L’ancien président sud-africain Nelson Mandela, 95 ans, est rentré chez lui, dimanche, après quasiment trois mois d’hospitalisation, et recevra à domicile les mêmes soins intensifs qu’à la clinique, son état de santé étant toujours «critique».
«L’ancien président Nelson Mandela est sorti ce matin de l’hôpital (…)», a annoncé la présidence sud-africaine. «L’état de santé de Madiba (le nom de clan de l’ancien président, ndlr) reste critique et est parfois instable», a-t-elle néanmoins ajouté.
Et même si le communiqué des autorités est accompagné «des meilleurs voeux de convalescence» formulés par l’actuel président Jacob Zuma, il est difficile de savoir si ce retour à la maison témoigne d’une réelle amélioration de l’état de Mandela. Ou de la volonté d’éviter au prix Nobel de la paix de finir sa vie entre les quatres murs anonymes d’une chambre d’hôpital.
Sa maison de Johannesburg, situé dans l’agréable quartier calme et arboré de Houghton, a été transformée en hôpital, «reconfigurée pour permettre qu’il y reçoive des soins intensifs».
«Son équipe de médecins est convaincu qu’il recevra les mêmes soins intensifs dans sa maison d’Houghton qu’à Pretoria», a relevé la présidence.
De plus, le personnel soignant «à son domicile est exactement le même que celui qui s’occupait de lui à l’hôpital», selon le communiqué. Cependant, «si son état de santé justifie une nouvelle admission à l’hôpital, ce sera fait», ajoute la présidence.
Il n’est pas question pour l’ancien président de se réinstaller à Qunu (sud), son village d’enfance où il espérait finir paisiblement ses jours depuis son retrait de la vie publique, mais qui est situé à 900 kilomètres, loin des meilleurs hôpitaux et praticiens du pays.
Samedi, la présidence avait sèchement démenti des informations annonçant que le héros de la lutte anti-apartheid avait pu regagner son domicile de Johannesburg, qualifiant alors de «rumeurs» les interrogations de la presse sur une sortie d’hôpital.
Les médias avaient finalement eu raison, avec un jour d’avance… Dimanche, une ambulance sous escorte policière a été vue arrivant au domicile de Nelson Mandela, peu avant 9H00 GMT par un photographe de l’AFP.
«Grâce immense» et «force morale»
La présidence a aussi reconnu, pour la première fois, que l’ancien président souffrait de complications multiples, et non pas seulement d’un problème pulmonaire, en indiquant que «Mandela, malgré les difficultés causées par ses diverses affections, faisait preuve comme toujours d’une grâce immense et de force morale».
Seule habilitée à communiquer, la présidence invoque régulièrement le secret médical et le respect de la vie privée pour refuser de communiquer ou d’entrer dans le détail des traitements. Dimanche, elle a à nouveau appelé à «la dignité et à s’abstenir de toute intrusion inutile».
Interrogé à Paris par téléphone, le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue à la Pitié-Salpêtrière, a expliqué à l’AFP qu’on «pouvait ventiler (par une aide à la respiration que reçoit toujours manifestement Mandela, ndlr) les gens à domicile depuis très longtemps. C’est vrai qu’à domicile, on a du matériel qui permet le même niveau de soins» pour ce type de cas.
«Quand ça dure longtemps, les médecins décident parfois de faire rentrer chez lui un patient même s’il n’est pas stabilisé, soit dans un but de guérison, soit dans un but de soins palliatifs, de meilleur confort (…) Le fait de se retrouver dans un milieu un peu plus normal est toujours positif pour le malade. Dans ces cas, généralement quand on renvoie les gens chez eux, c’est pour des raisons de confort, de bien-être et de coûts. Ici le coût n’entre manifestement pas en ligne de compte…», a-t-il relevé.
Nelson Mandela avait été hospitalisé aux premières heures du 8 juin pour une énième récidive d’une infection pulmonaire, dans un état qualifié de «grave».
Il pouvait alors respirer sans assistance. Mais son état s’était nettement détérioré ensuite, devenant «critique» le 23 juin, au point qu’on avait craint le pire à plusieurs reprises.
Les problèmes pulmonaires de Mandela sont probablement liés aux séquelles d’une tuberculose contractée pendant son séjour sur l’île-prison de Robben Island, au large du Cap, où il a passé dix-huit de ses vingt-sept années de détention dans les geôles du régime d’apartheid.
Considéré comme le père de la jeune démocratie multiraciale sud-africaine, Mandela symbolise l’obtention pour la première fois du droit de vote pour la majorité noire en 1994 et la fin des souffrances endurées durant le régime raciste de l’apartheid.