Moins visible, la crise migratoire en Europe n’en reste pas moins d’actualité

Moins visible, la crise migratoire en Europe n’en reste pas moins d’actualité

Moins médiatisée, la crise migratoire n’est pas moins aigüe qu’en 2015. En atteste l’augmentation de 17 % des arrivées en Europe en 2016. Éclairage avec Céline Schmitt, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Exit les envoyés spéciaux intervenant en direct depuis les ports des îles grecques à longueur d’antenne sur les chaînes du monde entier. Finis les gros titres de journaux relatant tous les jours en une les naufrages meurtriers en Méditerranée. Un an après la montée en puissance de la plus grande crise migratoire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, les migrants semblent avoir disparu des radars médiatiques. Mais les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) parlent d’eux-mêmes : les entrées sur le sol européen ont augmenté de 17 % par rapport à 2015 et le nombre de morts, par noyade essentiellement, a augmenté de 15 % pour atteindre 3 176 décès au 7 août.

« Si on la prend de façon globale, la crise migratoire n’a pas diminué : le nombre de personnes déplacées dans le monde – 65,3 millions de personnes en 2015 – n’a jamais été aussi important et des refugiés continuent d’arriver en Europe », confirme Céline Schmitt, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

« Encore des efforts à faire »

La situation n’est toutefois pas la même qu’il y a un an. L’été 2015 a été marqué par ces images spectaculaires sur la route des Balkans montrant des milliers de migrants traversant des champs ou longeant des voies ferrées en Macédoine, Serbie, Croatie… Un an après, des photographes de l’agence Reuters sont retournés sur place : comme on peut le voir dans le diaporama avant/après mis en ligne par Reuters, les scènes bucoliques ont remplacé les clichés de détresse et la route des Balkans est désormais déserte.

Le contraste des images s’explique par plusieurs événements : entre-temps, non seulement la Macédoine, première étape de « la route des Balkans », a fermé sa frontière avec la Grèce mais un accord entre l’UE et la Turquie a également été conclu. Aussi, après un pic en début d’année, les arrivées en Grèce sont en nette baisse depuis mars. « En 2015, à cette époque, 5 000 à 6 000 réfugiés arrivaient chaque jour en Grèce, estime Céline Schmitt. Actuellement, on est plutôt autour de quelques centaines d’arrivée par semaine. En Italie, en revanche, le nombre des arrivées reste relativement constant – ils étaient 154 000 en 2015. Les flux, eux, n’ont pas changé : les personnes qui arrivent en Grèce viennent essentiellement de Syrie et d’Irak. En Italie ce sont surtout des réfugiés d’Afrique subsaharienne. »

>> À voir sur France 24 – Les Grecs face aux migrants, chapitre 1 : la Grèce, « hangar des âmes »

Par rapport à 2015, « il y a eu des améliorations des conditions d’accueil des réfugiés en Grèce et en Italie mais il y a encore des efforts à faire », selon Céline Schmitt, qui souligne la nécessité de créer sur place des logements à long terme pour les migrants. Avec la fermeture de la frontière macédonienne, 57 000 sont, en effet, bloqués en Grèce où les structures manquent pour les accueillir.

Les promesses de relocalisation des migrants à l’épreuve de la réalité

« Avec de l’aide, la situation est tout à fait gérable », insiste la porte-parole du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Mais la Grèce et l’Italie ne peuvent pas éternellement concentrer tous les efforts. « Il y a urgence à ce que le mesures adoptées par les pays européens soient réellement mises en place », soutient-elle, en appelant à poursuivre le mécanisme de relocalisation. À ce jour, moins de 6 000 réfugiés arrivés en Grèce et en Italie ont été relocalisés dans un pays européen… sur les 160 000 promis en 2015. Avec 1 330 réfugiés relocalisés sur le territoire français (sur les 30 000 promis), Paris ne se distingue pas, pour l’instant, par son effort. Mais la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, a annoncé mercredi dans Le Monde vouloir porter à 5 000 le nombre de places d’accueil.

Quelle tournure prendra cette crise migratoire dans les mois et les années à venir ? « Il est difficile de prédire quoi que ce soit, explique Céline Schmitt, mais entre les anciens conflits qui perdurent (Soudan du Sud) et les conflits « récents » (Syrie), l’histoire a montré que les personnes cherchent toutes les solutions pour trouver un pays où ils sont en sécurité. »