L’Algérie fête, aujourd’hui, le Nouvel an berbère, Yennayer, le premier après l’officialisation et la constitutionnalisation de la langue amazigh en février 2016.
Un repère historique ! Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’éducation nationale, les écoles, collèges et lycées dispenseront ce matin un cours sur « la dimension historique d’Yennayer », selon l’instruction donnée par la ministre de l’Education nationale.
Inscrite dans la logique de l’évolution importante du statut de Tamazight en tant que langue nationale et officielle du pays, l’initiative de Nouria Benghebrit est saluée également comme un engagement de l’Education nationale à assumer et promouvoir concrètement la dimension amazighe profonde de l’identité nationale : un acte d’autant plus important qu’il est entrepris en direction des jeunes générations auxquelles incombe d’enraciner davantage le résultat des luttes de plusieurs décennies ainsi que les acquis qui en ont résulté.
C’est, en substance, la réaction qu’a eu il y a quelques jours le président du Haut-commissariat à l’amazighité, Si El Hachemi Assad, ainsi que des chercheurs engagés dans les études du champ de l’amazighité. Pour M. Assad, la «large mobilisation» pour Yennayer reflète le «réveil identitaire» qui confirme que les Algériens sont «réconciliés avec leur histoire. Pour la première fois, Yennayer ne sera pas célébré seulement dans les régions berbérophones, mais à travers le territoire national, avec l’implication de tous les secteurs ministériels.
« Depuis sa nomination à la tête du ministère de l’Education nationale, Mme Benghebrit se montre très sensible aux constituants de l’algérianité et travaille à ce qu’ils soient assumés sans complexe ni calcul idéologique », dira à ce propos Abderrazak Dourari, chercheur en linguistique. « L’Etat s’engage à la réconciliation des Algériens avec leur histoire, leurs langues et cultures. La célébration solennelle de Yennayer, cette année, notamment au sein des établissements scolaires du pays, constitue une nouvelle avancée importante et en parfaite adéquation avec la nouvelle disposition constitutionnelle relative au statut de Tamazight », ajoutera cet universitaire qui dirige le Centre national de pédagogie pour l’enseignement de Tamazight, CNPLET.
Néanmoins, dans les faits, Yennayer n’est toujours pas inscrit dans la nomenclature des fêtes nationales. Aux yeux du président du HCA, Si El Hachemi Assad, le Premier ministre a donné des instructions à toutes les institutions pour la célébration du Nouvel an berbère », c’est, selon lui, un signal qu’on ira plus loin : sans doute vers l’inscription du premier de l’an amazigh dans le calendrier national. Le parrainage des festivités marquant la célébration d’Yennayer par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, est peut-être un signe annonciateur. « Cela relève d’une véritable volonté politique d’arriver un jour à son institutionnalisation comme jour férié, a déclaré, avant-hier, El Hadi Ould Ali, ministre de la Jeunesse et des Sports.
Lors d’une visite d’inspection qui l’a conduite à Tizi Ouzou, le ministre de la Jeunesse avait précisé que l’octroi d’une dimension nationale à cet évènement à travers sa célébration dans les 48 wilayas et l’implication de plusieurs secteurs, à l’instar de la culture, la jeunesse et les sports, le tourisme, la solidarité, l’éducation… dans la préparation de cette fête est un signe de l’engagement de l’Etat algérien à valoriser nos repères identitaires et la culture amazighe, en général. Il a, par ailleurs, rappelé que la célébration officielle du premier jour de l’an berbère se déroulera au niveau de Beni Snous dans la wilaya de Tlemcen, où les traditions et les coutumes de toutes les régions du pays seront représentées à travers la participation du mouvement associatif et des établissements de jeunesse fortement associés aux festivités de cette année.
« C’est dans le sens de l’histoire ! », dira Abderrazak Dourari qui appelle toutefois, et sur un autre plan, à l’accélération de la rédaction et de publication de la loi organique et d’application de la disposition constitutionnelle portant sur Tamazight langue officielle. Selon de bonnes sources, « la loi en question est prête, mais elle n’est pas encore remise aux deux chambres du Parlement ».
Les raisons semblent être en relation avec la recherche d’un consensus académique sur la standardisation du berbère pour en faire une langue véhiculaire, notamment pour les non arabophones avant de l’apprendre rapidement, via un dictionnaire qui n’est pas toujours prêt, et d’en faire surtout, comme il est prévu d’après la nouvelle Constitution, une langue d’administration. « Le tamazight standard va faire le consensus entre toute les variantes », a indiqué Si El Hachemi Assad, « nous avons besoin de mettre un lexique standard qui va faire le consensus et trouver une plate-forme de concept consensuel pour les utilisateurs de tamazight ». Cet avis n’est cependant pas partagé par le directeur du CNPLET, qui trouve que le tamazight standard est une « langue artificielle dont on n’aura pas besoin sur le marché linguistique. Pis encore, elle menace l’existence des variantes de tamazight » selon les régions. « On n’a rien à inventer et rien à imposer aussi », a répliqué M. Assad, soulignant que les « linguistes qui travaillent sur ce dictionnaire avec la prudence et la rigueur académique requises».