Nouvelle bourse de l’automobile: Le marché de l’occasion s’enflamme

Nouvelle bourse de l’automobile: Le marché de l’occasion s’enflamme

On le croyait à jamais révolu, le temps où la bourse de l’automobile se faisait et se défaisait sur les étendues poussiéreuses des marchés de Tidjelabine, d’El-Harrach, de Sétif ou encore de Sidi-Aïssa. 15 années après, l’histoire semble bégayer… A la faveur des profondes perturbations qui secouent le circuit officiel de vente de véhicules, les barons de l’informel effectuent un retour sur scène remarqué et fulgurant.

Avec un rictus malicieux qui en dit long sur leurs ambitions hégémoniques, ils reprennent le contrôle de l’argus et imposent une grille tarifaire avec des références qui donnent le tournis. De nouveau, le véhicule d’occasion déclasse, voire même surpasse le véhicule neuf. Comment en est-on arrivé là ?

Est-ce les conditions actuelles défavorables à l’activité des concessionnaires suffisent à elles seules à expliquer ce retour à une période sombre de l’histoire de l’automobile dans notre pays ? Ou est-ce le naturel qui revient au galop après une brève embellie qui n’aura duré que le temps d’une décade ? Autant de questions que se posent légitimement, du reste, les milliers de clients dont les commandes auprès des revendeurs officiels non seulement n’ont pas abouti, mais se voient aujourd’hui proposer le remboursement du montant de leur dépôt initial et donc la fin d’un rêve.

Des cartes jaunes vierges

Des éléments de réponse sont à glaner du côté des marchés de l’occasion où des tacots d’un autre âge côtoient sans complexe des caisses flambant neuf avec immatriculations et cartes de circulation provisoires (carte jaune) vierges, dont quelques-unes sorties tout droit des show-rooms de concessionnaires. Première constatation, les prix de ces véhicules dépassent de loin ceux affichés au niveau des concessions officielles.

«Allez le trouver dans les show-rooms», nous réplique, sans hésitation, le propriétaire d’une Seat Ibiza toute neuve, avant de renchérir : «Et si vous parvenez à en dénicher une, je vous l’achèterai au prix fort.» Une première explication coulait de source, le manque de disponibilité offrait donc une opportunité rêvée à ces traiders de l’auto de surfer en toute liberté sur la vague ascendante des prix.

D’autant que des complicités au sein des représentants des marques apportent beaucoup d’eau au moulin de ces trabendistes aux dents acérées en créant et entretenant cette situation de pénurie. Dès l’entrée de véhicules sur l’aire de vente, et selon l’audience du modèle, les propriétaire sont systématiquement «pris en charge» par des groupes de pseudo-clients qui proposent des prix, renchérissent et n’hésitent pas à donner les justifications techniques de leur offre.

Une manière de délimiter à l’avance les fourchettes des prix. Et si par bonheur ou malheur, c’est selon, le propriétaire cède, les vitres du véhicule sont automatiquement fermées et des arrhes lui sont remis illico presto. Condamné à rester jusqu’à la fermeture du marché pour pouvoir sortir, le vendeur verrouille son véhicule et s’en va errer au milieu de centaines de voitures toutes marques et tous modèles confondus.

Débute alors un manège surréaliste, les nouveaux propriétaires reviennent et repartent de temps à autre en compagnie d’un client potentiel qui jettent un coup d’œil sur le véhicule, scrutent à travers les vitres son habitacle puis disparaissent dans la cohue. Le véhicule en question est ainsi revendu une seconde fois sous les yeux ahuris de son propriétaire. C’est dire la mainmise absolue de ces bandes organisées qui gère l’entrée des véhicules et leur vente à leur guise, exception faite, naturellement, de ceux qui n’entrent pas dans leur champ d’intérêt et ne pouvant donc générer des plus-values substantielles.

La demande dépasse l’offre

Un second constat nous a surpris, ces revendeurs informels disposent de toutes les données relatives à la situation actuelle du marché officiel de l’automobile en Algérie, la mise en application du nouveau cahier des charges, ses incidences sur l’augmentation des prix, le gel de toutes les opérations de commandes, les intentions des pouvoirs publics à réduire de moitié le nombre de véhicules vendus, la raréfaction des modèles les plus prisés par les clients algériens et surtout les sombres perspectives quant au redressement de la situation du marché pour les prochains mois, voire les prochaines années.

Et au-delà de ces constatations, il convient de souligner que la marché de l’occasion est en phase de reconquérir la place qui était la sienne et qui lui a été «confisquée » provisoirement par les concessionnaires, celle de la bourse véritable de l’automobile en Algérie. En effet, les décisions des pouvoirs publics visant à refonder la réglementation du secteur a engendré un bouleversement radical du marché et jeté les bases d’une nouvelle ère où la pénurie des produits, les délais de livraison de plus en plus longs et la politique des quotas compliqueront encore davantage la situation.

De même que le blocage total qui dure depuis plusieurs mois et qui semble se perpétuer ne fera que l’aggraver encore davantage. On assistera inévitablement à un décalage croissant entre l’offre et la demande sur le marché officiel. Et il sera alors compréhensible pour les clients dont les besoins en moyens de mobilité décents ne feront qu’évoluer, de recourir au marché de l’occasion et de se soumettre au diktat de ces barons. Espérons toutefois que les concessionnaires ne se laisseront pas tenter par les offres alléchantes de ces nouveaux maîtres des lieux. Nous publions ci-après à titre d’exemple les prix de quelques modèles à forte demande.

B. Bellil