Après les révélations sur le père et la mère, c’est au tour du fils cadet de l’ancien ministre de l’Énergie d’être cité dans le cadre d’une enquête sur les sociétés-écran domiciliées à Panama.
Si les révélations se suivent et se ressemblent sur l’implication de l’ancien ministre de l’Énergie, Chakib Khelil, dans de nombreuses affaires de corruption lorsqu’il était en poste, il s’agit bien de la première fois que son fils, Khaldoun, est cité nommément comme un des bénéficiaires des commissions et rétrocommissions versées par des sociétés étrangères en contrepartie de l’obtention de marchés dans le secteur des hydrocarbures en Algérie. Le quotidien Le Monde s’est, une nouvelle fois, fendu, hier, d’une longue enquête intitulée “Panama Papers : comment l’élite algérienne a détourné l’argent du pétrole”, dans laquelle les rédacteurs ont tenté de démêler l’écheveau dans un fatras d’informations, les unes plus choquantes que les autres, et se rapportant toutes, aux méthodes maffieuses utilisées pour amasser des fortunes par des procédés condamnables.
Dans cette organisation aux contours aussi complexes qu’obscurs, apparaissent, pêle-mêle, outre le nom de Chakib Khelil, ceux de son fils et de sa femme, mais aussi et surtout celui de l’inévitable intermédiaire Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui.
Les montages entrepris par les dirigeants de la nébuleuse Mossack Fonseca pour le compte de ses généreux clients ont donc bénéficié à toutes les personnes qui se trouvaient dans l’entourage direct de Chakib Khelil.
Une implication familiale
Le Monde révèle à ce sujet que l’une de ces sociétés-écran, Collingdale Consultants Inc., en l’occurrence, a profité respectivement à Khaldoun, fils cadet de Chakib Khelil, et à Regina Picano, épouse de Pietro Varone, ancien directeur des opérations de Saipem, la filiale du groupe pétrolier italien ENI, également cité dans l’affaire Sonatrach, sur la société Farnworth Consultants Inc., laquelle a servi à l’achat d’un yacht de 43 mètres. La compagnie en question gérait un “patrimoine” de près de 15 millions de dollars.
Sa mère, Najat Arafat, elle, a disposé en 2005 de deux sociétés offshore au Panama dans le cadre de ce montage. Deux sociétés servant de paravent à des comptes bancaires en Suisse : Carnelian Group Inc., créée en mai 2005, et Parkford Consulting Inc., en octobre de la même année, note Le Monde qui précise que les pouvoirs de Mme Khelil ont, toutefois, été transmis deux ans plus tard, les 26 et 27 novembre 2007 à l’homme d’affaires Omar Habour, très proche de son mari. Quant aux biens immobiliers acquis durant cette période par Farid Bedjaoui, le journal Le Monde révèle que les autorités américaines ont diligenté une enquête au sujet de trois appartements à New York dont deux à Manhattan, d’une valeur totale de plus de 50 millions de dollars. L’un de ces appartements, situé au 5, Central Park Avenue, a été acheté pour 28,5 millions de dollars. Selon les documents fournis aux enquêteurs italiens par le département américain de la Justice, le paiement, d’après Le Monde, a surtout été effectué, par le biais d’une compagnie domiciliée au Delaware, un État de la côte est des États-Unis.
Citant le Tribunal pénal fédéral suisse, les rédacteurs de l’enquête insistent, d’ailleurs, sur le rôle d’intermédiaire joué par Farid Bedjaoui qui, dans “le schéma corruptif”, aurait été “imposé à Saipem par le ministre Khelil”. Pour eux, la quasi-totalité des montages offshore ayant servi de lessiveuse à ces commissions et rétrocommissions ont été lancés par la fiduciaire suisse Multi Group Finance, à Lausanne, pour le compte de Farid Bedjaoui et exécutés entre 2007 et 2010 par le cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca.
D’après Le Monde, les documents obtenus par le biais du Consortium international des journalistes d’investigation et le journal allemand Süddeutsche Zeitung confirment la profondeur des ramifications de ce réseau “que les magistrats italiens et algériens tentent d’élucider”. Le journal ne manque pas de rappeler les résultats des investigations que continue de mener la justice italienne pour faire toute la lumière sur cette entreprise maffieuse. Bedjaoui est d’ailleurs accusé par les juges italiens d’avoir touché de la Saipem l’équivalent de 205 millions de dollars par l’intermédiaire de la compagnie Pearl Partners Ltd, domiciliée à Hongkong. Il est ainsi soupçonné d’avoir arrosé de nombreux responsables algériens afin de faciliter l’obtention, par la Saipem, de huit contrats entre 2006 et 2009, pour 10 milliards de dollars. L’ancien directeur de la filiale algérienne de Saipem, Tullio Orsi, avait, en effet, tout en plaidant coupable en échange d’une remise de peine, reconnu, devant le tribunal de Milan, ses rencontres avec Farid Bedjaoui à l’hôtel Bulgari de Milan, où la facture du neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères s’est élevée à plus de 100 000 euros en cinq ans. Il a, également indiqué aux enquêteurs que Bedjaoui l’avait aussi invité à une soirée organisée sur son yacht amarré au large des côtes espagnoles et qu’il a proposé de lui offrir 10 millions de dollars.
Une somme qu’il dit avoir refusée. Ces nouvelles révélations du Consortium international des journalistes d’investigation (Icij) donnent, ainsi un aperçu sur l’implication finalement beaucoup plus grande qu’on imaginait des Khelil, père, mère et fils, dans ce qui s’apparente à une véritable entreprise maffieuse qui a porté un fâcheux coup à l’image de l’Algérie à l’étranger.