Musique: Randy Weston, le premier gnawi américain, nous quitte

Musique: Randy Weston, le premier gnawi américain, nous quitte

Le grand pianiste, musicien  et compositeur de jazz vient de nous quitter hier dimanche, 2 septembre, à l’âge de 92 ans, ont rapporté les médias internationaux. Il citait souvent un maître soufi qui avait dit : «La musique précède tout .»

«Randy Weston est l’Afrique, c’est une longue histoire», pourrait-on dire. Né le 6 avril 1926 à Brooklyn (New York), Randolph Edward Weston, a effectué un séjour au Maroc en 1967. Là, il se lie d’amitié avec Abdellah Boulkhaïr El Gourd et grâce aussi à  ses amis Mustapha Bakbo et Gerrard Brandenburg, il découvre la musique gnawi. Randy Weston qui a beaucoup voyagé à travers l’Afrique, n’a jamais oublié ce que son père Frank Edward Weston, d’origine jamaïcaine, lui a toujours dit : «Tu es un Africain né en Amérique.»

Ainsi, lui le grand admirateur de Cheikh Anta Diop, n’a jamais cessé de défendre la tradition musicale et la culture afro-américaine, sans oublier ses maîtres, Art Tatum, Thelonious Monk, Nat King Cole, Duke Ellington et Count Basie. Sa  conception de la musique  donne une place décisive à l’Afrique dans l’histoire de son peuple, de la musique et du jazz en particulier.

Cette approche fait du jazz, qu’il appelle plus largement «musique classique africaine-américaine», une musique  chargée d’une infinie spiritualité et attribue au musicien des responsabilités essentielles à savoir défendre une culture,  apaiser les souffrances d’un peuple et perpétuer l’esprit des ancêtres par la musique.

Dans son autobiographie African Rhythms, écrite en 2010,  il retrace son itinéraire, les rencontres et les expériences qui l’ont façonné et l’ont amené de Brooklyn au Maroc, en passant par l’Europe. Il explique aussi en profondeur son rapport à l’Afrique.

Pour Randy Weston, la mémoire est essentielle dans l’élaboration artistique, et pas seulement celle des trente dernières années mais celle de l’humanité toute entière, celle de ses parents, comme celle de tous les musiciens qui ont fait le jazz. Selon lui, comprendre vraiment le jazz nécessite de se questionner sur l’histoire de son peuple depuis l’origine africaine. Cette compréhension nécessite aussi de penser le musicien au sein de son environnement social. Randy Weston est le compositeur d’œuvres  comme African Cookbook, African nite, Tanjah ou encore Blue Nile.

Sa collaboration avec Melba Liston, tromboniste et arrangeuse, a donné naissance à des albums mémorables, tels Little Niles, Uhuru Afrika (qui signifie liberté pour l’Afrique en swahili) et Spirits of our Ancestors. Sur Uhuru afrika, on retrouve des paroles signées par Langston Hughes qui avaient  abouti à l’interdiction de ce disque en Afrique du Sud durant l’apartheid.

Randy Weston a aussi dit : «Dans le désert du Sahara, les musiciens créeront la musique du désert. Si vous avez des musiciens dans les montagnes du Maroc, ils créeront la musique des montagnes. Tout vient de Mère-Nature. Et l’Afrique étant à l’origine de toutes les civilisations, à l’origine de nous tous, tout le monde sur Terre a du sang africain. Tout le monde. Ce continent est si divers, riche, puissant. Même si nous avons été enlevés par la traite, nous gardons cette mémoire culturelle, ancestrale. On le voit dans la musique, la danse, la cuisine, le langage, le sport, etc».

Kader B.