L’annonce de la reprise des rencontres de concertations avec les acteurs politiques, économiques et sociaux obéit à ce principe et intervient suite aux différentes évaluations et à l’analyse que nous avons faites au sein de nos instances dirigeantes (conseil national et direction nationale).
Je précise qu’il ne s’agit pas uniquement de reprendre contact avec les acteurs politiques, les associations et les syndicats, car le dialogue fait partie de nos activités ordinaires et de notre culture : il s’agit de rencontres d’échange et de concertation sur la situation actuelle du pays et sur le projet de reconstruction d’un consensus national. Dans les prochains jours, nous allons établir un agenda de rencontres avec les différents acteurs, et nous sommes en train de l’affiner. Nous avons tiré toutes les conclusions de nos précédentes rencontres et j’espère que la prochaine étape nous permettra d’avancer dans notre projet.
En lançant votre initiative, vous avez admis que la tâche n’était pas du tout facile. Aujourd’hui, des observateurs estiment que votre projet est voué à l’échec. Que répondez-vous ?
Je tiens d’abord à vous rappeler que notre projet de reconstruction d’un consensus national a été bien accueilli dans la société et par la population. Au moment où les diversions et les campagnes d’intoxication et de matraquage médiatico-politique prenaient le dessus, nous avons réussi à imposer les vrais termes du débat sur la scène politique et à redonner à la politique ses lettres de noblesse. Actuellement, même si chacun l’interprète comme bon lui semble, le concept de consensus est sur toutes les lèvres, ce qui est une réussite en soi.
Pour revenir à votre question, certes, l’absence d’une volonté politique du pouvoir, les intérêts des clans, les visions et les calculs étriqués de certains et les archaïsmes des autres se dressent encore contre notre démarche, mais face au refus et aux manœuvres des uns et à la résistance des autres, nous demeurerons convaincus que la seule solution à la crise multidimensionnelle qui touche notre pays ne peut trouver une issue que dans un dialogue responsable et inclusif ; en un mot dans la reconstruction d’un consensus national.
Nous cherchons une sortie de crise pacifique et négociée. Il faut un sursaut patriotique pour aller vers une nouvelle ère de démocratie et d’Etat de droit. Notre initiative s’inscrit dans le cadre du combat que mène le FFS depuis sa création en 1963. On savait que la tâche n’allait pas être facile, mais nous voulons aller vers un changement dans un cadre organisé, pacifique et graduel, en y associant l’ensemble des Algériennes et des Algériens. Notre projet n’est pas une initiative conjoncturelle mais un projet qui découle de convictions profondes et d’une situation dangereuse tant sur le plan interne qu’au niveau régional et international.
Nous allons explorer toutes les pistes pour le réussir. La situation actuelle exige, plus que jamais, la reconstruction du consensus national, car il y va de l’avenir du pays, de la pérennité de l’Etat, de l’unité nationale et de la cohésion sociale. C’est dans le dialogue et l’union que nous devons essayer d’arrêter ensemble les objectifs à atteindre en vue de mettre en place un véritable Etat de droit et établir les règles du jeu démocratique.
En constatant un changement de position de leur part, vous avez qualifié les partis du pouvoir, le FLN et le RND en l’occurrence, de «fonctionnaires politiques du système». Maintenez-vous toujours ce qualificatif ?
Plutôt, nous souhaitons que chaque parti évolue dans ses positions et mette l’intérêt de l’Algérie au-dessus de tout. On essaye de convaincre tous les partenaires politiques pour aller vers la démocratie et l’Etat de droit dans la continuité des messages de Novembre et de la Soummam.
Vous retirez donc vos critiques à l’égard de ces partis ?
Il ne s’agit pas de critiquer mais de militer pour construire un Etat de droit. On est en train de faire un travail colossal avec la société civile, les partis politiques, les syndicats. Nous sommes prêts à écouter et dialoguer.
Le FLN a lancé récemment une initiative politique pour la constitution d’un front de soutien au chef de l’Etat. Avez-vous reçu une invitation officielle de sa part ?
Nous venons de recevoir le document.
Et que pensez-vous de cette initiative ?
Nous sommes en train de l’étudier au niveau de la direction nationale du parti. Il y aura une suite à donner que nous allons communiquer dans les prochains jours.
Dans ce contexte politique délétère, 19 personnes ont secoué la scène politique nationale en adressant une demande d’audience au chef de l’Etat. Quel regard portez-vous sur cette démarche ?
