Obama repart au combat contre le réchauffement

Obama repart au combat contre le réchauffement

Washington, correspondante. La petite histoire retiendra que Barack Obamas’est beaucoup épongé le front en présentant, mardi 25 juin, son Plan d’action nationale pour le climat. Le président américain avait choisi un décor prestigieux : les marches de l’université de Georgetown à Washington, d’où treize de ses prédécesseurs, dont Abraham Lincoln, se sont adressés au public depuis 1797. Il n’avait probablement pas prévu qu’il ferait 35 °C...

M. Obama s’est efforcé, pendant quarante-sept minutes, de convaincre ses compatriotes que l’heure de la mobilisation est venue, d’autant qu’ils paient déjà « le prix de l’inaction » face au changement climatique. Une gageure, illustrée par la rapidité avec laquelle les chaînes câblées se sont détournées du discours présidentiel – pourtant présenté comme un événement majeur depuis trois jours – pour retourner surveiller les vols aériens entre Moscou et Cuba, dans l’espoir d’apercevoir Edward Snowden, ex-employé de la CIA et protagoniste d’une saga digne des meilleurs feuilletons d’espionnage de la guerre froide.



« MEILLEUR DISCOURS SUR LE CLIMAT »

Première démonstration : le réchauffement existe. Le président a présenté une accumulation de faits que n’aurait pas désavoués Al Gore, l’ancien vice-président et apôtre de la cause climatique – qui s’est réjoui d’avoir entendu « le meilleur discours sur le climat jamais prononcé par un président ». L’année 2012 a été la plus chaude jamais enregistrée aux Etats-Unis, a rappelé M. Obama. Les douze autres records sont intervenus dans les quinze dernières années. Un tiers de lapopulation américaine a eu à subir des températures de plus de 41 ºC pendant au moins dix jours. Ouragans, feux de forêt, sécheresse, inondations ont coûté plus de 100 milliards de dollars (76 milliards d’euros). Il y a deux fois plus d’asthmatiques qu’il y a trente ans… « En tant que président, en tant que père et en tant qu’Américain, je suis ici pour vous dire que nous devons agir », a lancé M. Obama.

Deuxième élément : l’environnement ne devrait pas être un sujet de polémiquepolitique. « C’est Nixon qui a créé l’Agence pour la protection de l’environnement », a rappelé le président ; George Bush père qui a été le premier à évoquer l’influence de l’activité humaine sur les changements atmosphériques ; l’ancien candidat à la Maison Blanche John McCain qui a proposé un marché du carbone. Les républicains devaient s’en inspirer plutôt que de se complaire dans les réunions de la « société de la terre plate » où l’on nie le changement climatique, a ironisé le président. « Se mettre la tête dans le sable peut vous donner l’impression d’être plus en sécurité, mais cela ne va pas vous protéger des prochaines tempêtes. »

Mais puisque le Congrès est paralysé, M. Obama entend agir non pas par la voie législative, mais par des mesures réglementaires. Rappelant qu’il s’est engagé en 2009 à Copenhague à réduire de 17 % par rapport au niveau de 2005 les émissions américaines de gaz à effet de serre avant 2020, il a indiqué que l’objectif ne pourrait pas être atteint sans « se remonter les manches ». Depuis 2006, la récession et la progression du gaz naturel ont fait des Etats-Unis le pays qui, dans le monde, a « le plus réduit sa pollution au carbone », a-t-il assuré. Mais les centrales électriques au charbon comptent toujours pour 40 % des émissions.

« GUERRE CONTRE LE CHARBON »

Au pays de la liberté d’entreprendre, M. Obama a annoncé une mesure immédiatement qualifiée de « guerre contre le charbon » par les républicains. Pour la première fois, les émissions des compagnies d’électricité seront soumises à des limites contraignantes. Le règne de la pollution gratuite illimitée est terminé, a-t-il clamé. « Nous avons des normes de mercure, d’arsenic, de plomb », mais aucune réglementation fédérale n’empêche les centrales de polluer à leur guise.

Le président a demandé à l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) de préparer des normes de pollution pour les centrales au charbon, en vertu de la loi sur la pureté de l’air (Clean Air Act) de 1970. Les entreprises américaines ne pourront plus construire des centrales à l’étranger qui ne respecteraient pas ces normes, sauf dans les pays pauvres privés de ressources énergétiques. Un pas important, dont se sont félicités les écologistes.

Mais comme l’a fait remarquer le président de la compagnie American Electric Power, Nick Akins, « le diable est dans les détails ». L’EPA a un an pour préparer ces nouvelles normes, et celles-ci ne seront finalisées qu’en 2015 – soit, comme le font remarquer les mauvais esprits, après les élections de mi-mandat en 2014. Par ailleurs, l’EPA n’a même pas encore de responsable et les républicains du Sénat, qui bloquent la confirmation de Gina McCarthy, la candidate choisie par M. Obama, ne risquent pas d’accélérer le processus.

Avec un plan aussi ambitieux, M. Obama a rassuré ceux qui désespéraient de ses intentions. Il n’en a pas moins maintenu l’ambiguïté sur le projet qui suscite des réactions passionnées chez les écologistes, mais qui est approuvé par 66 % d’Américains : l’autorisation du pipeline Keystone XL, prévu pour acheminer lepétrole des sables bitumineux du Canada jusqu’au golfe du Mexique. Le projet sera approuvé s’il « n’exacerbe pas de manière significative le problème climatique », a-t-il prévenu. Une nouvelle fois, Barack Obama a résolu ses contradictions en annonçant non pas sa décision, mais les critères – flous – qui y présideront.