Mouvement associatif dans le secteur de la santé: L’incontournable partenaire

Mouvement associatif dans le secteur de la santé: L’incontournable partenaire

Les nombreuses associations sont un partenaire utile et incontournable dans la sensibilisation des collectivités au niveau local. Elles apportent l’aide et l’accompagnement et le soutien psycho-social nécessaire à nos concitoyens qui trouvent des difficultés dans leur prise en charge médicale.

La Constitution algérienne consacre au titre des droits et des libertés, le mouvement associatif. La réforme de la Santé traite largement du rôle contributif et éminemment positif des associations dans le bien-être et la bonne santé de nos concitoyens, dans l’aide et l’accompagnement des malades, mais aussi comme force de proposition et un des dispositifs d’éveil sur les dysfonctionnements du système de santé. Le rôle bénéfique et éminemment constructif des associations de malades n’est plus à prouver.

La place de ces associations civiles comme partenaires dans le développement sanitaire national n’a toutefois pas été suffisamment clarifiée, notamment dans son rôle de lobbying auprès de nos concitoyens.

Pourtant, cette question n’est pas chose nouvelle. Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé à ce sujet n’ont cessé d’interpeller les pays sur le rôle fondamental des associations civiles comme facteur d’émancipation sociale et de développement sanitaire. En Algérie, le mouvement associatif, notamment dans le domaine de la santé, reflète la solidarité nationale en vertu des articles 34, 48, 54, 68, 69, 72 et 73 de la Constitution. De nombreuses publications ont souligné la noble mission humanitaire et d’utilité publique des associations civiles.

Plusieurs auteurs, professionnels de santé ou membres actifs d’organisations sociales diverses, ont traité de ce sujet avec beaucoup de pertinence. Pour peu que l’on ait pu suffisamment remonter dans les archives, il a été rapporté, en Algérie, à titre d’exemple, dans la lutte contre la tuberculose, le rôle positif joué, dès 1923, par l’Association algérienne contre la tuberculose, dans le dispositif de prise en charge des malades atteints de cette pathologie (1).

La loi 12-06, de janvier 2012, relative aux associations a permis l’émergence d’un large tissu associatif, dense et dynamique. Le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales enregistrait en 2012, 151 Associations nationales de santé et plus de 644 au niveau local (2). Cette croissance témoigne à la fois d’un dynamisme et d’un esprit de solidarité qu’il faut évidemment conforter, mais aussi d’un niveau de veille que le secteur de la santé doit savoir capter et capitaliser sur le plan organisationnel et fonctionnel.

Cette vitalité n’est pas nécessairement significative d’insuffisances dans la prise en charge des patients. Elle est le résultat d’une émancipation sociale et porteuse de développement socio-sanitaire. Les progrès économiques, sociaux, éducatifs et culturels enregistrés par le pays, l’ouverture sur le monde permise par les technologies de l’information et de la communication et l’engagement politique constant des pouvoirs publics pour le développement de la santé, sont pour beaucoup dans la prise de conscience du citoyen vis-à-vis de sa santé.

Individuellement ou organisé en collectif, le citoyen algérien et encore plus le patient deviennent de plus en plus exigeants sur la qualité et l’accessibilité des prestations de santé qui leur sont dispensées.

Système national de santé, entités associatives et responsabilités

Notre système de santé a été depuis l’indépendance orienté et organisé pour répondre essentiellement à trois exigences: former, prévenir et soigner. Ces trois objectifs ont été atteints. Les indicateurs de santé en témoignent. L’espérance de vie a nettement augmenté, les mortalités maternelles et infantiles ont fortement baissé. Certaines maladies transmissibles ont été totalement éradiquées quand l’incidence des autres a fortement diminué. Plusieurs générations de professionnels de santé qualifiés ont été formées. Il reste évidemment beaucoup à faire pour que l’ensemble des établissements de santé du territoire national puissent fonctionner à l’optimum. Nous connaissons ces dernières années une forte incidence des maladies non transmissibles, exigeant d’énormes moyens infrastructurels, matériels et financiers et nécessitant des personnels qualifiés, voire de nouveaux profils ainsi qu’une organisation et une stratégie plus adaptées à la prise en charge de ces affections chroniques.

Sur le plan organisationnel, à quelques exceptions près, le système de santé, dans un premier temps, ne donnait à nos concitoyens désireux d’une prestation préventive, curative ou palliative ou d’un accompagnement médico-social que l’alternative de s’adresser à un établissement ou une structure de santé publique ou privée.

