexte pour jeter en prison des centaines de jeunes soupçonnés de menacer la sécurité du pays au motif qu’ils consultaient des sites islamistes, et le Code de la presse qui permettait de contrôler très étroitement les médias.
La même source a jugé qu’autant de mesures serviront à garantir «des élections transparentes et démocratiques, les premières depuis l’Indépendance». Lors de cette sortie médiatique, l’interviewé n’a avancé aucune date concernant la tenue des élections. Pour lui, aucune date n’a été arrêtée jusqu’à présent. «Je ne peux pas répondre sur la date. Le plus tôt sera le mieux…», s’est-il suffi de dire. Selon la Constitution tunisienne, une élection présidentielle est annoncée dans un délai de 60 jours après déclaration de la vacance du poste de président de la République. Pour diverses raisons, le gouvernement a jugé utile d’allonger ce délai jusqu’à six mois. Par la même occasion, le Premier ministre a rassuré les Tunisiens que l’Etat ne renoncera pas à la gratuité de l’enseignement, l’accès aux soins et ne touchera surtout pas le statut de la femme, qui interdit la polygamie. Pour le Premier ministre, il s’agit «d’acquis irréversibles» de la société tunisienne.
Concernant l’indemnisation des victimes de la «révolution de jasmin», il a assuré que les familles des victimes «seraient indemnisées», du fait qu’elles «avaient consenti des sacrifices qui nous ont permis de faire un virage à 180 degrés». L’occasion s’est offerte pour M.Ghannouchi de revenir sur 11 ans de responsabilité sous le règne de Ben Ali.
Se démarquant de la politique césariste de son ancien président, il a reconnu qu’il «avait peur comme tous les Tunisiens». Et d’avouer que le gouvernement n’avait aucune parole à cette époque et que le premier et le dernier mot revenait à M.Ben Ali. Pendant les Conseils des ministres qu’il présidait à son Palais de Carthage, près de Tunis, «Ben Ali parlait tout le temps, il parlait à lui-même, se convainquait lui-même, et nous partions sans avoir discuté. J’ai été tenté à plusieurs reprises de laisser tomber, mais je subissais la pression de plusieurs personnes qui me demandaient de ne pas renoncer», a-t-il avoué.
Enfin, le Premier ministre a annoncé, au sujet des avoirs gelés de la famille Ben Ali et de celle de son épouse Leïla Ben Ali, qu’une fois que la justice se serait prononcée sur les responsabilités, ils seraient «restitués au peuple de Tunisie».
Tahar FATTANI