C’est aujourd’hui que les quatre détenus pour port du drapeau berbère Samira Messouci, Aouissi Hocine Mustapha, Chalal Amokrane et Kichou El Hadi prendront connaissance de la décision du juge d’instruction près le tribunal de Sidi M’hamed, après les avoir entendus jeudi dernier.
Ce magistrat a la prérogative de prononcer un non-lieu ou de renvoyer l’affaire devant le tribunal correctionnel avec, cependant, la possibilité de leur accorder la liberté provisoire avec une demande de renvoi devant la juridiction compétente, souligne Djamel Benyoub, avocat, membre du collectif de défense.
Ce dernier dénonce la « lenteur de la procédure d’instruction en cours» et plaide «un non-lieu» pour les détenus à la prison d’El Harrach. Maître Benyoub se félicite toutefois de l’attitude du juge d’instruction qui a fait preuve de « souplesse » avec les prévenus, notamment en « leur posant des questions de fond et en les laissant s’exprimer librement pendant leur audition », témoigne-t-il, avant d’appeler à l’accélération de la procédure, parce que, insiste-il, « les prévenus ne sont pas des délinquants et n’ont commis aucune infraction qui puisse justifier leur placement sous mandat de dépôt depuis plusieurs semaines déjà». Jeudi dernier, alors que les quatre prévenus étaient entendus par le juge, de nombreux militants attendaient leur libération, en vain. Le camion les ayant amenés au tribunal de Sidi- M’hamed les a finalement reconduits à leur point de départ, à savoir la maison d’arrêt d’El Harrach.
Les avocats ont, durant l’audition, plaidé le non-lieu au profit de Samira Messouci, Aouissi Hocine Mustapha, Chalal Amokrane et Kichou El Hadi, en prison depuis le 30 juin dernier après leur arrestation deux jours auparavant, mais le juge chargé d’instruire l’affaire a répliqué par la négative.
Ces quatre porteurs de drapeaux berbères sont poursuivis pour « atteinte à l’unité nationale », un délit prévu dans l’article 79 du code pénal, qui concerne en principe des actes graves comme l’espionnage ou le terrorisme et non l’exhibition d’un étendard identitaire. « Ces jeunes ont été arrêtés il y a deux mois pour un acte qui n’est pas puni par la loi, celui de brandir un étendard ou bannière identitaire et culturelle », rappelle l’avocat. Le collectif de défense, poursuit notre interlocuteur, exige la «libération immédiate» des nombreux autres prévenus arrêtés pour le même chef d’inculpation, d’autant qu’aucune séance de présentation devant le juge d’instruction n’a été programmée pour des dizaines de détenus arrêtés pour le même motif, note-t-il.
« Cela fait des mois qu’ils sont sous mandat de dépôt, on ne demande pas une liberté provisoire, mais leur libération immédiate, du moment que le juge d’instruction n’a pas trouvé de preuve matérielle inculpant les mis en cause dans ce qui leur est reproché», martèle l’avocat. A ses yeux, « il est judicieux que le juge d’instruction prononce aujourd’hui un non-lieu, parce qu’il est insensé de traîner devant les tribunaux des jeunes qui n’ont commis aucun délit ».
L’affaire, ajoute Me Benyoub, est« hautement politique ». D’ailleurs,
« c’est pour ces raisons que les robes noires avaient boycotté, en juillet dernier, les plaidoiries à la Cour du Ruisseau dans l’affaire de Lakhdar Bouregaâ et celle des porteurs de drapeau amazigh », rappelle-t-il. Le séjour carcéral des porteurs du drapeau berbère « n’a que trop duré », dénonce-t-il.
Les parents des détenus mobilisés
Les familles des détenus porteurs du drapeau berbère ne lâchent pas prise. Ils se sont constitués en collectif nommé « Collectif de parents de détenus d’opinion » pour apporter un soutien à leurs enfants arrêtés pour un « délit fictif », plaident-ils.
Dans un communiqué rendu public, ils annoncent la tenue d’un sit-in hebdomadaire chaque jeudi devant le Tribunal de Sidi M’hamed où des dizaines de jeunes ont comparu pour avoir brandi l’étendard berbère lors des marches de contestation populaire du vendredi. Outre cette action périodique, le même collectif fait savoir que des marches et des rassemblements se tiennent quotidiennement dans les villes du pays. Il ajoute avoir accueilli avec une « grande gratitude la mobilisation citoyenne pour la libération des détenus observée jeudi dernier alors que quatre prévenus comparaissaient à nouveau devant le juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed.
C’est dans ce sens que les parents des détenus porteurs du drapeau berbère appellent les citoyens, les réseaux de soutien et les comités pour la libération des détenus, les organisations militantes pour les droits humains à participer en masse au sit-in de jeudi prochain. Ces derniers se disent frustrés du report de la prononciation de la décision de la justice à propos des quatre prévenus entendus jeudi dernier, car la relaxe par le Tribunal de Annaba Fetissi Nadir, un porteur de drapeau berbère, avec la restitution des objets confisqués et l’abandon des poursuites judiciaires contre Sabrina Malek, arrêtée pour le même « délit fictif », leur a « fait entrevoir une issue des plus heureuses à l’audition de nos enfants par le juge d’instruction ». La mobilisation citoyenne sans précédent du 29e vendredi du mouvement populaire, et son exigence récurrente de libérer les détenus d’opinion, « nous font espérer une issue satisfaisante de la crise et une libération très proche de nos enfants », soutient le collectif.