Mohamed Loukal a présenté, hier, devant les députés le projet de loi organique modifiant et complétant la loi organique 18-15 relative aux lois de finances. S’exprimant lors d’une séance plénière de l’Assemblée populaire nationale (APN), en présence du ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, Mohamed Loukal a d’emblée donné le ton : «Ce projet de loi propose la séparation du régime fiscal du secteur des hydrocarbures. »
Plus précis, il soutiendra que « le contenu du projet d’amendement, qui propose la révision de l’article 18 de la loi actuelle, énonce que seules les lois de finances prévoient des dispositions relatives à l’assiette, aux taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature ainsi qu’en matière d’exonération fiscale». Toutefois, et dans l’objectif de permettre au projet de loi sur les hydrocarbures de prévoir des dispositions fiscales, « le ministre de l’Energie a proposé l’amendement de cet article en permettant au secteur des hydrocarbures de posséder sa propre fiscalité et en séparant cette dernière des lois de finances ». Et d’enchaîner dans le même ordre d’idées, pour être plus explicite face aux députés très interrogatifs sur le texte de loi, le ministre a noté qu’il est question d’un nouvel alinéa rajouté à l’article 18, énonçant que « le régime fiscal applicable aux activités à venir liées au secteur des hydrocarbures pourrait être introduit à un statut particulier, en excluant les dispositions relatives aux exonérations fiscales ». S’agissant des activités concernées par ces nouvelles dispositions, elles englobent notamment l’exploration, l’exploitation et la production. Aussi, et pour étayer ses dires, le ministre fera observer que « cet amendement aura à renforcer le rôle de Sonatrach en sa qualité d’opérateur économique dans le développement du pays, à travers l’introduction de la flexibilité nécessaire dans ses négociations avec ses partenaires étrangers en vue de relancer les activités de prospection et d’exploration en stagnation depuis des années ». Concrètement parlant, le ministre soutiendra que
« la négociation des partenaires de Sonatrach directement avec la société nationale, sur les détails de la fiscalité appliquée aux contrats de partenariat dans les domaines de prospection et d’exploration, leur donnera la confiance et mettra fin à la bureaucratie dans ce domaine ».
Lors des débats ayant succédé à la présentation du ministre, les députés se sont montrés plus que sceptiques par rapport à la perspective de la séparation du régime fiscal du secteur des hydrocarbures. Ils se sont même déclarés inquiets. Et les critiques n’ont pas manqué de fuser des députés du Front de libération nationale en premier. « Nous craignons une instabilité législative consacrée par cet amendement. A nos yeux, elle pourrait entraver l’investissement en Algérie», a soutenu Soumia Khelifi, député du FLN. Benlakhdar Naoum, également député FLN, a exprimé la même inquiétude en avertissant sur « l’instabilité politique et économique qui découragera certainement les investisseurs ». « Nous appelons à la nécessité d’adopter une vision économique réelle et prospective». De son côté, le tonitruant député FLN d’Alger, Lyes Saâdi, n’a pas manqué d’exprimer tant sa colère que sa tristesse face au texte de loi en question : « Je suis stupéfait du changement permanent des législations, leur présentation rapide ne laisse pas aux députés suffisamment de temps pour les examiner». «C’est une sorte de frustration permanente chez les députés », a-t-il insisté. Pour le Rassemblement national démocratique (RND),
Hakim Berri a d’entrée lancé : «L’amendement proposé consacre l’instabilité de la législation algérienne et le manque de prospection. » Un autre député RND, qui lui emboîtera le pas, Lakhdar Sidi Athmane, a souligné l’existence « d’ambiguïtés au sein de cet amendement qui rendent difficile sa compréhension ». Dans le même temps, Sidi Athmane soutient que « le régime fiscal est un ensemble complémentaire indissociable, d’autant que le nouveau projet de loi sur les hydrocarbures propose plusieurs exceptions qui pourraient déboucher sur des exonérations fiscales ». Et d’interroger : «Quid de l’état de la coordination entre les ministères de l’Energie et des Finances sur le premier amendement qui a concerné la loi organique des lois de Finances l’année dernière ? » Des députés indépendants ont également critiqué le texte de loi. C’est notamment le cas de Badra Ferkhi, qui s’est interrogée sur la logique de l’amendement d’une loi, une année après sa modification. «Nous sommes étonnés de l’improvisation et du manque de prospection chez le gouvernement ».
Nadia BELLIL