M’sila : Slim, cette autre Algérie enclavée

M’sila : Slim, cette autre Algérie enclavée

Cette commune, située à 128 km au sud de M’sila, est livrée à une insoutenable indigence.

Les habitants de la commune de Slim ont bloqué, dimanche toute la journée et une partie de la nuit, le siège de l’APC, la polyclinique, ainsi que la RN70 reliant M’sila à Biskra et la RN46 : Boussaâda – Aïn Oussara (Djelfa), en signe de protestation contre la dégradation du cadre de vie de cette commune enclavée malgré ses potentialités. En effet, peu de personnes connaissent Slim. Pourtant cette commune de 540 km 2  et de 10 000 habitants, située au sud du chef-lieu de la wilaya de M’sila, est un passage incontournable pour se rendre à Djelfa et à Biskra. Nous sommes dans une région reliant le nord aux montagnes de djebel Messaâd, avec tout ce que cela dénote en termes de changement de température, de relief, mais aussi de mode de vie.

Deux routes nationales, les RN46 et 70, se croisent au niveau de cette commune. Une belle situation géographique, mais qui aggrave les difficultés des conducteurs, notamment en l’absence de panneaux de signalisation et la  présence de virages dangereux. La prudence est de mise. L’important est d’éviter le pire ! Aux abords, une alternance de couleurs sableuse et noirâtre. La verdure des plantes sauvages des petits paysans tente de ressurgir, mais le sable persiste à dominer. Près de modestes demeures dispersées çà et là, les enfants jouent comme le faisaient leurs ancêtres. Bien que la commune dispose d’infrastructures sportives et culturelles, le manque d’encadreurs pousse les jeunes à s’adosser aux murs, à jouer aux cartes, aux dominos…  

Les sourires affichés innocemment sur les visages incitent à la réflexion sur l’avenir de ces enfants. Les responsables locaux sont pourtant parfaitement au courant des problèmes de la jeunesse dans cette commune. À titre d’exemple, le CEM Moudjahid Azzedine-Belhadj, construit dans les années 90 pour une capacité de 300 places, est occupé par 600 élèves. Sa bâtisse est érigée sur un terrain non conforme aux normes selon des parents d’élèves.

“Malgré les nombreuses réfections, ce CEM ne répond toujours pas aux normes”, dira un technicien en bâtiment et parent d’élèves, avant d’ajouter : “Nous attendons encore la concrétisation du nouveau CEM.” La salle de sport du lycée est toujours inachevée, et ce, 13 années après la mise en service de l’établissement.

La santé, l’un des sujets qui fâchent
La polyclinique Bendjedou-El-Meki, sise au chef-lieu de la commune, qui prodigue des soins à la population de Slim et à celle d’autres communes limitrophes telles que M’djadel, El-Batan, Menaâ, Bir Foudha… manquerait, selon les habitants, de médecins spécialistes. “Nous avons 5 généralistes qui n’assurent pas les gardes de nuit et des week-ends. Depuis le début du mois de juillet, ces médecins sont en grève”, dira un représentant de la société civile.

“Les appareils et les produits pour les analyses et la radiologie sont disponibles, mais les manipulateurs ne venant qu’une fois par semaine, ce service ne fonctionne qu’un seul jour”, ajoute notre interlocuteur qui rappelle la demande insistante des habitants de la région pour une maternité. “Comment se fait-il qu’une population de 10 000 habitants ne dispose pas de maternité ?” “Pour accoucher, nos femmes sont obligées de se rendre à Aïn El-Melh ou à Djelfa, des localités distantes de 50 kilomètres, ou alors encore plus loin, à Boussaâda, à 58 kilomètres”, précise-t-il. Il rappelle que l’unique ambulance est en panne depuis trois mois.

La population espère que les autorités prendront en considération une autre de leur réclamation, à savoir l’implantation d’une unité de la protection civile. En effet, cette circonscription qui est à la croisée des RN46 et 70, ne dispose même pas d’une entité de secours et anti-incendie. Une structure de secours pour le bien-être, le sauvetage et la sécurité des citoyens et de leurs biens. Cependant, selon nos informations, sur le plan des secours, cette partie de la région est placée directement sous l’autorité de l’unité principale d’Aïn El-Meh à 50 kilomètres ou de Boussaâda, à 58 kilomètres.

L’éloignement de cette localité par rapport à ces deux unités les plus proches  se traduit sur le terrain par un accroissement du temps de réponse des unités de secours sur les lieux des sinistres ou des urgences médicales. Cette distance non négligeable, qui sépare Slim d’Aïn El-Melh ou de Boussaâda, influe directement sur la rapidité d’exécution des agents de la Protection civile, notamment lors d’incendie ou d’accident grave.

Ce cas s’est présenté à plusieurs reprises. “Il y a deux jours, nous avons enterré deux de nos frères qui sont morts dans un puits à douar Dheba”, dira un jeune. “Ce sont les secours d’Aïn El-Melh et de Boussâada qui sont venus, mais ils n’ont pu sauver que 4 personnes sur les 6”, ajoute-t-il. “Si nous avions une unité proche, nous n’aurions pas ce problème d’attente”, regrette-t-il.

Plusieurs localités et quartiers de la commune restent sans aménagement urbain. Les habitants des quartiers Benchouhra-Bida, El-Garnoyou et du CEM sont privés depuis 2013  de gaz de ville, d’eau, d’assainissement et d’électricité. D’autres quartiers sont privés d’aménagement depuis 1980. “L’éclairage public fait défaut, une lampe sur 3 fonctionne, malgré les différents projets et les énormes dépenses”, dira Douadi, un habitant du quartier El-Guebli.

Une cité dortoir
Les coupures d’électricité sont également  récurrentes. Il ne se passe pas une journée sans qu’une panne d’électricité soit enregistrée, ce qui a tendance à provoquer l’ire des habitants et leur incompréhension vis-à-vis des services de Sonelgaz qui devraient informer leurs clients afin de ne pas endommager leurs appareils électroménagers. 

Ces coupures, qui se succèdent en un temps plus ou moins réduit, parviennent parfois à raison de 10 fois par jour,  “Slim est devenu une cité dortoir”, disent les anciens. “Le manque de travail pousse les habitants à se rendre dans les autres communes pour trouver un emploi. La plupart ne travaillent pas. Certains sont des ouvriers journaliers, maçons ou artisans”, nous explique Salim, un universitaire en vacances, chez lui, à Slim. “Nous avons une zone d’activité mais elle est vide.

Aucun investisseur n’a tenté de s’implanter dans la région”, ajoute-t-il. “Ils ne connaissent que Slim qui est une marque de boisson gazeuse”, ironise-t-il. “Malheureusement, l’on ne se rend compte de l’existence de ces zones que lors des rendez-vous électoraux…”, commente sur un ton désespéré Mohamed, qui n’arrive pas à joindre les deux bouts malgré sa retraite d’enseignant.
 

C. B.