Le gouvernement compte mettre fin au monopole d’Algérie Télécom (AT) sur l‘internet fixe, en donnant accès aux opérateurs à la boucle locale de l’opérateur historique. En contrepartie, AT se voit offrir d’autres perspectives… en monopole. La dorsale transsaharienne à fibre optique (DTS) est au coeur de ce recentrage.
« Le trafic international au départ ou à destination des réseaux de communication électroniques ouverts au public autres que satellitaires, doit être acheminés en intégralité à travers les infrastructures internationales établies et exploitées par un opérateur détenteur de licence d’établissement et d’exploitation d’un réseau de communications électroniques fixe ouvert au public », stipule l’article 120 de l’avant-projet de loi relatif au code des postes et des communications électroniques qui sera bientôt présenté au conseil des ministres.
Dans l’exposé des motifs, le ministère de la Poste et des technologies de l’information et de communications explique que ce « nouveau » monopole confié à Algérie Télécom par l’impératif de «sécurité des communications nationales».
Selon cet article, les opérateurs mobiles dépendront encore de la bande passante d’Algérie Télécom. Le gouvernement vient ainsi verrouiller ce champ pour les autres opérateurs qui ne pourront plus lancer leurs propres projets de câbles sous-marin.
Le câble sous-marin de Djezzy
L’opérateur de téléphonie mobile Djezzy qui est à présent détenu à 51% par l’Etat algérien à travers le Fonds national d’investissements (FNI), possède depuis 2013 le câble sous-marin Med Cable qu’il a hérité de la maison mère Global Telecom Holding (GTH), ex‑Orascom Telecom Holding (OTH).
Ce câble qui relie Alger et Annaba à Marseille sur une longueur de 1 300 km a été réalisé en 2005 par l’équipementier français Alcatel pour le compte de Lacom la filiale de téléphonie fixe d’Orascom. Le Med Cable est un atout indéniable que Djezzy détient, en s’affranchissant des services d’Algérie Télécom. Mais Djezzy ne détient pas le statut d’opérateur de téléphonie fixe.
Le gouvernement semble se diriger vers l’acquisition de ce câble- qui n’est pas en service- pour renforcer les liaisons internationales d’Algérie Télécom qui se sont révélées insuffisantes après la rupture du câble sous-marin de fibre optique reliant Annaba à Marseille par un navire battant pavillon étranger, survenue en octobre 2015 plongeant l’Algérie dans une panne générale d’internet.
A en croire la ministre de la Poste et des TIC, Mme Houda Imane Feraoun, le gouvernement est en négociations avec l’opérateur Djezzy pour l’utilisation du Med Cable afin d’augmenter les capacités de la bande passante internationale.
«L’Algérie est en train de négocier avec Djezzy pour utiliser son câble sous-marin, qui est actuellement hors service», avait indiqué la ministre en juin dernier à l’Assemblée populaire nationale.
Un hub africain
La démarche du gouvernement d’ouvrir la boucle locale d’Algérie Télécom à la concurrence tout en renforçant son monopole sur le trafic internet international va recentrer le rôle de l’opérateur historique sur le renforcement des ressources en bande passante internationale. Cela passe par l’optimisation de la ressource locale à travers l’installation d’un GIX (Points d’échange Internet) pour le trafic internet des opérateurs de services nationaux.
Avec ce nouveau statut, Algérie Télécom devra gérer les câbles sous-marins existants : Alger-Palma (80 Gbps) et Annaba-Marseille (425 Gbps) et futurs : Oran-Valence et Alger-Valence, en plus du Med Cable.
La démarche du gouvernement répond non seulement à cet aspect de gestion mais à une volonté de faire d’Algérie Télécom un acteur pivot d’une nouvelle stratégie orientée vers l’Afrique. L’Algérie à l’ambition de déployer des câbles en fibre optique terrestre et devenir le « hub » africain de l’internet.
La ministre de la Poste et des TIC prend à bras le corps le projet de construction d’une dorsale transsaharienne à fibre optique (DTS) devant relier l’Algérie, le Niger et le Tchad. Ce projet soutenu par la Banque africaine de développement (BAD) ambitionne d’interconnecter l’Afrique du nord, de l’ouest et l’Afrique centrale.
Le DTS devra couvrir un tracé de 1.510 km de fibre optique entre le Tchad et le Niger, puis reliera ce dernier à l’Algérie et le Nigeria avec des interconnexions avec le Burkina Faso et le Bénin.
En juillet dernier, les ministres en charge des TIC des trois pays se sont réunis à N’Djamena (Tchad) à l’effet d’étudier ce projet qui a bien avancé depuis puisque la BAD a octroyé début décembre un prêt de 31,4 millions d’euros ainsi qu’ un don de 12,5 millions d’euros au Niger pour la réalisation du tronçon qui traverse ce pays.