Nous respectons les positions de chacun. Chacun est libre de faire ce que bon lui semble. Nous n’avons pas le droit de nous y opposer. Quant à nous, nous avons une autre approche pour résoudre la crise. Nous avons notre propre programme et agenda, sinon je n’ai pas de commentaire à faire sur la démarche des 19. Nous sommes en train d’agir à notre façon pour rassembler les Algériens autour d’un consensus national et la construction d’un Etat de droit.
Mais ne pensez-vous pas qu’il s’agit d’une manière détournée de demander l’application de l’article 88 de la Constitution ?
Je ne peux pas répondre à cette question. C’est à eux de s’exprimer par rapport à cela. Nous ne connaissons pas les tenants et les aboutissants de cette démarche. Nous ne connaissons pas également les objectifs des signataires de la lettre.
L’Instance de concertation et de suivi de l’opposition (Isco) va organiser bientôt son deuxième congrès après celui de Zéralda auquel votre parti avait pris part. Allez-vous participer à ce 2e congrès ?
Je dois rappeler que nous avons répondu, par esprit de consensus, à une invitation à la rencontre de Zeralda où nous avons présenté notre approche et exposé notre point de vue par rapport à la situation du pays. Nous avons une approche différente pour sortir de la crise.
Vous n’avez pas répondu à notre question. Si on vous invite au 2e congrès…?
Chaque chose en son temps.
Cette opposition réclame une période de transition et une élection présidentielle anticipée…
Nous avons déjà dit que les élections ne régleront rien dans la situation actuelle. Pour nous, l’élection doit être l’aboutissement d’un processus. On doit se mettre d’abord d’accord sur l’essentiel. Nous avons organisé plusieurs élections qui n’ont rien réglé.
Il faut que les élections soient l’aboutissement d’un processus où seront mises en place les règles du jeu démocratique. La situation exige qu’on doit se mettre d’accord sur l’essentiel à travers un dialogue national sans exclusion. Il y a plusieurs points à mettre au clair sur le plan économique, social et politique. Il faut un processus qui passe par la reconstruction d’un consensus national.
Toujours dans le chapitre des élections, le chef de l’Etat a annoncé dans son dernier message la constitutionnalisation d’une commission indépendante de surveillance des élections. Que pensez-vous de cet instrument ? Mettra-t-il fin à la fraude électorale ?
Organiser des élections sous le même système mènera indéniablement vers les mêmes résultats. Il faut d’abord changer le système, garantir l’indépendance de la justice, la liberté d’expression pour prétendre organiser des élections dans de bonnes conditions.
Pour le moment, on n’a rien vu de concret pour en juger. Il faut une volonté politique afin d’aller vers un changement avec des signaux forts de la part du pouvoir en place.
Que faut-il alors ?
On doit passer par un dialogue et une concertation afin d’établir des règles du jeu dans la continuité de l’Etat. On n’est pas actuellement dans ce schéma. Il faut d’abord une volonté politique de tous pour le changement du système. Il faut se mettre d’accord sur les fondamentaux avant d’arriver à l’organisation des élections.
Dans une intervention récente, le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, a remis en cause la position officielle par rapport au dossier du Sahara occidental. Un commentaire ?
Sur le plan international, nous adhérons aux positions officielles de l’Etat algérien et nous sommes pour le règlement du conflit conformément aux résolutions de l’ONU. Les positions personnelles de Saâdani n’engagent que lui.
On vous laisse le soin de conclure…
Depuis la fondation du FFS, nous militons pour la préservation de l’Etat-Nation et la construction d’une alternative démocratique où la volonté populaire sera la seule et véritable source de pouvoir. Il ne suffit pas de la transcrire sur les Constitutions successives, mais il faut l’appliquer sur le terrain pour qu’elle devienne non pas un slogan mais une pratique démocratique qui guidera la société et l’Etat dans toutes ses composantes et dans toutes ses actions.
Notre initiative de reconstruction du consensus national est une conviction profonde, prônée par le parti depuis sa création. Nous allons continuer à militer pour l’avènement d’une nouvelle ère et d’une IIe République. Ce que recherche le FFS est la construction d’un véritable Etat de droit. Il s’agit du devenir de l’Algérie et de l’avenir des générations futures.
Entretien réalisé par
Karim Aimeur