Moncef Badsi, liquidateur de Khalifa Bank « Il reste 14 milliards DA à rembourser aux déposants »

Moncef Badsi, liquidateur de Khalifa Bank « Il reste 14 milliards DA à rembourser aux déposants »

Brillant étudiant, enseignant à l’Ecole de commerce, classé parmi les cinq premiers experts du pays, Moncef Badsi a été désigné comme liquidateur de la Khalifa Bank le 29 mai 2003.

En procédant à la passation de consignes et de pouvoir avec l’administrateur provisoire qui lui a remis l’ensemble des données et des dossiers, M. Badsi était très loin de mesurer l’ampleur des dégâts. Il racontera au tribunal criminel près la Cour de Blida qui est en train de juger en appel l’affaire de la caisse principale de Khalifa Bank, les conditions de sa désignation par la commission bancaire de la Banque d’Algérie. Une désignation qu’il a eu du mal à refuser, surtout après la communication téléphonique qu’il a reçu d’Alger, alors qu’il se trouvait en mission à Skikda en sa qualité de commissaire aux comptes de Sonatrach. « On m’a demandé de prendre en charge, quoi qu’il en coûte cette mission.

Cela relevait de l’urgence. Dans l’intérêt de tous, il fallait que j’accepte», indique-t-il pendant son audition qui aura duré toute la journée d’aujourd’hui, voire jusqu’en début de soirée, comme pour signifier que cela relevait de l’intérêt national.

Avant de s’étaler sur les découvertes qu’il a faites, Moncef Badsi qui a fait, il faut le reconnaître sans complaisance aucune, une intervention magistrale a tenu à préciser qu’il en a tiré une première conclusion. Celle consistant à dire que la catastrophe découverte à Khalifa Bank était l’illustration de l’état de faiblesse et de précarité du pays.

Décryptage

Interrogé sur l’évaluation qu’il avait faite du travail de l’administrateur provisoire à travers la passation de consignes, M. Badsi indiquera que la mission de Mohamed Djellab était de faire un décryptage de l’entreprise aux fins de se faire une idée et de prendre une décision. « Tout ce qui a été fait par l’administrateur a démontré que c’était bien en deçà de la réalité à laquelle la liquidation a été confrontée au quotidien depuis sa désignation».

M. Badsi a expliqué qu’il avait commencé son travail avec les effectifs de Khalifa Bank qu’il avait trouvé sur place « et qui n‘ont pas démérité », ( à ‘instar de Mouloud Toudjane qui a « eu la présence d’esprit de refuser de déboucler les fameuses 11 écritures entre sièges, une initiative louable »), lesquels ont établi un inventaire, qui était fondamental pour la protection du patrimoine. « Il y avait 70 agences, dont les locaux n’étaient pas tous propriété de la banque. Des effectifs qui n’avaient pas quitté le site, des documents non classés et des comptes qui n’étaient pas à jour. Il y a eu des actions de pillage avant la nomination de Djellab ».

Pour illustrer les dégâts, le liquidateur indiquera que concernant le bilan de 2002, et sur un montant de 127 milliards de dinars, les comptes d’ordre représentaient 100 milliards de dinars. « Tous les comptes posaient problème, dont un était folklorique, c’est celui des EES. Sur 97 milliards de dinars les EES représentent 79 milliards. Avec force détails et moult illustrations le liquidateur fera part de la difficulté qu’il a eu à collecter des informations.

2 millions d’écritures non débouclées

Sur les trois millions d’écritures entre sièges que la liquidation a débusqués, il en restait deux millions à sa désignation. Actuellement il y en a plus que 5.000. M. Badi est convaincu qu’il y avait une volonté manifeste de ne pas régulariser les opérations. « Il y a eu beaucoup de manipulation. Ce d’autant que les dépôts peuvent cacher des transferts illicites. Le liquidateur s’en expliquera à travers l’opération des usines de dessalement. Il s’étalera sur le sujet mais aussi sur l’impossibilité, en réponse aux questions aussi bien du tribunal, du parquet que de la défense de Khalifa sur la transaction en question. Il dira que lorsqu’il a été le voir à Londres, Abdelmoumène lui avait dit que les unités étaient intégralement payées mais M. Badsi n’a jusqu’à présent aucune preuve de la transaction.

Le liquidateur louera les mérites des commissaires aux comptes qui n’ont pas démérité en signalant les anomalies. Lorsque j’ai lu le rapport je me suis demandé pourquoi les mesures nécessaires n’ont pas été prises. On n’en serait pas là aujourd’hui et la banque aurait pu continuer à fonctionner. » A ce propos, M. Badsi, précisera que c’est la gestion de Khalifa Bank qui a fait défaut et non pas la compétence de ses cadres. Les conséquences sont qu’aujourd’hui il n’a pu récupérer que 10% de l‘argent et qu’il doit 114 milliards de dinars aux déposants.

Faouzia Ababsa