Les objectifs de réduction des iniquités territoriales et d’amélioration de l’accès aux prestations de santé ont permis, dans un second temps, par des actions intersectorielles et l’adaptation organisationnelle du système de santé de se rapprocher des citoyens et des patients sur leur lieu de travail, leurs lieux éducatifs… ce fut l’étape du développement de la santé en milieux spécifiques.

Certes, le développement de la santé en milieu spécifique, la mise en place des équipes mobiles et bien d’autres prestations récemment adoptées comme les soins à domicile, l’hospitalisation à domicile, ont permis à la fois, de sortir de la rigidité fonctionnelle de nos établissements de santé pour plus de flexibilité et d’adaptabilité aux différentes situations socio-géo-sanitaires et d’appréhender la place et l’utilité de l’information, de l’éducation, de la communication, du suivi et de l’évaluation. Désormais, nous devrons aller, de plus en plus, vers nos concitoyens ou qu’ils se trouvent, notamment lorsqu’il s’agit de patients en difficultés. Tous les lieux de rassemblement de la population doivent être investis, toutes les catégories de population doivent être touchées à travers des programmes précis, étudiés et orientés. Toutes les formes de communication, d’information et de vulgarisation sur ces programmes doivent être utilisées.

C’est dans cet objectif que s’inscrivent, par leur objet, de nombreuses associations. Elles visent à changer les comportements par la prise de conscience et l’éducation sanitaire des individus. Elles sont un partenaire utile et incontournable dans la sensibilisation des collectivités au niveau local. Elles apportent, par leurs actions sur le terrain, la synergie et la complémentarité parfois manquantes aux actions intersectorielles. Elles apportent l’aide et l’accompagnement et le soutien psycho-social nécessaire à nos concitoyens qui trouvent des difficultés dans leur prise en charge médicale. Elles sont le levier de sensibilisation des pouvoirs publics autour de la prise en charge de certaines pathologies ou maladies rares et des dysfonctionnements observés dans le système de santé.

Sur le plan stratégique, le secteur a développé une démarche dynamique centrée sur quatre volets essentiels

1. La correction des dysfonctionnements et la satisfaction de la demande en soins du patient par une adaptation de l’ensemble des dispositifs d’offres de diagnostic et de soins, allant jusqu’aux soins palliatifs et l’accompagnement. Le développement du palier proximal (prestations de santé de proximité) et l’ouverture des structures de santé vers le patient (soins à domicile, hospitalisation à domicile) font partie des nouvelles priorités de santé publique.

2. Le développement de la protection, de la prévention et de la promotion de la santé qui relèvent de nombreux acteurs institutionnels quel que soit leur niveau d’intervention et exigeant par là même des comités ou commissions intersectorielles efficaces. Ceux qui le furent hier pour les maladies transmissibles doivent l’être aujourd’hui pour les maladies non transmissibles.

3. Le renforcement de l’appareil de formation et la mise en place de nouveaux produits de formation compte tenu de l’évolution technologique des équipements et des thérapeutiques ainsi que des adaptations des procédures de prise en charge des patients compte tenu de leurs conditions socioculturelles.

4. La synergie d’action de l’ensemble des acteurs intégrant la participation de la société civile organisée. Il devenait alors nécessaire de déterminer, outre les droits et devoirs des patients, les responsabilités individuelles et collectives, sectorielles et intersectorielles, en matière de santé et de préciser, dans le système national de santé, la place des associations de malades.

Il n’échappe à personne que le «bien-être» et la «bonne santé» de nos concitoyens sont le résultat de responsabilités individuelles totalement assumées par chaque individu et de responsabilités collectives totalement assumées aux niveaux sectoriel et intersectoriel à quelques échelles de responsabilités que ce soit.

En matière de responsabilité collective, les comités intersectoriels en constituent l’arc supérieur actif et les associations concernées l’arc inférieur solidaire. On peut identifier, dans ce cadre, deux grandes entités associatives contribuant à l’amélioration de la santé.

La première entité agit dans le cadre de la protection de la santé des populations à travers les mécanismes de l’intersectorialité et le champ des autres politiques publiques. Ces associations autorisées par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales activent dans des domaines très divers, en accompagnement des politiques publiques mises en place par chaque secteur. La santé peut être l’objet principal ou secondaire de leur organisation. Cette entité agit essentiellement sur les facteurs socio-économiques et environnementaux sources de maladies chez les individus et sur les mécanismes de solidarité nécessaires au bien-être et à la prise en charge de certaines catégories de populations, notamment des personnes en difficultés.

