Coincée entre les cabanes debric et de broc dans une ruelle poussiéreuse de l’immense township de Khayelitscha, près du Cap, «le plus petit hôtel d’Afrique du Sud» fait figure d’exception en affichant complet pour le Mondial 2010.
A quelques encablures des établissements 5 étoiles situés sur le front de mer du Cap, «Vicky’s Bed and Breakfast» propose six chambres, à 300 rands (30 euros, 40 dollars) la nuit pendant la compétition (11 juin – 11 juillet).
«Je suis complète pendant les 15 premiers jours», indique sa propriétaire, la dynamique Vicky Ntozini, 37 ans. Un succès que tous les hôtels ne partagent pas, loin de là. Lors de l’attribution du Mondial à l’Afrique du Sud, beaucoup craignaient que le pays peine à loger tous les visiteurs étrangers, alors estimés à plus de 480.000.
Mais, crise économique oblige, ils ne devraient être que 370.000. Le secteur de l’hôtellerie fait la grimace. L’organisme chargé des logements pour la Fifa, Match, a remis sur le marché la moitié des chambres qu’il avait pré-réservées. «Ce qui est en train de se passer n’est évidemment pas ce que nous avions espéré», reconnaît Brett Dungan, directeur de l’Association de l’hôtellerie en Afrique du Sud.
«C’est décevant mais tout n’est pas joué. On entre dans la dernière phase de vente», ajoute-t-il. La défection des touristes a été attribuée à la flambée initiale des prix des transports et des chambres, aux distances à parcourir pour se rendre à la pointe sud du continent, ou encore aux craintes soulevées par une criminalité record. Match, qui ne fournit pas de chiffres sur les nuitées qu’il a vendues, se dit «satisfait» du taux de réservations conclues via le site Fifa.com.
Mais «la demande via les autres canaux a été inférieure aux prévisions», reconnaît une de ses responsables, Vivienne Bervoets. L’organisme, qui réclame 100 dollars la nuit pour une chambre dans les hôtels minimalistes de bords de route, affirme avoir contribué à contenir les prix. Et les grandes villes comme Johannesburg – qui accueille notamment le match d’ouverture et la finale – ne connaissent pas de problèmes de réservations, selon Mme Bervoets.
Lyndsay Jackson, du réseau des auberges d’Afrique du Sud, espère «une ruée de dernière minute, surtout si les compagnies aériennes baissent leurs tarifs» et assure que le secteur s’y prépare en concoctant «des offres spéciales Mondial». Soupçonnées de s’être entendues sur les prix, plusieurs compagnies aériennes ont de fait commencé à offrir des vols dégriffés. Mais les petits établissements comme celui de Vicky, qui fait partie d’un réseau de 23 auberges situées dans trois townships, sont moins optimistes.
«Les gens se plaignent. On pensait qu’il y aurait tellement de monde qu’on devrait se répartir les clients, mais ce n’est pas du tout le cas», souligne l’aubergiste. Résider dans un de ces quartiers noirs, tenus à l’écart des centres-villes blancs sous l’apartheid, est pourtant selon elle le meilleur moyen de découvrir le pays.
«Dans un hôtel, vous n’êtes qu’un client anonyme. Ici, vous faites partie de la famille, dit-elle. Si vous voulez faire l’expérience de la vie sud-africaine, il faut venir dans les townships.»
Justine Gerardy de l’AFP