Le mois de mars a vu naître et mourir Mouloud Feraoun, auteur du mythique «Le fils du pauvre», un roman qui ne cesse d’être lu et relu par des générations entières sans qu’il ne prenne aucune ride.
Né un 8 mars et assassiné un 15 mars, Mouloud Feraoun a laissé une oeuvre que le temps n’a pas réussi à éroder après une vie entre deux printemps. Pourtant, ses détracteurs, qui sont peu nombreux fort heureusement, n’ont pas cessé de lancer des fléchettes à l’endroit des livres comme «Le fils du pauvre» et «La terre et le sang», leur déniant même le genre qui est le leur, à savoir le roman. Pourquoi? Parce que ces mêmes détracteurs n’arrivent pas à comprendre comment, avec un style et un vocabulaire aussi simples, Mouloud Feraoun a réussi à écrire des chefs- d’oeuvre.
Le secret dans ce succès c’est qu’il ne faudrait surtout pas confondre «simplicité» et «simplisme». En lisant les romans de Mouloud Feraoun, on comprend très vite que même si les mots sont presque ceux de tous les jours, il n’est pas du tout évident de réussir à échapper au charme captivant de tous ces textes.
D’ailleurs, à ce jour, on a du mal à trouver un autre écrivain qui a raconté et décrit le village, la mentalité, la société et les personnages kabyles comme le fait si bien et avec une telle précision et simplicité Mouloud Feraoun.
L’originalité de cette oeuvre, constituée principalement de quatre romans dont un est posthume, d’un Journal et de plusieurs autres textes littérraires et pédagogiques, est le fait que tout ce qui a été écrit par Mouloud Feraoun est en réalité la même oeuvre. Tous les romans du père de Fouroulou sont liés de plusieurs manières. A commencer par ce style d’écriture unique et surtout magique comme c’est le cas, entre autres, de l’univers décrit dans les «Chemins qui montent».
Un roman où des personnages si proches de la réalité comme Amer, Dahbia et tous les autres sont si bien racontés par la plume de Mouloud Feraoun!
«Les chemins qui montent», un roman d’amour mais pas seulement, puisque Mouloud Feraoun s’adonne à une analyse et à une description psychologiques et à des dissertations philosophiques qui font que l’oeuvre n’est point ce que veulent faire croire ceux qui ont Mouloud Feraoun en ligne de mire. Il en est de même dans le chef-d’oeuvre «La terre et le sang», où les conditions de vie et de travail de l’émigration kabyle en France sont romancés avec génie par le fils de Tizi Hibel, devenu Ighil Nezman dans ses romans dont on devine la large part d’autobiographie. Mouloud Feraoun n’avait que cinquante ans quand il avait été lâchement assassiné par les hordes de l’OAS (Organisation Armée Secrète), effrayés par l’indépendance de l’Algérie. Mouloud Feraoun aurait pu, s’il avait vécu plus, léguer encore à la postérité d’autres chefs-d’oeuvre. Mais, en dépit de cette rupture prématurée, l’oeuvre de Mouloud Feraoun a une place de choix, non seulement en Algérie mais aussi au Maghreb et en Europe. Plus loin encore, puisque son roman «Le fils du pauvre» vient d’être traduit au Japon pour la première fois.
«Le fils du pauvre», plus que ses autres romans, est devenu un classique de la littérature universelle. Il s’agit d’un roman qui peut faire découvrir et aimer la lecture à toute personne n’ayant jamais goûté aux vertus de cette passion de l’esprit et de l’âme. Ce n’est sans doute pas un hasard si, malgré l’émergence de nombreux autres écrivains algériens au talent incontestable, Mouloud Feraoun reste l’écrivain algérien et maghrébin le plus lu de tous les temps. N’en déplaise à ses détracteurs.
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