La seconde entité a une double action. Elle peut avoir exclusivement pour objet la santé ou viser plusieurs objets dont la santé comme élément principal. Elle agit, d’une part, dans les domaines de la promotion et de la prévention en santé, à travers les mécanismes d’information, d’éducation et de communication en santé, en collaboration et en synergie avec les institutions de santé et les programmes nationaux et locaux de santé mis en oeuvre. Elle contribue, d’autre part, à l’entraide, le soutien et la défense, en intermédiation, des droits des malades. Ces deux entités peuvent d’ailleurs travailler conjointement pour atteindre des objectifs de santé. Il s’agit d’ailleurs de passerelles à encourager tant est que les unes et les autres travaillent dans le même sens.

Il en est ainsi par exemple de la lutte contre les facteurs de risque des maladies non transmissibles. La responsabilité individuelle est celle que le citoyen doit assumer envers sa personne et envers la collectivité de par son comportement en matière de protection et de prévention en santé. L’individu doit adapter un mode de vie sain, pour sa santé et celle des autres. Cela suppose, au préalable, la mise en place d’un dispositif d’information et d’éducation en santé accessible à tous les citoyens, quel que soit le lieu où ils se trouvent sur le territoire national. Toutes les formes de communication doivent être utilisées. En effet, ce dispositif ne doit pas seulement être déployé de manière passive. Il doit l’être de manière active, notamment sur les lieux de travail et sur les lieux éducatifs….

C’est donc autour d’une action d’ensemble, d’une synergie des efforts de chacun, d’une complémentarité active, d’une information et d’une communication les plus larges, d’organisations les plus pertinentes et d’un système et produit de formation les plus adaptés que doit se construire la santé du citoyen. Chacun de nous y a sa part et sa responsabilité.

La place des associations de malades

Pour être très proches de ses membres et des personnes vivant la même affection et ayant les mêmes besoins et motivations, les associations de malades sont celles qui par leur participation éclairée et engagée peuvent offrir le complément de souplesse attendu par le système de santé.

Le binôme Institutions de santé – Associations de malades doit être renforcé sans que ces dernières n’aient tendance à se substituer aux établissements et institutions de santé. Elles n’en ont d’ailleurs ni la vocation ni les moyens ni le niveau d’organisation. Pour autant qu’il ne soit nécessaire, il est à rappeler que les associations civiles sont sans but lucratif et que leurs actions sont désintéressées.

Le rôle du secteur étant notamment de renforcer le système de santé en place, l’avant-projet de loi sanitaire a consacré les rôles participatifs et consultatifs des associations dont les actions, pour autant qu’elles soient en synergie avec la mise en oeuvre des programmes nationaux de santé, peuvent grandement améliorer la santé de la population. En plus de la consécration des droits et des devoirs des malades, il s’agit là d’une démarche nouvelle plaçant les organisations associatives de santé comme partenaires. Par cet ancrage, le système de santé, dans son organisation s’appuie sur la contribution du mouvement associatif. L’avant-projet de loi sanitaire, détermine la manière dont le mouvement associatif y contribue, notamment par sa participation aux actions socio-éducatives et sanitaires, d’information et de sensibilisation, mais aussi, de soutien et d’accompagnement aux personnes vulnérables, en difficulté ou en perte d’autonomie. Par ailleurs, dans un but d’évaluation, de sensibilisation autour des difficultés vécues par les associations et d’éveil des autorités sanitaires autour des dysfonctionnements observés, il devient utile d’instituer une rencontre nationale annuelle avec les associations nationales ayant pour objet la santé. Il est tout aussi utile, par ailleurs, que les directeurs de la santé et de la population des wilayas mettent en place, à leur niveau, un cadre consultatif ordinaire trimestriel permettant un dialogue direct entre les responsables des associations locales ayant pour objet la santé et les chefs des établissements publics de santé de leurs wilayas respectives.

En conclusion, les pouvoirs publics en général et le secteur de la santé en particulier sont conscients du rôle essentiellement positif des associations civiles. Le secteur de la santé confirme et consacre ce rôle de partenaire dans l’avant-projet de loi sanitaire qui sera prochainement examiné par le Conseil des ministres et le Parlement. Des textes réglementaires vont en préciser la place et les mécanismes d’insertion et d’activité.

Abdelmalek Boudiaf : Ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière

(1) Histoire de la lutte antituberculeuse en Algérie: Pierre Chaulet

(2) Portail Web du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales